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Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'une commémoration du 100e anniversaire du massacre de Tulsa au Greenwood Cultural Center de Tulsa, dans l'Oklahoma, le 1er juin 2021.
Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'une commémoration du 100e anniversaire du massacre de Tulsa au Greenwood Cultural Center de Tulsa, dans l'Oklahoma, le 1er juin 2021.
©MANDEL NGAN / AFP

Sleepy ou Super Joe ?

Après avoir été surpris par la détermination d’un président longtemps présenté comme endormi et très centriste, certains éditorialistes américains commencent à nouveau à se poser des questions.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : 100 jours après l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, des doutes existent sur la stratégie de Joe Biden, comme le relève un article du Washington Post. Quels sont les points importants à relever sur ces 100 premiers jours de présidence, sur un Biden que l'on considérait mou et qui finalement a beaucoup agi ?

Gérald Olivier : Biden  a été élu sur un programme centriste plutôt vague. Mais il gouverne à gauche. Cela irrite les centristes, et cela rend furieux les Républicains parce que sa politique détruit l’héritage de Donald Trump. Mais cette politique ne va pas encore assez loin cependant aux yeux de la nouvelle garde radicale du parti Démocrate. De sorte que Biden a des détracteurs au sein même du camp qu’il a jusqu’à présent le mieux servi.

Durant la campagne Il n’avait jamais  parlé de remettre en cause l’indépendance énergétique américaine, et il avait promis de ne pas abandonner la fracturation hydraulique qui permet l’exploitation du gaz de schiste, mais une fois au pouvoir il a fait les deux ! Il a décidé d’éliminer progressivement les énergies fossiles, il a suspendu un grand projet de pipeline, annulé des permis d’exploration en Alaska, et annoncé la fin prochaine du fracking ! Au passage il a détruit des milliers d’emplois. Il a adopté d’emblée les positions extrêmes exprimées dans le fameux « green new deal », la « nouvelle donne verte » prônée par les Démocrates radicaux et les écologistes. 

On observe donc une différence considérable entre les annonces de Biden candidat et la politique de Biden président. Le problème que cela pose est que, quand vous êtes élu avec 50,3% des voix dans une élection, émaillée d’irrégularités multiples et contestée par au moins une partie de l'électorat, vous n'avez pas de mandat électoral fort, ce que les Américains appellent "a mandate". C'est-à-dire que vous n'avez pas une majorité suffisante pour mener une politique révolutionnaire. Vous êtes obligé de tenir compte du fait que votre majorité est extrêmement étroite. Cette étroitesse est illustrée tous les jours par la répartition des sièges au Congrès. Il y a cinq sièges d’écart, sur quatre centre trente-cinq, entre les deux partis à la Chambre des représentants en faveur des démocrates, et il y a zéro siège au Sénat, qui est à 50-50. La vice-présidente Kamala Harris peut apporter le vote décisif, le cas échéant, mais ce cas de figure n’est pas si fréquent. Donc, Biden n'a pas une majorité suffisante pour justifier d’imposer un programme radical. Et pourtant, c'est ce qu'il a essayé de faire.

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A partir de là, il s'est produit deux choses. La première est que certaines décisions de Joe Biden ont été catastrophiques et on a vu le résultat immédiatement. La seconde chose, c'est que l'électorat le plus radical de Joe Biden, l'aile gauche, qui est aujourd'hui personnifiée par des personnalités comme Alexandria Occasio-Cortez ou llhan Omar, a été déçu. Parce que pour eux, Biden n'ira jamais assez loin.

Si l'on regarde dans le détail, on constate que depuis l'arrivée de Biden, les États-Unis ont été précipités dans une série de crises manufacturées, délibérées et inutiles, des crises qui auraient pu être évitées, mais qui ne l’ont pas été par simple choix idéologique.

La première crise, c'est la crise migratoire. L'annonce par Joe Biden qu'il allait régulariser 11 millions de clandestins et mettre un terme aux politiques menées par l'administration Trump a été interprétée comme un signal que les frontières étaient ouvertes et on a vu un afflux considérable de migrants en provenance du Mexique et d'Amérique centrale se précipiter vers la frontière sud des Etats-Unis. Leur flot, sans précédent depuis vingt ans, a totalement submergé certaines villes de la frontière, désorganisé les services sociaux et créé un chaos sans fin. C'est une crise dont on parle moins aujourd'hui mais elle n’est pas terminée. Les migrants continuent d'affluer.

La deuxième crise manufacturée est celle de l'énergie, sanctionnée par une forme de justice immanente que je trouve assez symbolique. Dès son arrivée au pouvoir, Joe Biden a décidé de suspendre le projet Keystone consistant à relier par oléoduc  les champs pétrolifères du Canada au golfe du Mexique, pour l'exportation. Il a justifié sa décision au nom de la transition énergétique, disant clairement dit que pour lui, les énergies fossiles appartenaient au passé, et au nom de l’environnement, ce qui est abérrent car un oléoduc ne pollue pas, sauf s’il est saboté. Quelques semaines plus tard, on apprend qu'un oléoduc de la côte-est qui alimente en carburant toute une série d'États du sud et de l’est a été piraté par des « hackers » obligeant son opérateur à le fermer temporairement. En l'espace de quelques jours, les stations services ont été à court d'approvisionnement et les régions desservies par ce pipeline ont été frappées par une pénurie de carburant comme on n'en avait pas vue depuis la présidence de Jimmy Carter en 1979. Soudain, on s'est aperçoit que les pipelines ont une utilité. C'était une sorte de retour de bâton symbolique contre la politique de Joe Biden. Au passage, cette politique a eu pour résultat immédiat une forte hausse du prix de l'essence. Le prix du carburant aux États-Unis a augmenté de 40 à 50 % par rapport à ce qu'il était il y a six mois.

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La troisième crise est budgétaire. Joe Biden s'est empressé de faire passer un programme de relance pour aider l'économie à se rétablir à l’issue de la pandémie et aider les gens qui ont souffert du Covid-19, etc. Sur le fond, cela paraît totalement justifié, mais dans la réalité, par le biais de ce programme d'aide, des sommes considérables ont été versées à tous les intérêts particuliers qui avaient soutenu Joe Biden pendant sa campagne, en particulier un certain nombre de syndicats, dont le syndicat des enseignants, corporation qui n’a absolument pas été pénalisés parce que les enseignants ont continué d'être payés même si les écoles étaient fermées. Simplement, c'est un syndicat extrêmement puissant qui a beaucoup contribué à la campagne électorale de Joe Biden. C’est un pilier financier et idéologique de la machine Démocrate. Joe Biden leur a donc renvoyé l'ascenseur. Comme il a renvoyé l’ascenseur à des dizaines d’autres partisans sous couvert de la loi d’aide au Covid. Toutefois il s’agit d’un argent que le gouvernement n’a pas ! Cette générosité est financée par l’emprunt. Et on a vu la dette publique américaine augmenter de 3 à 4000 milliards de dollars en l'espace de quelques mois, pour approcher désormais les trente mille milliards de dollars (une augmentation de 50% en quelques années). Sur ce, Biden a présenté un programme officiellement destiné à renouveler les infrastructures américaines, dans lequel il y a à nouveau des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars qui ne sont pas destinés aux infrastructures, mais plutôt destinées à satisfaire les demandes d’un certain nombre de soutiens du Parti démocrate.

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L'addition des milliers de milliards de dollars jetés sur la table comme de la petite monnaie a fini par faire peur à un certain nombre d'acteurs économiques. On constate donc aujourd'hui un redémarrage de l'inflation aux Etats-Unis: les chiffres, qui viennent de tomber,  donnent une inflation de 5% sur un an. Ça peut ne pas paraître énorme pour ceux de ma génération qui ont connu les années 70 et les années 80, mais c'est le chiffre le plus élevé depuis presque 30 ans. Tout le monde considérait que depuis les années Reagan, l'inflation avait été jugulée et n'était plus un problème. Là, elle redevient un problème alors qu'il n'y avait pas, au départ, dans l'économie, de tensions inflationnistes. C'est une crise manufacturée supplémentaire, conséquence des politiques de l'administration Biden.

La quatrième crise concerne l’explosion de la criminalité. Elle prédate l’élection de Joe Biden, mais elle est entièrement due au soutien actif des Démocrates aux prises de positions racialistes et clivantes de mouvements tels Black Lives matter. Depuis un an BLM appelle à éliminer les services de police en supprimant leur financement (defund the police en anglais). De nombreuses métropoles et municipalités américaines ont diminué leurs effectifs de police, réduit leurs budget et restreint leur liberté d’action. Si la police quitte le terrain, les criminels prennent sa place ! Et comme par hasard, on observe une hausse de la criminalité la plus violente, c’est  à dire des homicides. L’ironies et bien sûr que les premières victimes de cette violence  sont les Noirs, mais comme les perpétrateurs en sont aussi des Noirs, tout le monde est prié de fermer les yeux !

La dernière crise manufacturée est la crise internationale. Au printemps l’administration Biden a libéré une aide de 325 millions de dollars aux Palestiniens, aide que le président Trump avait gelé parce que le mouvement Hamas qui contrôle Gaza, est sur la liste des organisations terroristes. Quelques semaines plus tard le Hamas a fait pleuvoir des milliers de roquettes sur Israel et deux semaines de guerre ont suivi.  Il semble évident que si Trump était toujours à la Maison Blanche cette guerre n’aurait pas eu lieu. Le Hamas n’aurait pas eu les moyens financiers de sa guerre et l’Iran, son allié et protecteur, n’aurait pas osé défier le président américain.  La dernière guerre entre le Hamas et Israël remontait à 2014 quand Obama était à la Maison Blanche, et Biden vice-président et qu’ils avaient engagé une politique d’ouverture envers l’Iran. Depuis janvier on observe d’ailleurs qu’un certain nombre d'acteurs internationaux - la Russie vis à vis de l'Ukraine ; la Chine vis à vis de Taïwan – multiplient les provocations pour tester les réactions de la nouvelle administration américaine.  Et ils font cela avec d'autant plus de facilité que Biden a clairement dit qu'avec son administration, c'était le retour du dialogue, le retour de la diplomatie, le retour du concert des nations. Bref on est loin de la « paix armée » , « peace through strength » défendue par Donald Trump.

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