Le "taper", ce revirement de la politique de la Fed qui fait trembler les marchés<!-- --> | Atlantico.fr
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"Taper", c'est le ralentissement progressif des achats de bons du Trésor et d'actifs par la Fed.
"Taper", c'est le ralentissement progressif des achats de bons du Trésor et d'actifs par la Fed.
©Reuters

Kézako ?

Depuis quelques jours, médias et marchés n'ont plus qu'un seul mot en bouche : "taper, taper, taper". Ils sont tout simplement très inquiets. Eclairage sur le sens de ce barbarisme.

Cécile  Chevré

Cécile Chevré

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’Institut national des techniques de documentation (INTD). Elle rédige chaque jour la Quotidienne d'Agora, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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Le "taper", qu'est-ce que ce barbarisme ?

Le "taper" s'il ne fait pas encore partie de votre vocabulaire courant devrait rapidement l'intégrer. "Taper", c'est le ralentissement progressif des achats de bons du Trésor et d'actifs par la Fed. Jusqu'à présent, ces achats se montaient à 85 milliards de dollars, mais devant la montée des protestations, les craintes inflationnistes et la lente et pénible reprise de l'économie américaine, Ben Bernanke, le président de la Fed, s'est déclaré prêt à ralentir ses achats.

D'après les dernières rumeurs, et les déclarations faites mi-août par le président de la Fed d'Atlanta, Dennis Lockhart, la Fed pourrait ralentir ses achats de 10 milliards de dollars dès septembre prochain, puis de nouveau en décembre pour mettre fin au quantitative easing (la planche à billet, ndlr) en 2014Les marchés sont donc suspendus au moindre mouvement de la Fed.

Mercredi 21 août, la publication des dernières minutes de la dernière réunion du FOMC, le comité monétaire de la banque centrale américaine, n'a rien livré de palpitant. Certains des membres de la Fed prônent un ralentissement du quantitative easing au plus vite, d'autres préféreraient attendre un peu. Quoiqu'il en soit, l'annonce d'une réduction est largement anticipée par les investisseurs depuis mai dernier et les premières déclarations de Ben Bernanke dans ce sens.

Taper n'est pas sans conséquences

Immédiatement, la perspective de l'arrêt de l'argent facile a eu plusieurs conséquences :

  • des mouvements baissiers répétés sur les marchés actions

  • une remontée des marchés obligataires (aussi bien US que dans le reste du monde)

  • une fuite des actifs "spéculatifs" ou "anti-inflation", comme le pétrole ou les métaux précieux

  • un tabassage des économies émergentes : entre la fuite des capitaux étrangers (qui se découvrent une véritable allergie au risque, le recul de leurs monnaies face au dollar (qui renchérit les importations, en particulier d'énergie), les pays émergents souffrent.

L'indice MSCI (Morgan Stanley Capital International, un indice développé par la banque d'affaire américaine Morgan Stanley qui mesure la performance d'un marché boursier donné, ndlr) des marchés émergents dégringole de 9% en 3 mois et, d'après L'Agefi, la semaine dernière, ce ne sont pas moins de 760 millions de dollars qui ont quitté les fonds émergents. Depuis le début de l'année, l'hémorragie se monte à 8,4 milliards de dollars.

Hémorragie chez les émergents

Economies et Bourses émergentes subissent de plein fouet cette vague de "taper". Le Monde cite l'exemple des compagnies aériennes brésiliennes, dont les recettes sont en dollars et qui sont au bord de l'asphyxie alors que le real s'effondre face au billet vert. La bourse indonésienne enchaîne quant à elle les séances de forte baisse, et perd plus de 15% sur la semaine.

Est-ce grave docteur ?

Oui, le phénomène n'est pas à sous-estimer. L'addiction des marchés aux liquidités de la Fed est profonde et bien ancrée. Leur réaction face à un arrêt est à la hauteur de leur besoin. Cependant, deux points d'importance sont à souligner.

Premièrement, même si la Fed ralentit effectivement ses achats dans les semaines ou les mois qui viennent, elle pourra très difficilement les arrêter complètement. La principale raison est l'endettement américain important (106% du PIB) et surtout en constante progression. Il ne vous aura pas échappé que le gouvernement US n'a toujours pas résolu le problème de la falaise fiscale et qu'une réduction de ses dépenses n'est pas à l'ordre du jour. Pour empêcher le marché obligataire de prendre le mors aux dents et les rendements d'exploser, la Fed doit continuer ses achats. C'est (presque) aussi simple que cela.

Deuxièmement, cette fuite des capitaux n'affecte pas de la même manière tous les pays. Ceux de l'Amérique latine sont particulièrement touchés à cause de leurs liens historiques avec les Etats-Unis. Certains pays de l'Asie du Sud-est aussi même si dans une moindre mesure.

Et surtout, cette fuite va permettre une purge. Les liquidités qui avaient afflué vers les économies émergentes trop rapidement et de manière trop spéculative. S'en étaient suivis flambée de l'inflation, et des bulles boursières, immobilières, du crédit, etc. Les investissements étrangers sont souvent indispensables aux pays émergents mais tout argent n'est pas bon à prendre.

On assiste donc à un phénomène plutôt encourageant à moyen et long terme : le passage des mains faibles (investissement de court terme) aux mains fortes (qui misent sur le long terme et ne s'enfuient pas au moindre soubresaut). Ces mains fortes sont celles qui sont à même d'accompagner une croissance durable dans les économies émergentes. C'est le même phénomène pour l'or.

Ceux qui survivront au "taper"

Malgré les difficultés actuelles, cette purge n'est pas forcément une mauvaise chose pour nombre de pays émergents. En Asie du Sud-est, cela sera aussi l'occasion pour la Chine d'avancer ses pions et de multiplier les investissements dans les pays voisins. Car l'empire du Milieu est intéressé par ce qui se passe au-delà de ses frontières. Les pays de l'Asie du Sud-est peuvent lui fournir matières premières, énergie, main-d'oeuvre bon marché, mais aussi des débouchés pour ses propres produits.

Autre région du monde qui attire mon attention : l'Alliance du Pacifique (Mexique, Chili, Colombie, le Pérou). En 1994, lors du précédent krach obligataire, des pays comme le Mexique avait fait partie des principales victimes à cause de ses liens extrêmement étroits avec les Etats-Unis. Depuis, si ces économies dépendent en grande partie de la demande US, les liens commerciaux, économiques et financiers se sont développés entre eux et l'Alliance du Pacifique pourrait bien mieux résister aux soubresauts obligataires qu'en 1994. Il faut dire que la région ne manque pas d'atouts grâce à une alliance d'industrialisation, de demande intérieure, de compétitivité en matière de coût du travail ou encore de ressources en matières premières.

La zone de turbulence risque donc de se poursuivre encore quelques mois avant de se calmer devant l'impossibilité de la Fed de mettre fin au quantitative easing et la reprise progressive de certaines économies émergentes.

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