Le Syndicat de la magistrature milite pour une société sans frontières, sans prison, sans capitalisme. Et réussit à avoir plus d’influence plus que son poids réel<!-- --> | Atlantico.fr
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Hervé Lehman publie « Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire » aux éditions du Cerf.
Hervé Lehman publie « Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire » aux éditions du Cerf.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Justice

Hervé Lehman dévoile la face cachée du Syndicat de la magistrature dans son dernier ouvrage « Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire » aux éditions du Cerf. Il évoque pour Atlantico l'influence du Syndicat de la magistrature au sein de la Justice.

Hervé Lehman

Hervé Lehman

Ancien juge d’instruction, avocat au barreau de Paris, Hervé Lehman est l’auteur de Justice, une lenteur coupable (2002). Il a participé à la rédaction du rapport de l’Institut Montaigne sur la réforme de la Justice (Pour la Justice). Il est l'auteur du livre "Le procès Fillon" (Cerf, mars 2018) et vient de publier "L’air de la calomnie- une histoire de la diffamation" aux Editions du Cerf (2020). 

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Atlantico : Vous publiez « Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire » aux éditions du Cerf. Quelle est l’emprise du Syndicat de la magistrature au sein de la Justice ? Ont-ils une représentation limitée ?

Hervé Lehman : Le nombre de magistrats au Syndicat de la magistrature est assez limité, de l’ordre de  dix pour cent. L’influence est plus importante puisqu’aux dernières élections professionnelles le Syndicat de la magistrature a recueilli 29 % des voix. Cela reste une minorité et tous ceux qui votent pour ce syndicat n’en partagent pas nécessairement l’idéologie profonde. 

En revanche, l’impact du Syndicat de la  magistrature sur l’évolution de la justice est beaucoup plus important que sa représentativité. Il est évident qu’un groupe structuré, avec une doctrine cohérente et un action déterminée sur des décennies obtient des résultats, là où les autres magistrats sont simplement dans  l’exercice, souvent individualiste, de leur mission qui est d’appliquer la loi. 

Grâce à quels leviers le Syndicat de la magistrature a-t-il atteint son statut actuel au cœur de la Justice ? Est-ce par complaisance ou par lâcheté de l’institution judiciaire ?

Le Syndicat de la magistrature se veut un syndicat, et ce terme a été choisi en référence aux syndicats ouvriers, mais en réalité c’est au moins autant un mouvement politique. Il s’intéresse moins aux intérêts matériels  de ses membres qu’à l’évolution de la justice et de la société. 

Quand le pouvoir est à droite, le Syndicat de la magistrature utilise les moyens d’action d’un syndicat : débats, grèves, manifestations, pétitions, convergence des luttes avec les autres mouvements syndicaux de gauche  ou les associations altermondialistes telle qu’ATTAC, recours contre les décrets ministériels, etc. 

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Quand la gauche est au pouvoir, le Syndicat de la magistrature en devient un allié objectif : ses membres entrent dans les cabinets ministériels, deviennent directeurs d’administration centrale à la Chancellerie ou chefs de juridiction, sont nommés au Conseil constitutionnel ou à des postes tels que celui de Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Aujourd’hui, les membres, anciens membres ou compagnons de route du Syndicat de la magistrature exercent leur influence à tous les degrés de la hiérarchie judiciaire. Ils sont en partie l’institution judiciaire. 

A quel point le Syndicat de la magistrature a-t-il une influence sur la jurisprudence, notamment en matière d’immigration ?

L’évolution de la jurisprudence et de la législation en matière  d’immigration provient en grande partie de ce qu’on appelle le dialogue des juges : l’application  coordonnée des grand principes des droits de l’homme par la Cour européenne des droits  de l’homme, la Cour de Justice de l’Union européenne, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat et la Cour  de cassation a rendu extrêmement difficile l’application des politiques de contrôle de l’immigration. 

Un exemple : en 2011, la Cour de justice de l’Union européenne décide que les étrangers en situation irrégulière ne doivent pas être incarcérés. Dans la foulée, la Cour de cassation en déduit qu’ils ne peuvent pas non plus être placés en garde à vue. Emboitant le pas, François Hollande fait voter en 2012 la suppression du délit de séjour irrégulier en France. 

Quel est le rôle du Syndicat de la magistrature, qui est hostile à tout contrôle  de l’immigration, dans ce processus ? Celui d’un  influenceur dont les membres se retrouvent, ici et là, dans la juridiction appelée à prendre une décision importante sur le sujet ou au cabinet d’un ministre de la Justice d’un gouvernement de gauche qui fait évoluer la législation et donne des instructions de politique pénale aux procureurs. 

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Quel est le poids du Syndicat de la magistrature dans le traitement des affaires financières ou bien encore au sein du PNF ?

C’est le même mécanisme pour la délinquance financière, la diminution de l’effectivité de la peine ou le droit du travail. Le Syndicat de la magistrature milite, par les mêmes moyens, pour avancer vers une société sans frontières, sans prison, sans capitalisme. 

La création du Parquet national financier répondait bien à cette idéologie : il fallait créer un grand parquet national, historiquement le premier (avant  le parquet national antiterroriste), pour lutter contre la grande délinquance financière, ce que le Syndicat de la magistrature appelle la délinquance de la bourgeoisie. François Hollande en a profité pour utiliser un instrument permettant d’éliminer ses opposants politiques, en premier lieu Nicolas Sarkozy puis François Fillon. 

Faut-il revoir les conditions d’accès à la magistrature, réformer ou supprimer l’ENM et corriger certains défauts de l’institution judiciaire face à l’influence du Syndicat de la magistrature ?

Mon livre dresse un état des lieux, décrit ce qu’est le Syndicat  de la magistrature, d’où il vient et où il va, mais laisse chacun libre d’apprécier si son action est positive ou négative. Le point essentiel de  la démonstration est qu’il y a une minorité agissante de magistrats, regroupés dans un mouvement politique appelé syndicat, qui milite et œuvre depuis plus de cinquante ans pour un projet que l’on pourrait qualifier d’altermondialiste. Essayer de contrer ce mouvement ne serait  pas simple : cela passerait par l’affirmation de la primauté de la loi votée par les élus sur la  jurisprudence. Il faudrait revenir aux principes républicains de 1789 : la loi est l’expression de la volonté populaire à travers ses élus, et les juges sont là pour l’appliquer et non pour la combattre et l’écarter quand elle leur déplait.

Retrouvez deux extraits du livre d'Hervé Lehman : 

Politique pénale : le syndicat de la magistrature a-t-il fait plier Nicolas Sarkozy lorsqu’il était président ?

Ce que le mur des cons nous disait vraiment des dérives de la gauche judiciaire et du Syndicat de la magistrature

Hervé Lehman publie « Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire » aux éditions du Cerf

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