Le scandale des autotests : bêtise, ignorance, blocage des lobbys, racket ou corruption ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de la Santé, Olivier Véran.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran.
©THOMAS COEX / AFP

Atlantico Business

Le ministre de la Santé s’oppose toujours à la mise en vente libre des auto tests. « Vos explications sont floues M. le Ministre. Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! ».

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L’interdiction en France d’utiliser les autotests est incompréhensible et justifie désormais qu‘on s’interroge sur toutes les hypothèses : bêtise, incohérence administrative, pression des lobbys, racket ou corruption... tout est possible.

Ce qui se passe depuis trois mois maintenant, pour bloquer l’utilisation des autos tests, est absolument incompréhensible. Ce blocage ne correspond à aucune logique, aucune réalité rationnelle, morale, sanitaire ou économique. Du coup, toutes les hypothèses sont permises pour essayer d’expliquer cette situation ubuesque, qui empêche l’utilisation de cet outil. Nous avons été quelques-uns (et notamment sur Atlantico), compte tenu des expériences étrangères, à souligner l’importance du dépistage Covid, du traçage et de l’isolement des cas positifs pour casser les chaines de contamination. Au début de cette année, on savait bien, compte tenu de la pénurie de vaccins, qu’il fallait accepter tous les outils possibles pour freiner la circulation du virus, sans passer par le confinement et l’autotest nous paraissait un bon moyen de faciliter le retour à la vie normale, en attendant que la population soit majoritairement immunisée.

Ces autotests, qui commençaient à être utilisés dans beaucoup de pays, permettaient à tout un chacun de se tester tout seul, très rapidement (quelques minutes), à un prix très abordable (entre 1 et 5 euros). Avant d’accepter un diner, de rentrer dans une salle de classe ou de spectacle, une réunion au bureau ou un déjeuner au restaurant.

Les chefs d’entreprise, eux-mêmes, ont très rapidement compris l‘utilité des auto tests pour sécuriser leurs salariés ou même leurs clients. Ces tests seraient venus s’ajouter aux vaccins, aux tests PCR, et à ceux qui ont été immunisés par le coronavirus. Mais surtout, ils offraient une praticité extraordinaire pour restaurer la confiance générale.

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En quelques mois, ces tests ont été distribués et utilisés en Grande Bretagne, en Allemagne, en Suisse, en Israël, aux Usa etc ... et dans beaucoup de pays émergents.

Et en France, me direz-vous ? Et bien en France, personne dans l’administration n’a voulu s’y intéresser. Jusqu'à ce que la pénurie de vaccins soit trop flagrante, jusqu'à ce que de grandes entreprises en achètent sur les marchés étrangers, jusqu'à ce que les centrales d’achat de la grande distribution en trouvent et en stockent.

Jusqu'à ce que l’agence française du médicament consente, après deux mois d’études et d’analyses, à reconnaître que les autotests n’étaient ni toxiques, ni dangereux. Quel aubaine !

Mais de là à ce que le ministère de la Santé les autorise librement à la vente, il y avait un pas que M. Olivier Véran n’a toujours pas franchi.

La semaine dernière, alors que Carrefour installait les auto tests dans ses rayons, à moins de 4 euros, alors que les grandes entreprises qui en avaient acheté les mettaient à la disposition de leurs salariés, alors que les parents d’élèves faisaient savoir qu’on pourrait les utiliser à l‘école, alors que mercredi dernier, Emmanuel Macron ouvrait la porte à un 3e confinement tout en insistant sur la nécessité de tout faire pour freiner la circulation du virus en attendant les vaccins qui allaient arriver, le ministre de la Santé a tout interdit jusqu’au vendredi 2 avril, jour où il a autorisé la vente de ces autotests uniquement dans les pharmacies.

Ce qui est hallucinant dans cette affaire, c’est que le ministre et ses amis ont dit tout et n’importe quoi pour justifier son refus.

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1er argument, les autotests auraient été trop difficiles à utiliser. Évidemment, les Français sont majoritairement trop c.... Incapables de glisser 2 cm d’un coton tige dans une narine, sans se crever un œil et ensuite agiter le coton dans une solution réactive pour voir de quelle couleur ressort le test. Pas plus difficile qu’un test de grossesse. En Grande Bretagne, les enfants se font un autotest deux fois par semaine dès l’entrée en primaire.

2e argument, les autotestsne seraient pas fiables, ils seraient donc inutiles. Évidemment comme les masques, il y a un an. Les autotests peuvent donc révéler des faux positifs, sans doute mais alors so what ? Tous les positifs à l’autotest se font vérifier par un PCR et le tour est joué.

3e argument, les autotests sont trop chers. Foutaise. Entre 1 euro et maximum 5 euros en pharmacie. En grande surface, les prix pouvaient descendre de moitié. Rappelons que le test PCR réalisé en laboratoire coute aux environs de 100 euros à l'assurance maladie, le test-antigénique 35 euros.

4e argument, les autotests ne permettent pas le traçage. Mais pourquoi donc ? Si on considère que les Français sont responsables à titre individuel (ce qu’il faudrait vérifier), on peut faire encore plus confiance aux restaurateurs, aux contrôleurs TGV , aux douaniers, pour s’assurer que leurs clients ne peuvent pas contaminer les autres.

Aucun de ces arguments ne tient la route, alors il faudra sans doute enquêter sur le lobby des pharmaciens qui aurait imposé l’exclusivité. Pas possible, ils ne gagneront pas d’argent là-dessus. Enquêter sur le lobby des laboratoires d’analyses qui se sont équipés en machines, quand on leur reprochait de mettre une semaine pour délivrer les résultats. Peut-être mais alors, il faudra se tourner vers l‘administration pour savoir combien ces machines ont couté et vérifier si elles ne sont pas déjà amorties, ce qui est probable.

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« Toutes ces explications sont floues, Mr le Ministre et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup... » .

Aucun de ces arguments ne tient la route. Lorsque le Sida est apparu, il y a 30 ans, le seul moyen de se protéger était le préservatif (c’est toujours le cas d’ailleurs), imagine-t-on le ministre de l’époque venir à la télé, nous dissuader d’utiliser ces capotes en disant qu’elles sont difficiles à mettre, qu‘elles ne sont pas fiables et trop chères. Ridicule et plus grave encore.

L’autotest va être le seul moyen, non pas de se protéger de la Covid 19 mais de protéger les autres si on est contaminés sans le savoir. Le seul moyen en attendant la vaccination généralisée.

Les faits sont têtus. Si les Français ne trouvent pas les autotests en vente libre ou même en libre-service dans les distributeurs automatiques, qu’il faudrait installer partout où il y a du public. Si le ministre de la Santé continue à interdire l’accès à l’autotest, le Français malin les trouvera au marché noir. Le marché noir est ouvert , avec tous les risques qu‘il comporte. Mais nécessité fait loi. La crise rend intelligent, sauf les autorités administratives.

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