Le revenu universel : la solution pour financer équitablement les retraites ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors d'une visite dans une maison de retraites.
Emmanuel Macron lors d'une visite dans une maison de retraites.
©GEORGES GOBET / AFP

Bonnes feuilles

Marc de Basquiat publie « L’ingénieur du revenu universel » aux éditions de l’Observatoire. L’auteur décrypte pourquoi une idée simple (distribuer à tous le même socle de revenu chaque mois) s'est transformée en une véritable épopée mondiale. Depuis le milieu des années 2000, Marc de Basquiat mène une bataille continue auprès des administrations et des élus pour défendre ce qui est pour lui un véritable projet de société : le revenu universel. Extrait 2/2.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Dans un rapport publié par le think tank GenerationLibre en octobre 2020, je notais un cas fictif : « Jacques (cadre supérieur de 50 ans) et Élise  (20 ans) se sont mariés en  1960 et ont divorcé rapidement. Jacques ne s’est jamais remarié, mais Élise a convolé de nouveau en 1965. Jacques a pris sa retraite en 1970 et décède en 1995. Élise peut alors bénéficier d’une réversion de Jacques. En 2020, à 80 ans, elle perçoit toujours une pension confortable dont le fait générateur est la courte vie commune qu’elle a connue avec Jacques dans les années 1960 . »

Il n’est évidemment pas question de fonder une politique publique sur des exemples exceptionnels, mais ils nous permettent de percevoir les limites d’un système de retraite dont les règles compliquées et obscures permettent des rentes de situation dont l’équité est parfois discutable et le coût colossal.

Ce chapitre montrera que la proposition « 500 euros moins 30 % des revenus » contribue à répondre aux difficultés des retraités les plus fragiles, mais qu’il est nécessaire de mener par ailleurs une vaste réforme d’un système économiquement condamné, que le gouvernement peine à réformer par défaut d’ambition, de transparence et de pédagogie.

Première question : pourquoi nous faut-il un système public de retraite ?

Soyons clairs  : « public » signifie d’abord que les cotisations sont obligatoires. L’État, avec le monopole de l’impôt et de la force publique, est seul capable de garantir qu’un système de retraite ne fera pas faillite au gré des évolutions de la démographie et de la conjoncture économique. Ensuite, il s’agit de s’assurer que 100 % de la population est protégée par le dispositif, même ceux dont les aléas de la vie n’ont pas mis en position de cotiser pour leurs vieux jours. À l’inverse, un système privé soumis à une exigence de rentabilité et de performance n’est pas spontanément porté à verser des pensions à ceux qui contribuent peu ou pas du tout. Une difficulté de conception majeure d’un système public de retraite est donc de combiner équitablement l’apport d’un financement fiscal avec les cotisations versées par la plupart des actifs au cours de leurs carrières. Une condition de cette équité est l’absolue transparence de règles compréhensibles par tous.

La deuxième difficulté est l’inégalité fondamentale face à la mort. Alors que mes parents ont perçu en pensions de retraite beaucoup plus que ce qu’ils ont cotisé pendant toute leur carrière, mon grand-père gravement malade dès la cinquantaine a peu profité de sa retraite. Ma chère grand-mère a pris la suite grâce à la réversion, avec une belle longévité, consommant certainement plus que les cotisations versées avant l’interruption anticipée de la carrière de son mari architecte. D’autres décèdent avant d’atteindre la retraite, ou peu après. Dans une logique de mutualisation, leurs cotisations « inutilisées » servent à financer les pensions de ceux qui tiennent le coup plus longtemps.

Au fond, un système de retraite est une assurance contre « le risque de vivre vieux ».

Idéalement, les pensions de retraite pourraient être calculées, au moment de la liquidation des droits, en divisant simplement la masse en euros des cotisations versées pendant toute sa carrière par l’espérance de vie à cette date. C’est la logique toute simple d’un système « en comptes notionnels ». L’avantage de cette approche est qu’elle est compréhensible par tous : l’administration tient le décompte en euros de toutes les cotisations, actualisé chaque année de l’inflation. Ceux qui totalisent ainsi un million d’euros au jour où ils prennent leur retraite perçoivent une pension dix fois supérieure à ceux de la même génération qui n’ont accumulé que 100 000 euros. La légitimité de ce calcul est forte, plus que l’hétérogénéité et la complication des règles des vingt-trois systèmes de retraite actuels, mais cette mécanique simple est insuffisante.

Les statistiques montrent en effet que l’espérance de vie au moment où on prend la retraite n’est pas du tout homogène dans la population. Les femmes bénéficient en moyenne d’une espérance de vie de cinq années plus longue que celle des hommes. Plus gênant : ceux qui ont eu les revenus professionnels les plus élevés vivent statistiquement nettement plus longtemps que ceux dont le niveau de vie est le plus faible. Cet écart est particulièrement prononcé pour les hommes  : les 5 % du bas de l’échelle vivent environ dix ans de moins que les 5 % les plus aisés. En conséquence, diviser le compte des cotisations d’une vie par une espérance de vie moyenne avantage les femmes et ceux dont les revenus sont les plus élevés. Chacun comprend la nécessité de corriger cela. Mais comment le faire de façon simple, transparente et équitable ?

Ma proposition majeure est d’instaurer une solidarité intragénérationnelle entre tous les retraités. Concrètement, tous ceux qui ont liquidé leurs droits à la retraite et ont atteint un âge minimal (à définir par la loi, par exemple 62, 65 ou 67 ans) se verraient prélever chaque mois un pourcentage fixe de l’ensemble de leurs revenus – mettons 25 % par exemple – qui serait redistribué à égalité entre tous les retraités. Une estimation rapide évalue à 450 euros par mois le montant de cette pension forfaitaire. Cela formerait une redistribution de la forme « 450 euros moins 25 % des revenus » pour tous les retraités, évidemment cumulable avec la redistribution universelle présentée en troisième partie : « 500 euros moins 30 % ».

Ainsi, une personne qui atteint la retraite sans avoir validé aucun droit de retraite par des cotisations serait assurée de recevoir au minimum 815 euros chaque mois. C’est un peu inférieur à l’actuel minimum vieillesse (ASPA). Par contre, un couple de retraités de classe moyenne supérieure dont la pension de retraite cumulée s’élève à 4 000 euros contribuerait à la redistribution intragénérationnelle à hauteur de 100 euros par mois et à la redistribution universelle, en sus, de 170 euros (en négligeant l’écart entre la pension versée et le revenu imposable). Leur revenu disponible serait donc de 3 730 euros. À noter qu’ils acquittent actuellement un impôt sur le revenu de 215 euros par mois, qui ramène leur revenu disponible à 3 785 euros. Dans ce cas, le résultat de ma proposition est très proche.

Le taux de 25 % n’est pas excessif pour cette redistribution intragénérationnelle. Pour mieux compenser les écarts d’espérance de vie entre riches et pauvres, on pourrait adopter un taux plus ambitieux, en redistribuant par exemple un tiers plutôt que le quart des revenus des retraités. Le taux marginal de prélèvement appliqué aux revenus des retraités dépasserait alors 50 %. Cela peut paraître excessif, mais il faut le relativiser. Le taux applicable aux revenus des bénéficiaires de l’ASPA actuelle est de 100 %, c’est-à-dire que les petites pensions et autres revenus des retraités les plus modestes sont intégralement soustraits du « minimum vieillesse » versé, alors que les retraités plus aisés sont beaucoup mieux lotis, soumis généralement à des taux marginaux de 11 %, 18 % ou 30 % seulement. Le niveau de vie des retraités français étant en moyenne supérieur à celui des actifs, c’est une anomalie qu’il est légitime de corriger. Alors que la règle universelle « 500 euros moins 30 % des revenus » s’appliquerait à l’ensemble de la population, ceux qui ont liquidé leurs droits à la retraite seraient soumis à une redistribution nettement plus forte, qui pourrait être formulée ainsi : « 850 euros moins 50 % de tous leurs revenus ».

Instaurer cette solidarité intragénérationnelle a un sens politique fort : elle signifie que les retraités assumeraient entre eux les inégalités qu’ils ont laissées s’installer pendant leurs années d’activité. Les générations suivantes ne seraient plus mobilisées pour les compenser, ainsi que cela se passe aujourd’hui avec des prestations de type ASPA ou des dispositions telles que le minimum contributif, financées par l’impôt payé essentiellement par les actifs.

A lire aussi : Revenu universel : une si belle idée… plombée par Benoît Hamon

Extrait du livre de Marc de Basquiat, « L’ingénieur du revenu universel, Voyage d'une idée pour notre temps », publié aux éditions de l’Observatoire.

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