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Le chancelier allemand Olaf Scholz pose pour les médias après l'enregistrement d'un discours télévisé à la chancellerie de Berlin, en Allemagne, le 24 février 2022.
Le chancelier allemand Olaf Scholz pose pour les médias après l'enregistrement d'un discours télévisé à la chancellerie de Berlin, en Allemagne, le 24 février 2022.
©Markus Schreiber / POOL / AFP

Riposte européenne

Face à la guerre en Ukraine, l’Allemagne a annoncé un investissement massif pour moderniser son armée. Selon le chancelier allemand, Olaf Scholz, « le monde est entré dans une nouvelle ère ». Un budget exceptionnel de 100 milliards d’euros est prévu sur les prochaines années afin de réarmer l’armée allemande.

Bruno North

Bruno North

Bruno North est président du CNIP (Centre national des indépendants et paysans).

 

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L’Allemagne va consacrer 100 milliards d’euros à la modernisation de ses forces armées. Sur longue période, elle envisage de porter ses dépenses militaires de 1,3 % à 2 % de son produit intérieur brut (PIB). Le premier réflexe pourrait être de s’en réjouir, compte tenu de l’urgence de l’heure : faire face à la Russie. En effet, la situation des forces armées des divers pays européens apparaît dans un état alarmant face au retour des risques de guerre de grande ampleur sur le continent. 

Cette décision soulève cependant bien des questions.

L’Allemagne est probablement le seul pays européen à pouvoir débloquer ainsi, sans difficulté, une somme de 100 milliards d’euros, qui représente le coût de VINGT porte-avions nucléaires français. Quant à son objectif budgétaire visant à consacrer 2 % du PIB à sa défense, il porterait le budget militaire allemand à environ 70 milliards d’euros, contre environ 40 milliards pour la France où il représente d’ores et déjà 2 % du PIB, notre PIB étant nettement inférieur. Notre pays aura du mal à suivre, puisqu’un tel niveau de dépenses militaires représenterait pour lui un effort annuel de près de 3% de son PIB. Pour cela, compte tenu de la faiblesse de notre économie et du mauvais état de nos finances publiques (dont le taux d’endettement public de 120 % du PIB donne le meilleur résumé), il faudrait comprimer fortement d’autres dépenses, soit en particulier les dépenses de fonctionnement des administrations (hors police, justice, hôpitaux et défense) et le coût pour les finances publiques de la fraude sociale et de l’immigration. Or, on sait que si par malheur Emmanuel Macron est réélu en 2022, il est fort douteux qu’il s’attaque vraiment à ces problèmes.

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La France, dans cette éventualité, risquerait donc de se voir surclassée par l’Allemagne aussi dans le domaine militaire. Qu’est-ce à dire ? Le surclassement militaire de la France par l’Allemagne (force de dissuasion nucléaire mise à part) signifierait qu’au sein de l’Union européenne, la France perdrait le dernier point fort qui lui reste. Certes, le temps est loin où l’on observait le voisin d’Outre-Rhin dans la crainte permanente d’une invasion, et fort heureusement ne reviendra-t-il sans doute jamais. Mais cela ne signifie pas que nos deux pays soient toujours en phase. Bien au contraire, ils ont eu plus d’une fois des positions opposées. Cela fut et demeure le cas tout particulièrement dans les Balkans. L’Allemagne, en favorisant le plus possible l’indépendance de la Croatie en 1991, porte une responsabilité majeure dans la crise et la guerre de Yougoslavie. Elle avait, elle a toujours le plus grand intérêt à pousser à l’extrême la balkanisation de la région avec des Etats les plus nombreux et les plus faibles possible afin de les dominer économiquement, à défaut de pouvoir le faire militairement et politiquement comme ce fut le cas jadis. Tout récemment, lors de la grave crise gréco-turque provoquée par la Turquie, la France fut bien seule à soutenir la Grèce, et le manque de réaction de l’Allemagne trahissait une préférence à peine voilée pour la Turquie, en raison notamment du poids démographique de la communauté turque en Allemagne.

La révolution qui s’annonce dans la politique de défense allemande est le présage de bien des difficultés pour l’avenir. Il n’est pas absurde d’imaginer qu’à terme, l’Allemagne s’éloigne de plus en plus de la France pour se rapprocher de la Turquie. L’une apporterait sa puissance économique, l’autre sa puissance démographique, pour façonner une Europe quelque peu différente de celle que nous connaissons ; les peuples infortunés des Balkans en seraient sans nul doute, comme toujours, les premières victimes. Les optimistes répliqueront que les relations entre la France et l’Allemagne sont amicales depuis de longues années. Mais l’Allemagne se comporte-t-elle de façon amicale quand elle revendique, comme elle l’a fait en 2018, le transfert à l’Union européenne du siège de membre permanent de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies ? Sans doute aurait-elle eu tort de s’en priver puisqu’en 2019 elle a obtenu d’Emmanuel Macron par le traité d’Aix-la-Chapelle, en récompense de son arrogance, l’engagement suivant : « L’admission de la République fédérale d’Allemagne en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies est une priorité de la diplomatie franco-allemande. » (point (2) de l’article 8 du traité). Dans ces conditions, que n’osera une Allemagne qui aura presque doublé sa puissance militaire ? Et si la France a toujours le malheur d’être présidée par Emmanuel Macron, que ne lui accordera la coupable complaisance de ses dirigeants ?

Bruno North

Président du CNIP

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