Le papier toilette pourrait bien être la prochaine victime de la crise mondiale des containers maritimes<!-- --> | Atlantico.fr
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Une consommatrice dans un rayon de papier toilette, aux Etats-Unis en novembre 2020.
Une consommatrice dans un rayon de papier toilette, aux Etats-Unis en novembre 2020.
©Robyn Beck / AFP

Pénurie en vue

Le plus grand exportateur de pâte à papier, qui entre dans la fabrication du papier toilette, a fait part de problèmes de retard dans ses exportations.

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

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Atlantico : Le PDG du groupe brésilien Suzano, plus grand exportateur mondial de pâte à papier, a fait part de problèmes de retard dans ses exportations. Peut-on craindre une pénurie de papier toilette ou d'autres produits ?

Alain Bonnafous : Il n’est pas surprenant que l’un des leaders mondiaux du papier toilette ait aujourd’hui des problèmes d’acheminement. Le système de transport mondial a en effet été ébranlé par la crise du Covid ou, du moins, par ses conséquences économiques. Il y a aujourd’hui une flambée de ce que l’on appelle les taux de fret qui s’explique très simplement et dont les conséquences sont assez lourdes pour certains produits, notamment les produits à faible valeur ajoutée incorporée. On conviendra que c’est le cas du papier toilette. A contrario, lorsqu’il y a dans le produit transporté beaucoup de valeur incorporée dans une tonne ou un m3 de produit, comme pour des smartphones ou des chemises de haut de gamme, le coût du transport importe peu.

Sur l’exemple d’une chemise de marque française fabriquée en Chine, j’ai fait le calcul du coût de son transport de port à port lorsque le transport d’un conteneur (équivalent vingt pieds ou EVP) de Hong-Kong au Havre coûtait environ 1 000 euros il y a seulement deux ans. Cela représentait environ 4 centimes d’euro par chemise. On peut comprendre que si ce coût est multiplié par 5 (ce qui était le cas en ce début 2021), cela pèse encore peu sur le coût de la chemise. En revanche un coût de transport de 20 centimes sur un volume équivalent de deux rouleaux de papier-toilette, ça commence à faire cher.

Lorsqu’il y a momentanément un déficit de l’offre de transport, on se trouve face aux deux solutions classiques de gestion de la rareté : l’augmentation du prix (solution d’une économie de marché) ou la file d’attente (solution d’une économie planifiée). Pour les produits à forte valeur, cela peut coûter cher de les immobiliser trop longtemps et le choix est fait d’obtenir un service rapide même s’il est cher. Pour du papier toilette on choisira des services moins coûteux, qui consistent par exemple à attendre quelques places sur des navires qui ne sont pas chargés à plein.

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Il y a donc de grandes chances que quelques-uns de ces produits de faible valeur soient l’objet de rupture de stock chez les détaillants, tant que les marchés du transport maritime n’auront pas retrouvé leur régime de croisière.

Au-delà de la question du papier toilette, est-ce le révélateur de remous dans le monde du fret par conteneurs ? Quelles conséquences cela peut-il avoir à terme sur l’économie mondiale?

C’est en effet révélateur des ajustements de l’offre des porte-conteneurs : celle-ci a accompagné la mondialisation avec des gains de taille et de productivité impressionnants : il y a 50 ans, les plus gros navires pouvaient emporter 1500 caisses EVP. Au tournant du siècle c’était quatre fois plus. Depuis 2019, avec une nouvelle multiplication par 4, l’emport maximal atteint 24 000 EVP.

Cependant, les investissements sont tels que les grands transporteurs mondiaux s’efforcent de ne pas se placer en surcapacité. Ainsi, ce secteur ne peut avoir de réponse rapide aux soubresauts conjoncturels. La compagnie française CMA-CGM, leader mondial du transport de conteneurs, après avoir subi une chute de 7% du volume des conteneurs au premier semestre 2020 a vu ses transports progresser de 18% au second (un bond sans précédent). C’est à ce moment-là que se jouent des ajustements par la file d’attente ou par les prix. Tant que certains retards d’écoulement ne sont pas résorbés, beaucoup de produits peuvent ainsi connaître des ruptures de stock dans les pays de destination, en particulier les produits à bas prix.

Dans un contexte de crise sanitaire et économique mondiale, l’optimisation (et donc la minimisation) des stocks mise en œuvre par les industriels est-elle en cause ?

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Il s’agit bien de cela. Il faut bien comprendre que la logistique, qui était née dans l’armée américaine au moment de la guerre de Corée, s’est développée dans les années 60 et 70 pour devenir une discipline à part entière, aujourd’hui dispensée dans les cycles spécialisés de l’enseignement supérieur. Il s’agit, pour l’essentiel d’optimiser la gestion des stocks et d’organiser efficacement les flux. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’un système ainsi optimisé est un système de moindre coût mais qu’il est aussi un système relativement fragile : le flux tendu, ou le juste à temps supportent mal les soubresauts (ou même les accidents sur le Canal de Suez).

Toutes les activités de transformation et de vente de marchandises sont alors passibles de ruptures de stocks. Une notion qui nous est devenue familière.

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