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Le nouveau (contre) choc pétrolier qui s'annonce pourrait bien être le dernier de l'histoire
©Reuters

Une autre fin du pétrole que celle prévue

Outre la baisse du prix du pétrole, une contraction de la demande pourrait avoir raison de l'énergie pétrolière. En cause : la forte croissance des ventes de véhicules électriques. A terme, cette disparition du pétrole pourrait avoir des conséquences, notamment sur l'intensité du conflit entre Chiites et Sunnites.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Alors que de nombreux commentateurs ont longtemps prédit une situation de pic pétrolier (correspondant à l’épuisement des réserves pétrolières mondiales), il apparaît aujourd’hui que la fin du pétrole pourrait plutôt provenir d’une chute de la demande, notamment sous l’effet de la forte croissance des véhicules électriques. Cette hypothèse est-elle crédible ? Est-il possible de prévoir une échéance ? 

Stephan Silvestre : " L’âge de pierre ne s’est pas terminé par manque de pierres. L’âge du pétrole ne s’achèvera pas avec le manque de pétrole."  avait prophétisé cheikh Yamani, ministre saoudien du Pétrole de 1962 à 1986. Et, en effet, nous n’épuiserons pas les réserves de pétrole au XXIe siècle. En revanche, oui, il est bien plus probable que la demande fléchisse avant l’offre, sous un double effet, à la fois démographique et technologique. La population mondiale devrait se stabiliser à la fin du XXIe siècle, ce qui permettra de modérer la demande. Le facteur technologique se fera effectivement sentir lorsque le parc de véhicules thermiques commencera à diminuer au profit d’autres motorisations (électrique, à hydrogène). Mais cela prendra beaucoup de temps, car il ne faut pas considérer le flux, c’est-à-dire les ventes, mais le stock : sur les 71 millions de véhicules achetés en 2014, seuls 400 000 étaient électriques, alors que le parc mondial dépasse 1,2 milliards de véhicules. Autrement dit, même si les ventes de véhicules électriques décuplaient, il faudrait encore trois siècles pour renouveler le parc. D’ici là, les meilleurs substituts au pétrole resteront les agrocarburants, dont il faudra augmenter les taux d’incorporation, sur le modèle du Brésil. 

Quels sont les principaux points de blocage à une telle transition ? L’Inde et la Chine ne sont-ils pas une source de demande pétrolière assurée pour les années à venir ?

La transition vers les véhicules électriques est relativement envisageable dans les pays développés. En revanche, il y a en effet beaucoup de freins chez les émergeants comme l’Inde et la Chine. Tout d’abord, il y a le prix des véhicules électriques, encore inabordable pour la grande majorité des habitants de ces pays ; mais ce problème devrait se résorber rapidement avec l’augmentation des volumes de production et avec le développement d’un marché d’occasion. Ensuite, il y a le frein des réseaux de points de recharge électrique. À l’échelle de pays comme l’Inde, la Chine, l’Indonésie ou le Brésil, il faudra des décennies avant que ces réseaux ne soient développés. Enfin, il faudra des ressources électriques adaptées à ce besoin. Or, aujourd’hui, tous ces pays peinent encore à développer leurs outils de production électrique pour répondre aux besoins élémentaires de leurs populations et de leurs entreprises. Ils n’en sont donc pas à encore à prévoir de la capacité pour des flottes de véhicules électriques. Donc, oui, ces pays continueront à compter sur le pétrole pendant encore plusieurs décennies. 

Quels sont les enjeux, à plus long terme, d’une telle configuration de "fin" du pétrole ? Notamment sur les enjeux géostratégiques ? 

Certains de ces enjeux sont d’ores et déjà intégrés, notamment par les États-Unis. Ceux-ci cherchent clairement à s’affranchir de la dépendance pétrolière au Moyen-Orient afin d’être plus libres d’agir stratégiquement dans cette région. Dans une moindre mesure, la Chine aimerait aussi limiter cette dépendance ; c’est pourquoi elle tente d’exploiter le plus possible ses propres ressources en hydrocarbures, même si l’autosuffisance est illusoire dans son cas. Si la demande mondiale se stabilisait autour de 100 millions de barils par jour, voire commençait à s’infléchir, cela entraînerait de graves conséquences pour les États pétroliers du golfe Arabo-persique. Entre les désordres internes qui s’en suivraient et le manque de ressources pour financer le djihad, on pourrait espérer une baisse de l’intensité du conflit chiito-sunnite. Mais cela prendra du temps car ces pays disposent d’importantes réserves financières. Enfin, il y a aussi le cas de la Russie : une baisse de la manne pétrolière, à la fois sur les volumes et sur les prix, serait délétère pour le pays et sonnerait le glas de l’âge d’or du règne de Poutine. Moscou aurait alors beaucoup de mal à maintenir sa présence sur des théâtres éloignés, comme la Syrie, mais aussi à l’intérieur de ses propres frontières, notamment dans le Caucase. 

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