Patrimoine naturel
Le mythe de la forêt : entre fantasme et réalité
De tout temps, les forêts ont fasciné : à la fois source d’admiration et de nombreuses peurs, ces écosystèmes font fonctionner notre imaginaire. C’est plus que jamais vrai aujourd’hui : nombreux sont les chantres de forêts dites primaires, vierges de toute intervention humaine, et qui s’offusquent à la vue d’une tronçonneuse. Pourquoi faudrait-il considérer la forêt comme un sanctuaire alors qu’il est possible de la valoriser en conservant son capital d’année en année ?
Entre rêve de forêts primaires et déforestation cauchemardesque
Il y a moins d’un mois, l’association Francis Hallé, située à Eymoutiers, a fait savoir qu’elle lançait une campagne de financement participatif pour recréer une forêt primaire. Pour ceux qui s’interrogent sur ce qu’est une forêt primaire, ils peuvent se rendre dans le nord-est de la Pologne, à Bialowieza, où se trouve la dernière forêt de ce genre en Europe. Ce projet semble assez surréaliste, puisqu’il s’agirait de réunir plus de 70 000 hectares qui seraient protégés pendant plus de 1000 ans de l’activité humaine. Ainsi, la superficie serait un lieu composé d’une biodiversité unique et qui jouerait, d’après ses protagonistes, un rôle de régulateur pour le climat.
À l’opposé de l’échiquier existe une autre conception des surfaces boisées, cauchemardesque cette fois, que dénoncent à juste titre les ONG. Il s’agit ni plus ni moins de massacres forestiers qui ont lieu le plus souvent là où la cause environnementale est quasiment inexistante. En Roumanie, au Brésil ou dans certains pays d’Afrique, certains commettent de véritables crimes contre la forêt en abattant, parfois illégalement, des hectares entiers sans jamais replanter ; et ne parlons pas des brûlis qui font des ravages dans les pays asiatiques, par exemple.
Fort heureusement, ces deux extrêmes ne reflètent pas les pratiques contemporaines de gestion de la forêt en France, pays qui se distingue du reste du monde par sa gestion multifonctionnelle des forêts. L’objectif de cette gestion n’est autre que concilier les fonctions écologiques, sociales et économiques de la forêt, tout en améliorant sa résilience face au changement climatique.
L’homme a un plan pour ses forêts
Peu de Français le savent, mais, avec plus de 30 % de superficie du territoire national, la forêt française aujourd’hui est plus vaste qu’elle ne l’était avant la Révolution. À titre de comparaison, les surfaces urbanisées ne représentent que 9 % de notre pays. Certains pensent que l’homme est l’adversaire de la forêt et la « Nature », son alliée. Mais les faits sont têtus et la réalité est bien plus nuancée que cela. La tempête de 1999, par exemple, a ravagé plus de 968 000 hectares, soit près de 6 % de la surface forestière existante. C’est grâce au travail accompli par les forestiers que les surfaces publiques ont été reconstituées à presque 100 %, avec 65 % de régénération naturelle.
Quant aux animaux, s’il faut chérir la biodiversité, il faut aussi être conscient de certaines règles liées à l’équilibre sylvo-cynégétique, principes qui établissent le bon équilibre entre les populations d’animaux et les habitats forestiers. Ainsi, des populations de cervidés dont le nombre a été multiplié par 4 à 10 depuis la fin des années 70 en fonction des régions et qui causent de véritables dégâts en broutant les jeunes pousses, par le frottis de leurs bois, ou en mangeant des espèces indispensables au maintien de la biodiversité. Les forestiers doivent composer avec toutes ces externalités négatives de la « nature ».
A contrario, qu’il s’agisse de concessions publiques ou privées, c’est bien l’homme qui est à la manœuvre pour préserver le capital forestier et le transmettre aux générations futures, tout en exploitant ce patrimoine au profit de tous.
Ce projet est fait en respectant des règles de base parmi lesquelles, ne jamais couper plus que l’accroissement naturel des forêts, mais aussi, remplacer les arbres matures par des générations jeunes.
Chaque année, dans les forêts privées, les conseils de gérance se réunissent en compagnie d’un expert forestier pour établir un plan : l’enjeu est de taille, car tous les ans il faut renouveler ou actualiser le plan de gestion requis par les autorités de tutelles pour bénéficier des avantages fiscaux liés à la forêt.
D’autre part, la certification PEFC[, un label international, favorise l’équilibre entre les dimensions environnementales, sociétales et économiques de nos forêts. C’est dans ce cadre qu’il a été décidé de renoncer aux produits chimiques pour traiter mécaniquement les fougères qui empêchent les jeunes arbres de pousser. Nous apportons un soin particulier à la biodiversité en réintroduisant des espèces telles que le lynx, par exemple, prédateur du chevreuil, ou encore le chat haret. Les forestiers protègent leur propriété plus que tout, contrairement à l’image que veulent bien nous prêter certains militants.
À la recherche d’un juste milieu pour la forêt
La forêt française doit continuer à être gérée durablement. Et les forestiers sont mobilisés en ce sens, au regard des bienfaits de ce trésor vert ; à la fois lieu de ressourcement pour les citadins en quête d’un état de nature, réserve de matériaux précieux pour des industries comme celle de la construction bas-carbone, mais aussi et surtout matériau de substitution aux énergies fossiles, ennemie numéro 1 du climat. Enfin, point essentiel pour lutter contre le réchauffement climatique, l’usage du bois permet de stocker du carbone durablement.
Il serait faux de dire que la forêt disparaîtra si l’humain n’intervient plus en son sein et si l’homme n’intervient pas, elle redeviendra primaire… dans 1000 ans. Il n’en reste pas moins qu’une forêt laissée à l’état sauvage ne remplira qu’une seule fonction, à savoir la fonction écologique. Cesser de valoriser notre patrimoine forestier revient à en écarter le grand public et à renoncer à un levier précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique.
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