Le mythe de la forêt : entre fantasme et réalité<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photo prise à Issancourt-et-Rumel, dans l'est de la France, montre deux hectares de forêt qui ont été défrichés.
Une photo prise à Issancourt-et-Rumel, dans l'est de la France, montre deux hectares de forêt qui ont été défrichés.
©FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Patrimoine naturel

De tout temps, les forêts ont fasciné : à la fois source d’admiration et de nombreuses peurs, ces écosystèmes font fonctionner notre imaginaire. C’est plus que jamais vrai aujourd’hui : nombreux sont les chantres de forêts dites primaires, vierges de toute intervention humaine, et qui s’offusquent à la vue d’une tronçonneuse. Pourquoi faudrait-il considérer la forêt comme un sanctuaire alors qu’il est possible de la valoriser en conservant son capital d’année en année ?

Hubert de Langle

Hubert de Langle

Hubert de Langle est propriétaire forestier en Lorraine.  

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Entre rêve de forêts primaires et déforestation cauchemardesque

Il y a moins dun mois, lassociation Francis Hallé, située à Eymoutiers, a fait savoir quelle lançait une campagne de financement participatif pour recréer une forêt primaire. Pour ceux qui sinterrogent sur ce quest une forêt primaire, ils peuvent se rendre dans le nord-est de la Pologne, à Bialowieza, où se trouve la dernière forêt de ce genre en Europe. Ce projet semble assez surréaliste, puisquil sagirait de réunir plus de 70  000  hectares qui seraient protégés pendant plus de 1000 ans de lactivité humaine. Ainsi, la superficie serait un lieu composé dune biodiversité unique et qui jouerait, daprès ses protagonistes, un rôle de régulateur pour le climat.

À lopposé de l’échiquier existe une autre conception des surfaces boisées, cauchemardesque cette fois, que dénoncent à juste titre les ONG. Il sagit ni plus ni moins de massacres forestiers qui ont lieu le plus souvent là où la cause environnementale est quasiment inexistante. En Roumanie, au Brésil ou dans certains pays dAfrique, certains commettent de véritables crimes contre la forêt en abattant, parfois illégalement, des hectares entiers sans jamais replanter ; et ne parlons pas des brûlis qui font des ravages dans les pays asiatiques, par exemple.

Fort heureusement, ces deux extrêmes ne reflètent pas les pratiques contemporaines de gestion de la forêt en France, pays qui se distingue du reste du monde par sa gestion multifonctionnelle des forêts. Lobjectif de cette gestion nest autre que concilier les fonctions écologiques, sociales et économiques de la forêt, tout en améliorant sa résilience face au changement climatique.

Lhomme a un plan pour ses forêts

Peu de Français le savent, mais, avec plus de 30 % de superficie du territoire national, la forêt française aujourdhui est plus vaste quelle ne l’était avant la Révolution. À titre de comparaison, les surfaces urbanisées ne représentent que 9 % de notre pays. Certains pensent que lhomme est ladversaire de la forêt et la « Nature », son alliée. Mais les faits sont têtus et la réalité est bien plus nuancée que cela. La tempête de 1999, par exemple, a ravagé plus de 968 000 hectares, soit près de 6 % de la surface forestière existante. Cest grâce au travail accompli par les forestiers que les surfaces publiques ont été reconstituées à presque 100 %, avec 65 % de régénération naturelle.

Quant aux animaux, sil faut chérir la biodiversité, il faut aussi être conscient de certaines règles liées à l’équilibre sylvo-cynégétique, principes qui établissent le bon équilibre entre les populations danimaux et les habitats forestiers. Ainsi, des populations de cervidés dont le nombre a été multiplié par 4 à 10 depuis la fin des années 70 en fonction des régions et qui causent de véritables dégâts en broutant les jeunes pousses, par le frottis de leurs bois, ou en mangeant des espèces indispensables au maintien de la biodiversité. Les forestiers doivent composer avec toutes ces externalités négatives de la « nature ».

A contrario, quil sagisse de concessions publiques ou privées, cest bien lhomme qui est à la manœuvre pour préserver le capital forestier et le transmettre aux générations futures, tout en exploitant ce patrimoine au profit de tous.

Ce projet est fait en respectant des règles de base parmi lesquelles, ne jamais couper plus que laccroissement naturel des forêts, mais aussi, remplacer les arbres matures par des générations jeunes.

Chaque année, dans les forêts privées, les conseils de gérance se réunissent en compagnie dun expert forestier pour établir un plan : lenjeu est de taille, car tous les ans il faut renouveler ou actualiser le plan de gestion requis par les autorités de tutelles pour bénéficier des avantages fiscaux liés à la forêt.

Dautre part, la certification PEFC[, un label international, favorise l’équilibre entre les dimensions environnementales, sociétales et économiques de nos forêts. Cest dans ce cadre quil a été décidé de renoncer aux produits chimiques pour traiter mécaniquement les fougères qui empêchent les jeunes arbres de pousser. Nous apportons un soin particulier à la biodiversité en réintroduisant des espèces telles que le lynx, par exemple, prédateur du chevreuil, ou encore le chat haret. Les forestiers protègent leur propriété plus que tout, contrairement à limage que veulent bien nous prêter certains militants.

À la recherche dun juste milieu pour la forêt  

La forêt française doit continuer à être gérée durablement. Et les forestiers sont mobilisés en ce sens, au regard des bienfaits de ce trésor vert ; à la fois lieu de ressourcement pour les citadins en quête dun état de nature, réserve de matériaux précieux pour des industries comme celle de la construction bas-carbone, mais aussi et surtout matériau de substitution aux énergies fossiles, ennemie numéro 1 du climat. Enfin, point essentiel pour lutter contre le réchauffement climatique, lusage du bois permet de stocker du carbone durablement.

Il serait faux de dire que la forêt disparaîtra si lhumain nintervient plus en son sein et si lhomme nintervient pas, elle redeviendra primaire… dans 1000 ans. Il nen reste pas moins quune forêt laissée à l’état sauvage ne remplira quune seule fonction, à savoir la fonction écologique. Cesser de valoriser notre patrimoine forestier revient à en écarter le grand public et à renoncer à un levier précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique.

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