Le modèle de coalition à l’allemande est-il possible en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les coalitions en Allemagne sont un passage obligé après chaque élection fédérale.
Les coalitions en Allemagne sont un passage obligé après chaque élection fédérale.
©John MACDOUGALL / AFP

Majorité relative

La majorité relative place le gouvernement d'Elisabeth Borne dans une situation délicate qui nécessite d'entamer des négociations avec une ou plusieurs forces politiques pour trouver un compromis. Cette solution pratiquement inconnue en France est toutefois courante chez nos voisins européens, et plus particulièrement en Allemagne.

Pierre Clairé

Pierre Clairé

Pierre Clairé est analyste du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques diplômé du Collège d’Europe

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Marion Pariset

Marion Pariset

Secrétaire générale du think-tank Le Millénaire, spécialisée en politiques publiques et portant un projet gaulliste et réformateur au service de la grandeur de la France

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Pour la première fois depuis bientôt 70 ans, l’Assemblée nationale se trouve sans majorité claire, une première dans la Vème République. L’issue de ces élections empêche Emmanuel Macron de gouverner comme il l’entend et lui impose des négociations avec une ou plusieurs forces politiques pour trouver un compromis. Cette pratique pratiquement inconnue en France est toutefois courante chez nos voisins européens, et plus particulièrement en Allemagne. Une expérience qui pourrait peut-être nous inspirer.

Les coalitions en Allemagne : un passage obligé après chaque élection fédérale

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, gouverner en coalition est devenu normal en Allemagne. On peut même aller plus loin en disant que l’Allemagne dispose d’une forme de culture du compromis et est rompue aux négociations gouvernementales pour aboutir à un contrat de coalition, sésame de la politique moderne outre-Rhin. Les Allemands sont habitués à ces négociations si spéciales qui durent bien souvent plusieurs mois. Après les élections fédérales du 24 septembre 2017, il a fallu attendre jusqu’au 14 mars 2018 pour qu’un nouveau gouvernement soit formé et qu’un quatrième cabinet Merkel voit le jour. Alors que les différentes coalitions possibles étaient bien plus nombreuses, il n’a fallu qu’un peu plus de 2 mois à Olaf Scholz pour former un gouvernement composé de trois partis politiques après les élections de septembre 2021.

Les Allemands sont tellement habitués à ces négociations post élections qu’ils se passionnent pour ces pourparlers, pariant durant des semaines sur la probable issue des tractations et guettant la moindre fuite. Durant les années 1980 et 1990, le coalition noire-jaune réunissant les conservateurs et les libéraux était la base des différents cabinets d’Helmut Kohl. Gerhard Schröder quant à lui s’appuyait sur une coalition SPD-Grünen, entre les Sociaux-Démocrates et les Verts. Angela Merkel enfin a pu gouverner lors de trois de ses quatre mandats grâce à une grande coalition rassemblant les conservateurs de la CDU/CSU et les Sociaux-Démocrates de la SPD. C’est en 2017 que l’éventail des possibilités s’est élargi, avec l’évocation de la coalition « Jamaïque » entre les Conservateurs, les Libéraux et les Verts. Enfin en 2021, les coalitions de Gauche (Sociaux-Démocrates, Gauche Radicale et Verts) et en « Feu Tricolore » entre les Sociaux-Démocrates, les Libéraux et les Verts, ont été évoquées pour la première fois. Il faut signaler que c’est cette dernière qui a finalement vu le jour.

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Les similitudes avec la France post élections législatives de 2022 sont criantes, le système français s’étant rapproché de celui d’un régime parlementaire. Il n’est donc pas incongru de vouloir s’inspirer de l’Allemagne afin de rendre de la stabilité à notre vie politique. Pour autant, il faudra à nos formations une réelle volonté d’assurer la stabilité du pays et une grande ouverture pour que de telles négociations aboutissent.

Pourquoi c’est difficile d’imaginer cela en France

Pour autant, il est difficile de s’imaginer que de telles coalitions puissent aboutir aussi aisément en France. En effet, à la différence des Allemands, rompus à de telles pratiques, les Français ne sont pas habitués à de semblables négociations, et nos politiques peu rodés à l’art du compromis. En Allemagne, les négociations sont normales au niveau fédéral ou même au niveau des Länder alors qu’en France ce mode de fonctionnement n’est pas dans nos habitudes. Il n’est pas rare de voir dans l’hexagone plusieurs partis siéger dans la majorité au niveau national, mais ces « ententes » sont décidées en amont des élections et rassemblent des partis qui ont l’habitude de travailler ensemble et qui ont de nombreux points de convergence.

En France, l’opposition et l’adversité sont des valeurs profondément ancrées dans notre système électoral, et c’est pour cela qu’il semble impossible de retrouver chez nous de grandes coalitions, avec des partis que tout oppose. Jean-Luc Mélenchon a bien essayé avec la NUPES de rassembler différents partis de gauche en leur faisant signer un contrat, mais cette tentative a échoué à donner une majorité de gauche à l’Assemblée et l’entente semble déjà montrer des signes de faiblesse.

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Enfin, il faut signaler que les partis en mesure de gouverner en France et en Allemagne différent véritablement et la multiplicité des possibilités outre-Rhin rend l’exercice plus facile. En effet, Emmanuel Macron et Ensemble ! ne peuvent envisager de faire alliance qu’avec trois partis ou groupes politiques : la NUPES de Jean-Luc Mélenchon, le RN de Marine Le Pen et Les Républicains. Les deux premières options étant impossibles, seule l’option rapprochant « Ensemble ! » des Républicains, deux partis modérés, semble cohérente et faisable malgré les obstacles qu’elle exige de surmonter pour que Les Républicains y trouvent leur comptes. Une coalition rassemblant trois partis autour d’Ensemble ! ou une autre configuration paraissent encore plus improbables.

En définitive, transposer le modèle allemand en France demanderait une dure révolution de palais pour les partis impliqués. Pourtant celle-ci est peut-être nécessaire pour que les partis historiques s’adaptent à l’évolution du lien que les Français entretiennent avec leurs institutions. A défaut, le gouvernement, minoritaire, peinera à négocier chaque texte de lois. Et si l’une et l’autre options échouent, il ne restera au président que la dissolution. Nous sommes encore très loin du modèle allemand.

Marion Pariset, Secrétaire générale du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques

Pierre Clairé, Directeur adjoint du pôle politique, analyste sur les questions européennes

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