Le hold-up des complémentaires santé sur les salariés<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le hold-up des complémentaires santé sur les salariés
©

Racket

Les accords sur la sécurisation de l'emploi obtenus le 11 janvier 2013 entre les partenaires sociaux comprend la généralisation des complémentaires santé minimales pour l'ensemble des salariés du secteur privé avant le 1er janvier 2016 et rend donc obligatoire la complémentaire santé pour tous.

Claire Diaz

Claire Diaz

Diplômée en économie internationale et géopolitique, Claire Diaz est rédactrice à
Protection & Rendements chez les
Publication Agora.

Voir la bio »

Atlantico : Les accords sur la sécurisation de l'emploi obtenus le 11 janvier 2013 entre les partenaires sociaux comprend la généralisation des complémentaires santé minimales pour l'ensemble des salariés du secteur privé avant le 1er janvier 2016. Par cette mesure qui rend obligatoire la complémentaire santé pour tous, les assureurs vont-ils pouvoir être en mesure de pratiquer des tarifs plus élevés que ceux qui résulteraient d'un marché librement concurrentiel ?

Claire Diaz : Le caractère obligatoire de la souscription à la mutuelle choisi par l’employeur tendra à rendre le marché moins concurrentiel. L’affrontement s’effectuera surtout entre assureurs classiques et institutions de prévoyance (IP) (Médéric ou AG2R). Mais là aussi, nous partons d’un contexte dans lequel les institutions de prévoyance sont en position de force -- ces dernières gèrent déjà 41% du marché, suivent ensuite les mutuelles santés (37%) et les compagnies d'assurance.

Le vrai coup dur dans cette bataille vient de la reculade du gouvernement sur la suppression des clauses de désignation. Ces dernières - qui prévoyaient qu’un accord validé pour une branche s’appliquerait forcément à l’ensemble des entreprises de la filière - devaient être supprimées. Ce ne sera a priori plus le cas. Car la traduction législative n'est "pas le reflet exact du texte signé par les partenaires sociaux", déclare le président de laMutualité Française, Etienne Caniard, dans Les Echos.

Et cela donne un avantage certain aux IP spécialisées dans les contrats collectifs. "Le maintien des clauses de désignation renforcerait l'abus de position dominante des institutions de prévoyance" confirme l'Association pour la promotion de l'assurance collective.

Pour Thierry Martel, directeur général de Groupama SA, "ces accords de branche constituent, pour au moins 60%, une distorsion de concurrence" !

"Tous les acteurs fortement spécialisés sur les contrats individuels devraient donc être les grands perdants de cet accord : les bancassureurs, les courtiers en ligne, certaines compagnies du type Swiss Life, mais également les petites et moyennes mutuelles qui ont déjà fortement souffert de la réforme Fillon qui a conditionné les exonérations sociales dont bénéficient les contrats collectifs à leur caractère obligatoire" expliquait également L’Argus de l’assurance.

D’ailleurs le 1er février  dernier, l’APAC -- association pour la promotion de l’assurance collective créée par des courtiers -- a saisi l’Autorité de la concurrence sur ce sujet. 

Il faudra donc attendre début mars prochain l’examen du  Conseil des ministres et le débat parlementaire pour y voir un peu plus clair.

Le coût de cette mesure est évalué à 2,9 milliards d'euros, dont la moitié sera à la charge de l'employeur. Les assureurs sont-ils parvenus à obtenir une mesure qui augmentera leur base de clients ? Comment vont-ils en profiter ?

Soyons honnête, les assureurs sont comme les banques... Ils ont le même mode de fonctionnement et ne prennent des décisions que dans le but de servir leur intérêt. La base clients est un peu le joyau de la couronne d’un assureur.

Fini les efforts pour séduire le client et le convaincre de souscrire... Le client vous est acquis automatiquement ! Et c’est un formidable point d’accès  pour lui vendre d’autres produits d’assurances. Les assureurs ont en plus grand besoin de nouveaux souscripteurs. Car comme les banques, eux aussi, vont être soumis à des contraintes de solvabilités de plus en plus fortes (Bâle III, Solvabilité II...).

Tous les salariés seront-ils en mesure de pouvoir participer au financement de cette mesure ? Quid pour les plus précaires ?

On estime qu’entre 3,5 et 4 millions  de salariés bénéficieront de la généralisation de la complémentaire santé selon les chiffres de la CFDT et de l’IRDES (Institut de Recherche et de documentation en économie de la santé).

Mais cela pose un double problème. Premièrement côté entreprise les temps sont déjà durs et il va encore falloir mettre la main à la poche. Selon le Medef, "les deux tiers des salariés couverts par une complémentaire santé le sont par le biais d'un contrat collectif", leur entreprise règle, en moyenne, 57% de la facture.  L’accord concernant surtout les petites et moyennes entreprises, on est en droit de poser la question suivante: comment pourront-elles payer cette nouvelle charge ? 

Le second problème est un problème plus vaste. Les impôts augmentent. Le coût de la vie (gaz, électricité, nourriture...) augmente. Les taxes se multiplient. Et les salaires stagnent.

Avant cet accord, le salarié pouvait alors au moins tenter de négocier au plus près de ses besoins -- et de ses moyens -- sa complémentaire santé. Ce ne sera plus le cas. Ce choix ne lui appartient plus. Cette mesure n’est ni plus ni moins qu’un nouveau coup dur pour le pouvoir d’achat et le maintien du niveau de vie. L’atteinte sera encore plus grande pour un salarié précaire.

Mais cette mesure traduit aussi une forme de désengagement de la part de l’État dans le système de sécurité sociale. Le gouvernement n’a plus vraiment le choix. Ses caisses sont vides. La prévision de croissance vient d’être rabaissée et le déficit retoqué par Bruxelles. C’est une preuve de plus, s’il en fallait est une, que la rigueur commence à peser sur la France.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !