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Dans la tête des Français : le sondage qui révèle qui peut vraiment être le prochain Président si l'on se fie aux attentes idéologiques des électeurs
©Reuters

Fracture ouverte

Ce nouveau baromètre de l'IFOP pour Atlantico montre une faible part de français favorable à d'avantage d'ouverture sur le monde mais aussi l'apparition d'un nouvel électorat "Macroniste" à l'intermède entre les différents camps de droite et de gauche.

François Kraus

François Kraus

François Kraus est Directeur des études politiques au département Opinion de l'Ifop.

 

 

 

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Pierre Bréchon

Pierre Bréchon

Pierre Bréchon est professeur émérite de science politique à l’IEP de Grenoble, chercheur au laboratoire PACTE, directeur honoraire de l’IEP de Grenoble, et auteur notamment de Comportements et attitudes politiques aux Presses universitaires Grenoble. Il a également dirigé l'ouvrage Les élections présidentielles sous la Ve République (Documentation française). 

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements que l'on peut tirer de ce sondage ?

François Krauss : Il y a une certaine stabilité des français sur ces différentes questions de fond. Qu'il s'agisse de la sécurité, de l'immigration, du poids de l'état ou du chômage, il n'y a pas une tendance forte qui se dégage et ce en dépis du contexte actuel. 

La grosse nouveauté c'est l'apparition d'un nouveau parti et d'un nouvel électorat "Macroniste" à l'intermède entre les différents camps. Qui, sur les questions de l'économie, des problématiques de fiscalités et de droit du travail, rejoint pour une grande partie les positions des sympathisants de la droite républicaine classique. Alors que jusqu'à présent, l'électorat de centre gauche était beaucoup plus partagé sur ces sujets. Or la, systématiquement, les sympathisants d'En Marche sont vraiment à l'intermédiaire entre les propositions de la gauche et de la droite. 

Pour moi l'enjeu n'est pas tellement d'observer ce que pense les Républicains ou les sympathisants de gauche et du Front de Gauche, finalement assez en phase avec ce que veulent leurs candidats. La nouveauté c'est En Marche ! Et ça pose la question de la validité d'un tel positionnement. Est-il possible de faire une campagne en étant aussi partagé sur toutes ces problématiques ?

Son électorat est très clivant, alors que ce n'est pas le cas pour les autres partis. Face à ces clivages idéologiques il sera intéressent d'observer cette campagne sur le long terme. Chez En Marche, l'adhésion repose avant tout sur la personne, sur la dynamique et sur ce qu'Emmanuel Macron inspire en capacité d'action, mais beaucoup moins sur un socle idéologique et sur l'attachement à un courant politique et une famille politique. D'ailleurs Emmanuel Macron n'a pas une culture politique définie. On ne sait pas si c'est un libéral de gauche ou un social-démocrate réformiste. Il est encore complètement flou la dessus et n'est pas évident pour les français de s'attacher fortement. Il y a cette fragilité sur le vote mais aussi sur le contenu et les positions politiques. C'est clairement ça l'enseignement de l'enquête. 

Pierre Brechon : Ce sondage comporte des questions sur les attentes des Français concernant l’économie, la mondialisation, le sentiment de sécurité, l’immigration, un gouvernement d’union nationale. Certaines de ces questions, ayant été posées en termes identiques depuis quelques années, on découvre qu’il y a plus de stabilité que d’évolutions dans les résultats. Les Français sont globalement favorables au libéralisme économique mais pas vraiment davantage qu’avant. En 2006, 68 % voulaient que l’Etat donne plus de liberté aux entreprises, ils sont 70 % aujourd’hui. 58 % estimaient que « Les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment », ils ne sont plus que 53 % à penser la même chose aujourd’hui. En 2013, 39 % voulaient « laisser faire le marché » sans entrave de l’Etat, c’est le cas de 44 % en 2017.

Concernant la mondialisation, on observe cependant une rupture des orientations entre 2006 et 2010 : les Français étaient nettement plus favorables à l’ouverture sur le monde avant la crise de 2008. Celle-ci a immédiatement dopé le protectionnisme qui est assez stable, voire régresse légèrement, depuis 2011.

L’idée qu’il y a « trop d’immigrés dans notre pays » s’est aussi renforcée avec la crise, et se révèle stable depuis 2010. Le sentiment d’insécurité s’est légèrement renforcé de 2006 à 2011, mais ce qui est remarquable, c’est que les attentats terroristes de 2015 et 2016 ne l’ont pas renforcé.

 Quant à l’idée d’un gouvernement d’union nationale, les résultats ne sont pas surprenants. L’union de toutes les forces politiques pour gouverner ensemble est une idée populaire depuis longtemps. Près de quatre Français sur cinq seraient favorables à un gouvernement avec des personnalités de différents partis et de la société civile. Evidemment beaucoup de Français savent que l’hypothèse n’est pas très réaliste mais ce souhait d’unité explique probablement les percées d’un François Bayrou en 2007 et d’Emmanuel Macron aujourd’hui.

On observe aussi que sur l’ensemble des questions, les différences ne sont pas très fortes selon les appartenances des individus. Que l’on soit homme ou femme, jeune ou vieux, riche ou pauvre, les résultats ne sont pas très clivés. Par exemple les ouvriers sont presque aussi favorables à la liberté d’entreprise que les cadres. C’est sur le protectionnisme que les écarts sociaux sont le plus fort : 66 % des faiblement diplômés y sont favorables contre seulement 37 % chez les bac+3 et au-delà. 

Ce qui oppose le plus des catégories de répondants, ce sont leurs identités politiques : la liberté d’entreprendre est ainsi soutenue par 92 % des personnes favorables à François Fillon contre seulement 35 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. L’idée qu’il y a trop d’immigrés recueille 34 % de soutien dans l’électorat de Benoît Hamon, mais de 96 % de ceux de Marine Le Pen.

Sur la question de l'attitude souhaitée de la part de la France à l'égard du monde, seulement 21% des français veulent s'ouvrir d'avantage sur le monde (54% préfèrent se protéger et 25% ni l'un ni l'autre). Parmi eux, 29% des électeurs d'En Marche. En quoi ce positionnement idéologique peut desservir Emmanuel Macron, lui qui est le candidat le plus favorable à une ouverture sur le monde ? Peut-on parler d'un électorat fragile ?

François Kraus : Ce qui me paraît intéressent à observer c'est qu'il y a une certaine stabilité de l'opinion des français depuis 2010. Sur cette question du souhait de la France de se protéger à l'égard du monde, on a une majorité, 54% (même score en 2013), qui ne souhaite pas s'ouvrir d'avantage. Malgré le contexte terroriste actuel, il n'y a pas une explosion de progression de ce besoin de protection qui reste plutôt stable. Ceux qui y sont favorables tournent autour d'un quart de la population et restent les gagnants de la mondialisation (chefs d'entreprise cadres…). Les perdants eux préfèrent une fermeture. On retrouve chez eux un sentiment d'insécurité économique et culturel. Même constat pour les électeurs très à gauche et très à droite. C'est d'ailleurs clairement la demande principale du Font National. 

En clair on a un souhait de protection au sens large qui est majoritaire mais relativement stable, et c'est une tendance de fond que l'on observe depuis une décennie. 

Emmanuel Macron lui est situé à l'intermédiaire de la gauche et de la droite sur cette question. 53% de ses électeurs pensent qu'il y trop d'immigrés, c'est pile poil entre les deux blocs. Pareil sur la sécurité. Ils se distinguent de la gauche sans devenir des sympathisants de droite pour autant. Il s'agit quand même plutôt d'une problématique autour des migrants et de l'immigration, à droite on veut se fermer et à gauche l'inverse. Ce n'est pas perçu par les répondants d'Emmanuel Macron comme une problématique économique. C'est finalement assez cohérant et ça montre que sur ce plan les sympathisants d'En Marche se situent plutôt sur les positionnements de libéralisme culturel, d'ouverture sur le monde (etc…) contrairement aux électorats de droite et de l'extrême droite. Ils se rapprochent plutôt à gauche sur cette question  contrairement aux questions économiques. Ils sont clairement favorables à une ouverture sur le monde. 

Pierre Brechon : Le protectionnisme est aussi extrêmement clivant. Il n’est soutenu que par environ un tiers des personnes qui se sentent proches du Front de gauche et du Parti socialiste, mais par 58 % des  Républicains et 90 % des Front national. Comme sur l’ensemble des questions, les sympathisants d’En marche et d’Emmanuel Macron se situent en position intermédiaire entre la gauche et la droite. Le Front national l’est aussi sur l’interventionnisme de l’Etat, se révélant moins favorable au tout libéral que la droite classique.

Les « macronistes » ne sont donc pas les plus libéraux et pas non plus les plus ouverts sur le monde puisque la gauche l’est un peu plus. Ce positionnement intermédiaire sur beaucoup de questions politiques se repérait déjà dans l’électorat de François Bayrou en 2007 et 2012. Les sympathisants d’En marche sont en fait très composites puisqu’Emmanuel Macron attire à la fois des sympathisants du centre droite et du centre gauche. C’est en effet un électorat très volatil de personnes souvent déçues de leur camp et qui mettent leur espoir dans une personnalité jeune, considérée comme nouvelle en politique et qui dit vouloir changer profondément la façon de gouverner.

Si la position politique d'Emmanuel Macron semble encore flou, son électorat l'est tout autant. Lorsqu'il dévoilera son programme et ses intentions politiques, quelle pourrait être la réaction de son électorat ? 

François Kraus : Le risque est qu'il pourrait commencer à cliver et perdre son électorat à droite à gauche. C'est un des problèmes qu'avait eu Jean-Pierre Chevènement en 2002, il n'avait jamais pris une position très nette dans son programme sur les questions économiques et sociales, il était resté sur des thèmes régaliens. 

Emmanuel Macron se concentre quand même sur des questions assez consensuelles  avec des problématiques comme l'éducation et les questions de sociétés ou il pense qu'il y a globalement une certaine homogénéité dans son électorat en termes de libéralisme culturel et d'ouverture sur les questions sociales au sens large. Mais pour ce qui est des débats de fond qui peuvent diviser les français sur le poids de la fonction publique, de la fiscalité, sur la problématique du chômage, du service public ou encore de la dette, il reste flou car il risque de faire exploser son camp et son électorat. 

On comprend le danger qu'aurait Macron à se démasquer. S'il prend position pour un camp ou un autre il perdrait à chaque fois la moitié de son électorat. 

Pierre Brechon : Comme pour toutes les tendances nouvelles, qui essayent de rassembler les déçus des deux rives (la droite et la gauche), déçus qui ne croient pas non plus aux propositions extrêmes (Parti de gauche et Front national), on observe beaucoup d’hésitations dans leurs intentions de vote. Lorsqu’on connaîtra mieux le programme d’Emmanuel Macron, ses soutiens peuvent évidemment se recomposer, s’élargir ou se rétrécir. On ne peut prévoir l’évolution à venir !

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