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Justin Trudeau, Charles Michel, Joe Biden, Yoshihide Suga, Boris Johnson, Mario Draghi, Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen et Angela Merkel posent pour la photo de famille au début du sommet du G7 à Carbis Bay, le 11 juin 2021.
Justin Trudeau, Charles Michel, Joe Biden, Yoshihide Suga, Boris Johnson, Mario Draghi, Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen et Angela Merkel posent pour la photo de famille au début du sommet du G7 à Carbis Bay, le 11 juin 2021.
©Leon Neal / POOL / AFP

Diplomatie

A l'issue des différents sommets du G7, de l’OTAN et après la rencontre entre Vladimir Poutine et Joe Biden, le multilatéralisme apparaît comme de plus en plus fragilisé. Quelles solutions s’offrent aux démocraties occidentales et à l'Europe face à ce constat d’échec et cette impasse ?

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Henri Temple

Henri Temple

Henri Temple est expert international, professeur de droit économique, co-directeur de l'ouvrage collectif de ''Qu'est-ce qu'une nation en Europe ? '' (Sorbonne).

 
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Atlantico : Après les sommets du G7, de l’OTAN et les rencontres entre les dirigeants américains, russes et turcs, le multilatéralisme apparaît comme de plus en plus fragilisé et ne fonctionnant plus. Le multilatéralisme n'est plus ce qu'il était. Les récentes réunions ont notamment montré l’échec d’une entente sur la question des vaccins à attribuer aux pays les plus pauvres et sur la levée des brevets.  Comment en sommes-nous arrivés là ?

Barthélémy Courmont : Le "retour" des Etats-Unis relayé avec fanfares et les sourires échangés avec Joe Biden masquent la réalité d'un multilatéralisme en crise, et que la pandémie mondiale n'a fait qu'amplifier, si on se réfère à la préférence nationale que les puissances occidentales ont privilégiée, notamment dans l'acquisition des vaccins. Passons ici sur le sommet de l'OTAN qui ne fut que la célébration enthousiaste d'un atlantisme pourtant moribond, mais qui a le mérite de s'appuyer sur la plus grande armée du monde. Le sommet du G7 a consacré l'incapacité de ses membres à apporter les bonnes réponses aux défis actuels, comme l'accès aux vaccins aux pays en développement, pour deux raisons. D'abord parce qu'il est difficile de se mettre d'accord entre des pays qui, il y a encore quelques semaines, bataillaient pour se procurer lesdits vaccins et continuent de contrôler leurs frontières comme jamais depuis trente ans; ensuite et sutrout parce que le G7 n'est plus représentatif des équilibres géopolitiques, en dépit de la présence de quelques "invités", comme ces sommets en sont coutumiers. Le G7 ressemble à un blub de démocraties occidentales, plus le Japon, à l'heure où l'influence de ses membres est de plus en plus disputée sur a scène internationale. Le G20 a le mérite de rassembler les 20 premiers PIB mondiaux, le G7 s'organise de son côté autour d'un déséquilibre entre des puissances incontournables et des pays qui le sont moins. Quelle importance, et surtout quel crédit, accorde-t-on ainsi aux déclarations du G7 en Afrique, en Amérique latine, en Inde ou en Chine? Le G7 est inefficace parce que son fonctionnement basé sur la convergence des vues de ses membres est d'un autre âge, et parce qu'il n'est plus représentatif de ce que le monde est devenu.

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Henri Temple : Il existe plusieurs types de multilatéralisme, selon la zone géographique concernée, la composition, l’organisation, le fonctionnement et les modes décisionnels.  L'UE, l'OMC, l'OTAN, l'ONU (et ses nombreuses agences), le FMI, le G7, diffèrent, ce dernier étant le plus informel.

1 / Le G7 est censé réunir les plus grandes puissances économiques du monde, mais il ne comprend ni la Chine, ni la Russie (pour des raisons politiques). Les reproches que l'on peut faire au G7 sont avant tout :

- le double emploi, voire le court-circuitage, avec les institutions officielles (ONU, UE)
- le côté club de riches dominants et l'opacité,
- l'inefficacité,

2 / Quant au multilatéralisme proprement dit, il pêche par sa méthode qualifiée d'antidémocratique car il conduit à imposer à des nations souveraines, et souvent contre les intérêts de leurs populations, des options économiques ou politiques décidées par des chefs d'Etats, et rarement expliquées (Maastricht, pour l'euro) ou encore moins soumis à referendum (Traité de Marrakech, pour l'OMC, Traité de Lisbonne pour l'UE). Évidemment  lorsqu'il s'agit de toucher aux entreprises  (propriété privée des brevets) les gouvernants refusent de nuire à ces puissants lobbys.

Quant à l'OTAN, elle est devenue sans fondement et incohérente : si une alliance militaire doit être maintenue il faut en revoir les objectifs, les participants et les actions.

Comment peut-on faire pour avancer malgré tout dans ce contexte et face à cette impasse ? Quelles solutions s’offrent aux démocraties occidentales et à l'Europe face à ce constat d’échec ?

Barthélémy Courmont : La seule solution est une adaptation à un environnement international modifié. D'abord en cherchant des mécanismes qui laissent de ce côté la culture du consensus pour privilégier des structures permettant une plus grande efficacité dans la prise d'initiative, sur une base plus normative et non dépendante des intentions - parce que les intentions changent et ne sont donc pas fiables. Si le G7 se contente d'être un forum, il s'avère inopérant. S'il parvient à se doter de règles contraignantes, cela peut changer. Mais ce scénario semble hautement improbable. Ensuite en s'ouvrant, et donc en acceptant de reconnaitre le monde tel qu'il est devenu. Le G7 est un produit des années 1970, et a culminé dans les années 1980 avant de chercher, vainement, à se réinventer dans les années 1990. Les membres du G7 peuvent décider de conserver ce club qui rassemle des pays partageant une histoire commune et, certains égards, des valeurs communes. Mais on parle ici d'efficacité pour répondre aux enjeux mondiaux, pas d'un lieu de rencontres entre vieux amis. L'OTAN est, peut-être, en état de mort cérébrale, mais le G7 est, très certainement, passé de mode.

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Henri Temple : Donald Trump a été le premier à tenter de s'affranchir du multilatéralisme, en imposant des taxes sur les importations de produits (coréens, chinois) lorsque les bas prix de ces produits acculaient les entreprises américaines à la faillite ou à la délocalisation. Pour lui lorsque le multilatéralisme est néfaste à l'intérêt national on est en droit d'en écarter les conséquences. Il a été battu, selon nous, non pas en raison de cette politique mais de sa mauvaise gestion de l'affaire George Floyd et de sa mauvaise communication sur le covid.

Alors quelles solutions ? Cesser de vouloir faire marcher tout le monde au même pas (le plus souvent celui des USA et de la finance mondialiste). Très nombreux sont, désormais, les économistes même libéraux qui constatent l'échec de la mondialisation imposé par le multilatéralisme.

Les instances européennes comme la Commission européenne, le Conseil de l’UE, la CJUE ou bien encore le Parlement européen ont-ils un rôle à jouer pour renforcer et redonner ses lettres de noblesse au multilatéralisme ? Les débats au sein de l'Union européenne peuvent-ils être productifs et pas uniquement au moment des crises ? 

Barthélémy Courmont : Elles sont limitées en ce qu'elles incarnent les intérêts de l'UE, et non de la multipolarité. Mais elles n'en demeurent pas moins utiles en tant qu'exemples de structures puissantes et moins sensibles aux intérêts nationaux, et le bon-vouloir, des Etats membres que le G7. Le multilatéralisme ne peut plus à l'heure des guerres commerciales et des compétitions de puissance se réduire à des rencontres amicales où les égos des dirigeants rivalisent, comme une tentative pour eux de prendre l'initiative et ainsi "d'incarner" le multilatéralisme. Si un tel objectif est utopique à échelle internationale, compte-tenu des écarts politiques et même idéologiques, il n'est pas déplacé à l'échelle du G7. Cela lui permettrait à défaut d'incarner le monde, de gagner en efficacité.

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Henri Temple : Non, car ces instances sont le problème (ou simplement les courroies de transmission du problème). Après le Brexit, l'autoritarisme dogmatique et antidémocratique de ces instances vient de se manifester encore plus rudement qu'auparavant en déclenchant des procédures en manquement contre : la Pologne, la Hongrie, l'Allemagne (hiérarchie constitutionnelle), le Danemark (politique d'immigration). L'UE pourrait désormais provoquer une crise politique majeure en Europe, pire que celle du Brexit. Les nations doivent reprendre la main et proposer un traité confédéral plus souple, des coopérations consenties. 

Alors que les décisions européennes sont souvent freinées par le droit de veto, une gouvernance similaire aux actions de la BCE grâce à une base juridique et institutionnelle alternative serait-elle préférable et plus efficace ? Un renforcement du droit international et de nouveaux processus démocratiques sont-ils la solution ? 

Barthélémy Courmont : Sans doute. Mais il ne faut pas ici confondre efficacité et légitimité. Comme je l'ai indiqué précédemment, une base plus normative et des institutions plus puissantes permettraient de renforcer l'éfficacité du G7 dans la prise de décision et, plus encore, dans la capacité à en faire quelque chose de concret. Mais la légitimité du G7 se serait pas résolue pour autant, et nous pourrions même consodérer qu'elle est insoluble.

Henri Temple : Les meilleurs processus démocratiques sont ceux, acceptés, légitimes, éprouvés, des nations et les intérêts de leurs citoyens. La CEE des origines a correctement fonctionné. Il faut revenir à cette conception ; les dérives idéologiques de Maastricht et surtout de Lisbonne, ont conduit la belle idée européenne à l'impasse et la méfiance des peuples. Ces derniers sont d'accord pour des coopérations avec leurs voisins à condition de les décider eux mêmes. De bas en haut et plus jamais de haut en bas. 

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