Le Danemark, nouvelle étape dans la tournée VRP de Valls pour rassurer sur la France en Europe : ce que pensent nos partenaires européens<!-- --> | Atlantico.fr
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Manuel Valls poursuit son opération séduction en Europe.
Manuel Valls poursuit son opération séduction en Europe.
©Reuters

Maudits Français

Manuel Valls poursuit son opération séduction concernant les réformes économiques portées par la France auprès des dirigeants européens, et sera à ce titre au Danemark jusqu'au vendredi 28 novembre.

Dominique Michel

Dominique Michel

Dominique Michel est un ancien chef d'unité de la Commission européenne. Il s'exprime sur Atlantico avec un pseudonyme.

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Atlantico : Comment la France, dont le budget 2015 a été contesté, est-elle perçue dans les pays du Nord de l'Europe, réputés pour leur intransigeance à l'égard des textes européens ? Et pourquoi ?

Dominique Michel : Précisons d’abord que la France, en tant qu’Etat membre de l’UE et membre fondateur de la Communauté européenne, n’est pas perçue de la même façon que la France en tant que centre d’attraction touristique et de rayonnement culturel.

Les pays du Nord de l’Europe ne pardonnent guère que la première ne soit pas à la hauteur, en termes d’effort budgétaire et plus globalement de rigueur dans sa politique économique, de son "aura" et de ses prétentions à rester un partenaire de premier plan.

Ensuite, le statut de petit pays, qui se traduit en particulier par un moindre poids dans les votes à la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’Union, pousse les dits pays à faire bloc ou en tous cas à passer des alliances pour contrebalancer les grands pays, dont la France. Ils ont l’impression que la France cherche à arguer de sa place éminente pour obtenir des passe-droits que les "petits" n’ont aucune chance d’obtenir. L’égalité n’étant pas possible, ils revendiquent au moins l’équité de traitement.

Cette vision est-elle également partagée par l'Allemagne et les nouveaux entrants de l'Est, très proche de la République fédérale ? Et pourquoi ? L'accord Pisani-Ferry / Enderlein change-t-il la donne ?

Ce n’est pas la même approche pour l’Allemagne, le plus grand des Etats membres qui joue deux cartes en permanence, celle de la politique interne et celle de la politique externe au pays, principalement européenne à la différence de la France qui joue dans la cour géostratégique des grands, du Conseil de sécurité de l’ONU jusqu’à l’Afrique, voire au-delà.

C’est encore différent pour les pays d’Europe centrale et orientale qui restent profondément marqués et attentifs vis-à-vis de l’ancien occupant ex-soviétique ("d’abord l’OTAN, ensuite l’Europe") et ne partage pas l’approche style "chevalier blanc" de gouvernements comme celui de la Finlande ou parfois de l’Autriche. Ces pays sont d’ailleurs très différents les uns des autres et passent des alliances très variables selon les thématiques.

Et quand ils assistent à un combat de chefs, ils attendent souvent de voir qui tombe avant de se prononcer

L’accord Pisani-Ferry/Enderlein ne change pas grand-chose tant qu’il est dans le cadre actuel, celui de l’effet d’un ballon-sonde, sans que l’ensemble des parties prenantes au débat – partis, syndicats, etc., aient avancé leurs pions.

L'Angleterre, qui entretient une relation diplomatique particulière avec les Etats-Unis et est une habituée de l'opt in / out sur la scène européenne, critiquait encore il y a peu l'obsession française autour des 35H. Comment le libéralisme anglais perçoit-il le social-libéralisme Français ? Et pourquoi ?

Toute l’histoire politique et sociale française diverge depuis Adam Smith et jusqu’à présent avec celle de l’Angleterre. Cette soi-disant obsession est surtout celle de ceux qui voudraient réduire la part des acquis sociaux conquis, souvent de haute lutte, par le monde du travail en France et qu’aucune Margaret Thatcher n’est venu ratiboiser.

Car la période est celle encore des prolongements de la grande crise de 2008 et pour la City le "social-libéralisme" est une pâle copie du seul libéralisme qu’elle prône, à savoir la dérégulation maximum du système financier, au risque de reproduire une crise systémique qui reste latente et non refermée.

La question des 35 h agit donc comme un chiffon rouge pour les partisans du pur libéralisme et du règne de la fameuse "main invisible" du marché. N’oubliez pas que le Royaume-Uni a fonctionné depuis la fin de l’empire britannique plus ou moins comme le porte-avions économique  - et diplomatique (Tony Blair et l’Iraq) - des Etats-Unis : c’est aussi cela, the special relationship…

Que disent de la France les pays du Sud dont les sacrifices engagés au nom de l'Europe ont été immenses ? Et pourquoi ? Notre culture latine nous rapproche-t-elle ? 

Notre culture latine, en effet, nous rapproche en termes de sensibilité notamment, des pays du sud de l’Europe comme la Grèce et l’Italie, berceaux historiques de civilisation, ou encore le Portugal et l’Espagne avec lesquels nos liens, plus récents, sont profonds.

Et nous leur faisons sentir notre compréhension, au moins par le discours, faute de moyens concrets d’appui, quoique nos dirigeants, par peur d’être assimilés à eux et de perdre le triple A des agences de notation au moment de payer le fardeau récurrent de la dette, soient plus discrets que ceux, jeune génération Erasmus ou/et chômeurs qualifiés, qui manifestent ouvertement leur solidarité et leur exigence de changement.

Enfin, quel regard portent les nouveaux entrants du pourtour de la Mer noire sur l'Hexagone ? Et pourquoi ? La montée des questions liées à l'immigration a-t-elle changé la donne ?

Les Etats comme la Roumanie et la Bulgarie continuent à se féliciter d’être entrés dans l’UE, un cadre qui leur a ouvert, non pas les portes du paradis, mais des moyens et des perspectives d’une vie meilleure, sans commune mesure avec leur situation d’avant la chute du mur.

Leur regard à notre endroit est donc à la fois modeste et plutôt bienveillant, nos difficultés n’étant que peu de chose à côté des leurs. La montée des problèmes nés de l’application, sans doute mal préparée pour ces pays, du principe de la libre circulation des personnes apporte certes un bémol à ce tableau. Mais dans l’ensemble, nos réactions, parfois exacerbées, à l’immigration des Roms, leur semble relativement disproportionnées, même si ces Etats – il faudrait y ajouter la Hongrie, qui nous pose bien d’autres problèmes – reconnaissent leur part de responsabilité.

Plus globalement, comment a évolué la vision que se fait l'Europe de la France sur les deux derniers mandats ? L'accession de la France à la présidence de l'UE en 2008 avec Nicolas Sarkozy avait-elle redoré l'image de la France en Europe ?

Les choses ont bien changé, surtout parce que la politique a horreur du vide ! Lors de la présidence française de l’UE, Nicolas Sarkozy a déployé une énergie qui a séduit certains et choqué d’autres, mais qui a eu pour effet essentiel d’occuper du terrain, tant sur le plan institutionnel avec l’adoption du Traité de Lisbonne, un compromis qui a eu le mérite de relancer le train à petite vitesse européen.

Il y a eu d’autres moments plus discutables et très discutés comme le lancement en fanfare de l’Union pour la Méditerranée, ambition louable mais assez franco-centrée (Assad le Syrien en guest-star !) et recadrée très vite par l’Allemagne.

L’image de la France n’a pas été redorée pour autant mais cela a redistribué des cartes, freinant provisoirement la dégradation des rapports de force en notre défaveur au sein de l’Europe. Depuis, on a l’impression que cette perte d’influence a, hélas, progressé à nouveau, comme on le voit dans la répartition des postes clés dans les cabinets des Commissaires et dans les Directions générales.

Où en est-on aujourd'hui ? Nos propositions économiques sont-elles bien accueillies ? Comment est jugée notre capacité à répondre aux impératifs européens via la conduite de réformes structurelles de grande ampleur appelée par l'Allemagne ?       

Les propositions françaises sont toujours écoutées avec beaucoup d’attention. D’abord parce que la France reste un des principaux poids lourds économiques, politique et diplomatique et un des contributeurs nets au budget de l’Union.

L’Allemagne devra en tenir compte à nouveau car son statut de "modèle" et son leadership trop appuyé commence à réunir contre elle de nouveaux alliés. La locomotive n’ira pas loin sans les wagons… Quant aux réformes préconisées, elles méritent certainement d’être revues à l’aune de pays dont l’histoire, le contrat social de l’après-guerre et bien d’autres données sociétales diffèrent parfois fortement de celles de l’Allemagne fédérale.

Les impératifs européens restent, rappelons-le, terriblement étriqués par le corset d’un budget européen minimaliste dont chaque Etat membre, pas seulement l’Angleterre, estime qu’il doit retrouver les billes qu’il y a mis, ce qui conduit à un saupoudrage de financements de projets au lieu de l’effet de bras de levier nécessaire.

Propos recueillis par Franck Michel / sur Twitter

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