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Le cri désespéré de Mario Draghi : « la politique fiscale doit devenir le principal instrument de la politique conjoncturelle ! »
©FREDERICK FLORIN / AFP

politique monétaire

Suite à la conférence de presse de Mario Draghi du 12 septembre et aux mesures de la BCE, la politique monétaire est de moins en moins efficace et fait plus de mal (banques, bulles) que de bien !

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Méconnaissable « super Mario » ! Ce ne serait donc plus la politique monétaire, autrement dit la baisse des taux d’intérêt, qui devrait faire repartir la machine ! La politique monétaire occupe trop, et surtout seule, le devant de la scène, dit en effet Mario Draghi ce 12 septembre, à Francfort. La politique  fiscale doit jouer son rôle, enfin, elle qui est la grande absente et qui laisse faire tout le travail à la politique monétaire ! Politique fiscale ? On dirait plutôt ici budgétaire, pour parler des dépenses publiques à côté de la fiscalité, Mario Draghi utilisant le mot anglais fiscal.

Quel message désespéré, que celui de Mario Draghi qui disait toujours qu’il avait plein d’instruments dans sa boite à outils (toolkit), et qu’ils seraient suffisants ! Quel aveu d’épuisement ! De fait, la croissance n’est pas forte en zone euro, de moins en moins même, autour de 1% l’an, et moins encore l’inflation. A 1%, elle s’éloigne de plus en plus des 2% constamment recherchés. Cette phrase de Mario Draghi, « la politique fiscale doit devenir le principal instrument ! », lors de son avant-dernière conférence de presse avant de partir, dit tout. Pourtant, elle fait rire l’auditoire, surpris de la formule. Surpris car Mario Draghi ne nous a pas habitués à ces plaintes ? Surpris car il lance en même temps sa dernière salve monétaire de soutien à l’économie, pour lui et surtout pour Christine Lagarde, tout en disant qu’il ne voit pas comment aller plus loin sans soutien budgétaire ! Voilà donc des taux plus négatifs pour les dépôts des banques en banque centrale (de – 0,4 à -0,5%), pour les dissuader de garder trop de liquidités. Voilà des crédits à taux plus bas plus longtemps pour les  banques, pour les pousser à faire plus de crédit moins cher en les refinançant moins cher, tout en achetant à nouveau des bons du trésor (20 milliards par mois à partir de novembre). Le tout sans limite de temps, jusqu’à ce qu’inflation s’ensuive avec Christine Lagarde désormais, ou qu’elle convainque l’Allemagne !

Mais pourquoi donc cette phrase ? Pour dire que la politique monétaire est à bout de souffle en zone euro. Elle commence à faire plus de mal que de bien et doit avoir un relai budgétaire, pour que se produise une vraie reprise, cette fois par la dépense publique appuyée sur les taux bas actuels (et futurs), au risque autrement de voir se tendre les rapports entre pays, Allemagne contre Italie surtout, et se défaire l’unité de la Banque centrale. 

Plus de mal que de bien, la politique de la BCE ? En effet, la politique de Mario Draghi passe par des taux plus bas pour redynamiser le crédit et désespérer les dépôts. Mais, dans une économie comme la zone euro, où le financement de la croissance passe aux deux tiers par les banques et au tiers par les marchés, cette politique fait souffrir le système bancaire. Ces taux plus bas des crédits, et négatifs des dépôts excédentaires, pèsent sur les marges d’intermédiation, qui fondent. Et Mario Draghi réduit alors, un peu, la charge des dépôts négatifs tout en augmentant l’alimentation à taux moins cher. Il veut donc soutenir un peu les banques en contrepartie de ce qu’il leur demande. Un peu, car il entend les cris italiens et les plaintes allemandes. Un peu, tout en leur demandant aussi de faire des efforts pour réduire leurs coûts de structure, autrement dit en « optimisant » leurs réseaux (en Allemagne et en Italie ?). 

Plus de mal que de bien, la politique de la BCE ? Aussi parce qu’elle pousse les entreprises en difficulté, les zombies en perte récurrente, à s’endetter encore pour ne pas se restructurer ou se vendre « plus tard ». Elle alimente les risques des crédits à l’immobilier, les bulles ? Et surtout parce qu’elle fait baisser les taux d’intérêt des bons du Trésor à des taux si faibles (0,9 % pour l’Italie) qu’ils dissuadent les politiques de mener des réformes !

Pendant ce temps en effet, la politique budgétaire ne fait rien dans le pays où elle le pourrait, l’Allemagne en surplus pour ne pas la nommer, en décidant de programmes de grands travaux. Ce qui force un pays en difficulté budgétaire (et politique), l’Italie pour ne pas le nommer, à creuser son déficit, faute du soutien de son voisin. Et Mario Draghi de comparer alors ce qui se passe en zone euro avec « une autre juridiction », les Etats-Unis pour ne pas les nommer, où la politique budgétaire fonctionne en tandem (certes cahotique) avec la politique monétaire et où les résultats sont là, depuis des années.

L’après Draghi se prépare : Christine Lagarde arrive à la fin du mois d’octobre et chacun fait un peu plus entendre sa voix, contre Draghi. Contre les achats de bons du trésor, on compte sans doute l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche, et peut-être la France (avec François Villeroy de Galhau) et, selon les rumeurs, Benoît Coeuré. Contre les taux négatifs, on compte l’Allemagne, même si les mesures d’adoucissement devraient aider à faire passer les mesures. En face, Christine Lagarde avance avec l’idée de poursuivre cette politique de taux bas : Mario Draghi lui laisse toutes les manettes. Et elle aura alors, aussi, toutes les difficultés, si elle n’arrive pas à convaincre l’Allemagne, et la nouvelle Commission de Bruxelles, à pousser la politique budgétaire.

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