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Le classement LinkedIn des universités peut-il être fiable ?
©wikipédia

Biais

Le réseau social professionnel expérimente un outil aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Canada qui "mesure" la valeur des diplômes et des universités à la carrière des diplômés et suggère aux individus l'établissement qu'ils devraient fréquenter en fonction de leurs objectifs de carrière. Ce nouveau classement vient concurrencer les classements traditionnels du Times Higher Education, de Shanghai ou encore du Financial Times, qui reposent sur des critères essentiellement académiques.

Jean-François Fiorina

Jean-François Fiorina

Diplômé de l’INSEEC Bordeaux et d’un MBA à l’University of America de San-Francisco, il commence sa carrière en tant que banquier à la BRED avant de devenir consultant à l’international. En 2003, il prend la tête de l’ESC Grenoble, l’une des 4 écoles de GEM. En septembre 2012, il est promu directeur adjoint de Grenoble Ecole de Management.

Ardent défenseur de la pédagogie différenciée, il milite et œuvre pour un enseignement des futurs managers, ouvert sur la société et sur le monde, basé sur la création de passerelles entre les différentes disciplines : management, ingénierie, design, art, géopolitique…

Il développe  ces sujets et fait part de ses convictions sur son bloghttp://blog.educpros.fr/fiorina/. Editeur des notes CLES (notes hebdomadaires d’analyse géopolitique), il est cofondateur du Festival de Géopolitique de Grenoble

 

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Atlantico : Le nouveau classement de l'enseignement supérieur du réseau privé LinkedIn change les paradigmes habituels utilisés normalement dans ce type d'exercice : on passe de la prise en compte de la qualité académique à une démarche plus consumériste et terre à terre, où prime l'insertion professionnelle. Cette démarche répond-elle à une attente des étudiants ?

Jean-François Fiorina : Oui, ce classement répond à une attente des étudiants dans la mesure où il permet de connaître la meilleure formation pour obtenir le métier souhaité. Cela favorisera la recherche d'écoles en adéquation avec un projet professionnel.

Après, il faut tout de même relativiser l'importance de ce nouveau classement, car le monde de l'enseignement supérieur fourmille déjà de démarches similaires. Les grandes écoles et les universités en ont besoin pour acquérir une bonne visibilité. Il existe aujourd'hui au moins une centaine de ce genre de classements à l'échelle mondiale.

Quels sont les risques associés au fait qu'une société privée mette au point un tel classement ?

Il faudra faire attention à ce classement, car les profils sur LinkedIn ne seront pas forcément bien remplis et seront biaisés. Comme dans tous les classements, il présentera des limites au début car on va avoir un championnat du monde des menteurs mais comme dans tous les classements, il devrait se professionnaliser avec le temps.

Pour les établissements dont la finalité est de préparer à un métier, une plus grande transparence sera demandée. Par exemple, si une école prépare aux métiers des marchés, les étudiants potentiels auront une attente vis-à-vis de cette école et voudront connaitre le nombre d'étudiants issus de cette école qui travaillent sur les marchés financiers, les noms des entreprises qui les embauchent et leurs salaires. LinkedIn a très bien compris cela en disant :"puisque que nous avons une gigantesque base de données qui recense ce que font les gens et les entreprises qui les accueillent, nous allons pouvoir créer un algorithme qui nous permet d'établir notre propre classement".

Et puis il peut y avoir des dérives, comme par exemple un système de monétisation où l'on demandera aux étudiants de payer pour avoir l'information qui va très certainement émerger, générant ainsi un revenu pour LinkedIn et une discrimination économique chez les étudiants.

L'autre dérive possible est que LinkedIn construise une situation de monopole et devienne la seule référence des étudiants. Il faudra alors préparer les étudiants à utiliser LinkedIn mais à ne pas accorder trop d'importance aux classements, car ce n'est pas nécessairement un classement qui fait la qualité de l'enseignement de l'établissement.

Le métier d'enseignant va-t-il devoir s'adapter à ce classement et s'orienter vers celui de coach professionnel ? 

L'évolution du métier de professeur n'est pas que liée à LinkedIn. Elle est liée à toutes les transformations actuelles.

Le professeur du futur sera très certainement à la fois enseignant (connaissance) et coach (professionnalisation).

Par ailleurs, on risque d'aller vers une spécialisation du corps professoral avec des professeurs académiques, des coachs, des vacataires spécialisés, des spécialistes d'étude de cas, etc.

Deux autres transformations seront directement liées au classement de LinkedIn et à l'importance grandissante du réseau social professionnel. D'une part, au niveau du marché des professeurs de management, qui est un marché mondial dans lequel il y a une forte tension (c’est-à-dire que la demande excède l'offre), ils pourront choisir leur établissement en fonction du classement de LinkedIn. D'autre part, les professeurs utiliseront de plus en plus LinkedIn dans la préparation de leur cours. Par exemple, au Danemark, j'ai vu une solution qui permet aux professeurs de construire et de personnaliser leurs cours en intégrant le profil LinkedIn des étudiants.

Ce classement ne risque-t-il pas de tuer les filières ayant peu de débouchés professionnels, comme la philosophie et la sociologie ? 

Oui et non. Oui, car avec ce classement, on est uniquement sur un prisme "études = formation = métier". Une des conséquences de ce classement sera sans doute que les formations de culture générale et de transmission de savoir seront moins recherchées.

D'un autre côté, ce classement peut peut-être redonner une chance à des pépites cachées de formation qui ont peu d'étudiants mais qui peuvent être de très bonnes formations. Je pense notamment à la traduction ou à l'Histoire par exemple.

A trop penser travail, les étudiants ne risquent-ils pas de perdre l'ouverture d'esprit que leur permet d’acquérir les études ? 

On entre ici dans un débat philosophique qui est celui de savoir quelle est la mission et la finalité des études.

Cela dépend des établissements. Pour certains, c'est d'être au service de la performance et des entreprises afin de leur fournir des profils qualifiés et compétents. Pour d'autres, c'est la transmission de savoir ou encore la préparation à d'autres formes d'études.

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