Le cas (de conscience) Mélenchon : mais qui pourrait bien diriger le nouveau Front populaire ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Jean-Luc Mélenchon s'adresse aux militants de gauche après que le président français a annoncé qu'il convoquait de nouvelles élections générales le 30 juin. Paris, le 9 juin 2024
Jean-Luc Mélenchon s'adresse aux militants de gauche après que le président français a annoncé qu'il convoquait de nouvelles élections générales le 30 juin. Paris, le 9 juin 2024
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Leader

Sévèrement battue par le Rassemblement national aux élections européennes, la gauche - ou « les gauches » - a décidé de se rassembler sous la bannière du « Nouveau front populaire » en vue des prochaines législatives. Mais avec quel chef ?

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

Voir la bio »

Atlantico : La gauche a été sèchement battue par le Rassemblement national aux élections européennes et a décidé de se rassembler sous la bannière du “Nouveau front populaire” en vue des prochaines législatives. Quels étaient au juste les chemins qui se dressaient devant la gauche après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président ?

Gérard Grunberg : Je préfère parler de “gauches” plutôt que de “la gauche”, du fait des points de dissension qui persistent entre les différentes sensibilités de cette famille politique. Ce premier point évacué, il faut bien constater que les gauches sont aujourd’hui confrontées à une situation extrêmement difficile. Prise dans son ensemble, la gauche représente finalement assez peu de choses aujourd’hui et pas de grands partis. Les élections européennes ont clairement illustré la marginalisation grave d’Europe-Ecologie Les Verts, qui peinent à se hisser au-dessus de la barre des 5%, ainsi que celles des communistes qui oscillent aux alentours de 2%. Pour l’heure, il faut bien reconnaître qu’il n’existe à gauche que les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, qui flirtent avec les 10% à cette élection, et le PS emporté par Raphaël Glucksmann crédité d’un score  autour de 14%. Il est important de préciser que cette réussite repose en grande partie sur la personne de Raphaël Glucksmann lui-même, puisque nous savons maintenant qu’une liste conduite par Olivier Faure n’aurait pas obtenu, et de loin, un tel score.  Notons, à cet égard, que l’électorat du co-président de Place Publique n’est pas à proprement parler un électorat PS. C’est bien davantage un électorat qui se reconnaît de gauche et dans les priorités de la tête de liste, mais qui n’est pas spécialement attaché au parti socialiste.

Compte tenu de notre mode de scrutin majoritaire à deux tours et de la règle des 12,5% des inscrits nécessaires pour se qualifier aux deuxième tour (ce qui signifie qu’il faut rassembler 25% des voix exprimées au premier tour face à une abstention de 50%), il apparaît clair que dans la majorité des circonscriptions, ni la FI ni le PS ne pourraient s’en sortir seuls. Séparés, ils n’atteindront pas le seuil nécessaire pour se qualifier. Mais il y a là un problème de fond pour la gauche : Jean-Luc Mélenchon a travaillé si activement à diviser la gauche, à injurier les socialistes tout au long de la campagne que l’union pouvait sembler impossible à refaire. Les positions de Mélenchon et de Glucksmann sont inconciliables, notamment sur l’Europe et l’Ukraine ? Pourtant, à peine la dissolution annoncée, l’ensemble des partis de gauche a célébré le retour du Front populaire alors qu’il ne s’agit que de sauver des sièges, et cela au prix pour les socialistes d’un reniement. Gluksmann a été utilisé pour faire des voix puis jeté quand il s’agissait de s’entendre avec Mélenchon. Il réclamait un cap clair…

Cet accord permettra-t-il à la gauche de sauver ses sièges ? Les électeurs de la liste Glucksmann qui ont voté clairement pour une gauche non liée à l’extrême-gauche suivront-ils Olivier Faure dans sa réconciliation de façade avec Mélenchon ? Cette nouvelle union des gauches, ce qu’une partie des électeurs de gauche ne manqueront pas de noter est nécessairement contre-nature, tant il persiste des points de dissensions importants. Sans doute la solution plus naturelle, ainsi qu’en témoignent les sondages, aurait consisté pour Raphaël Glucksmann à s’allier avec les macronistes, avec lesquels les points d’accord sont importants, mais le PS était opposé à une telle alliance. Un autre mode de scrutin – la proportionnelle – aurait aussi permis d’envisager d’autres solutions mais Macron ne l’a pas voulu qui n’a jamais témoigné d’un grand intérêt à rechercher des alliances partisanes. Cet accord à gauche confirme que les socialistes ne sont pas intéressés à préparer une alternative gouvernementale mais d’abord à conserver leurs sièges, car comment imaginer que dans une période dans laquelle les questions internationales deviennent centrales, Mélenchon et Glucksmann puissent participer au même gouvernement ?

En s’associant avec Mélenchon, le Parti socialiste risque de perdre une grande partie de l’électorat nouvellement gagné. C’est aussi la certitude de prêter le flanc à la critique de nature morale. D’aucuns seront prompts à pointer du doigt le mensonge que représente nécessairement cette alliance, compte tenu des échanges virulents auxquels nous avons pu assister tout au long de la campagne.

François Hollande, qui s’est dit “extrêmement préoccupé par la situation” politique française, a fait savoir qu’il n’avait qu’une unique ambition : “être utile à notre pays”, qu’il a déclaré chérir tout particulièrement. D’aucuns soupçonnent ouvertement l’ancien président de vouloir se représenter. Pourrait-il incarner l’homme qui tient les clefs du destin de la gauche, selon vous ?

Je ne pense pas que François Hollande puisse incarner l’homme qui tient les clefs du destin de la gauche. Son heure est passée. Bien sûr, il reste populaire auprès d’une partie de l’électorat de gauche et son image plutôt positive pourrait lui permettre d’apporter quelque chose. C’est un leader historique du Parti socialiste, mais je doute qu’il puisse se remettre de de sa renonciation à se représenter en2017. C’est un scénario hautement improbable et personne ne l’imagine devenir Premier ministre après les élections législatives. La question est de savoir s’il est prêt à passer le flambeau à la nouvelle génération. Mais à qui ?

Quant à Raphaël Glucksmann, il est possible que son heure soit passée avant même de s’être écoulée. S’il décide de jouer pour lui-même, je crains qu’il n’ait aucune chance. N’oublions pas qu’il est arrivé au Parti socialiste presque par effraction et qu’il s’est imposé comme tête de liste parce que le PS n’avait personne d’autre à présenter. Olivier Faure ne peut regretter aujourd’hui de lui avoir cédé la tête de liste européenne compte tenu de son succès électoral aussi réel qu’inattendu. Il a moins besoin de lui pour fixer la tactique électorale du PS !  

Avec ce “Nouveau front populaire”, faut-il s’attendre à ce que la France Insoumise s’impose une fois de plus à ses partenaires ? 

C’est Mélenchon qui fixe le rythme de cette valse à mille temps avec les socialistes et les écologistes décidant cyniquement à chaque moment s’il va insulter ou embrasser ses « partenaires ». La phase précédente d’extrémisation des positions de LFI lui a permis de remporter un certain succès aux européennes, il lui faut maintenant conserver ses sièges. L’accord conclu sur la reconduction des sortants et l’unité de candidature est très avantageux pour lui puisque le groupe LFI compte 75 députés contre 31 aux socialistes, 22 aux communistes et 21 aux écologistes. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !