La semaine où tout va mal : si on cède à l’émotion, on se désole. Si on se compare, on pourrait se consoler<!-- --> | Atlantico.fr
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Les dirigeants du monde entier sont confrontés à une situation complexe avec la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l'énergie.
Les dirigeants du monde entier sont confrontés à une situation complexe avec la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l'énergie.
©AFP

Atlantico Business

La semaine s’achève dans le brouillard total sur le plan économique, monétaire, politique et international. Et dans ce brouillard, la visibilité est nulle, donc tout le monde se désole avec raison. Sauf qu’il y a des fondamentaux chiffrés qui pourraient allumer des lueurs d’espoir.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Des fondamentaux chiffrés qui pourraient éclairer un peu le proche avenir existent, sauf que personne ne veut les voir.

La semaine a été désolante et désespérante sur tous les plans.

Sur le front de l’Ukraine, on sent bien que nous sommes arrivés à un point où tout peut basculer, pour l’un ou l’autre des deux belligérants. L’armée ukrainienne a repris des positions stratégiques, grâce aux livraisons de matériels militaires livrés par les Occidentaux des positions stratégiques. Cette reprise a redonné de l’énergie à la résistance intérieure et obligé Vladimir Poutine à radicaliser son discours au point de menacer l’Occident en prétendant une alliance anti capitaliste avec les Chinois.

Les milieux économiques et financiers n’aiment pas de telles agitations belliqueuses, ce qui pèse sur tous les indicateurs.

Sur le front de l’économie, la situation n’est donc pas brillante. Les risques de récession se sont précisés cette semaine. L’activité se ralentit sous l’effet conjugué de trois facteurs : les augmentations des prix de l’énergie, gaz, pétrole, les sanctions économiques qui sont a priori plus douloureuses pour nous que pour les Russes et la hausse des taux d’intérêt orchestrées par les banques centrales.

Sur le front politique, on sent bien que les vieilles démocraties sont paralysées par le jeu d’intérêts contradictoires. Entre les engagements de solidarité avec l’Ukraine, la nécessité de payer cet effort de guerre et les limites de l’opinion à l’assumer d’une manière ou d’une autre, on sent bien qu’une partie des populations commence à manifester contre les gouvernements, accusés d’être responsable des pertes de pouvoir d’achat : en Allemagne, en Italie, en Grande Bretagne, les mouvements populistes plus ou moins poussés par des activistes russes se réveillent.

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Pour les dirigeants français ou allemands ça veut dire qu’il va falloir être très prudent et éviter d’attiser la grogne ou la colère sociale. En Allemagne comme en France, on a épuisé les marges de manœuvre de l’État providence, mais on ne peut pas tenter des réformes structurelles qui s’imposeraient et qui permettraient de faire baisser la pression sur les pensées budgétaires.  

Bref, cette semaine se termine sur un diagnostic pas très optimiste et surtout dominé plus par l’émotion que par la raison. 

Dans les chiffres et les faits, la seule véritable incertitude, c’est l’état et les intentions de Poutine. Personne ne sait ce qu’il a dans la tête et beaucoup en arrivent à penser qu’il est désormais capable de faire n’importe quoi pour sauver son pouvoir absolu.

C’est la seule incertitude sur laquelle personne n’a d’éclairage, sauf à penser que le pire n’est jamais sûr et qu’il y aura, à un moment, le moyen de dénouer cette situation 

Les risques d’embrasement mondial avec la Constitution d’un bloc de pays autoritaires, le rapprochement entre la Russie et la Chine est complètement exclu par tous les analystes sérieux. Pour deux raisons :

D’une part, la Russie ne peut pas faire croire qu’elle va survivre en vendant son gaz aux Chinois et aux Indiens. C’est un roman. Moscou donnerait-il ce gaz qu’il faut encore le transporter. Or, l’Europe a mis plus de 25 ans à se brancher sur le gaz russe avec 5 gazoducs ultramodernes. La Russie n’a qu’un malheureux petit gazoduc pour nourrir les Chinois qui, coté énergie, mettent plutôt le paquet sur le nucléaire.

D’autre part, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie représentent à peine 40 milliards dans les deux sens (importations et exportations). Mais le commerce de la Chine avec les États-Unis représentant 600 milliards de dollars et 300 milliards avec l’Europe. La Chine est le grand gagnant de la mondialisation. Personne ne peut imaginer que les dirigeants chinois en viendraient à prendre le risque de perdre leurs plus gros clients pour tendre la main à la Russie qui est un nain économique, même si Vladimir Poutine leur fait des promesses d’amitié et de loyauté.

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Toujours sur le plan économique, la propagande russe peut toujours expliquer que la Russie est très riche compte tenu du prix du gaz et du pétrole, il faut savoir que les liquidités engrangées depuis le début de l'année sont inutilisables par les Russes puisque les importations sont sous embargo et que plus de la moitié du potentiel industriel de la Russie a besoin de composants occidentaux, y compris le matériel militaire qu’ils ne peuvent plus entretenir depuis les sanctions. 

Reste l’évolution de la situation économique en Occident. Elle n’est pas florissante mais pas désastreuse. Le ralentissement mécanique de l’activité peut créer de l’agitation sociale certes, mais ce ralentissement peut aussi calmer les prix de l’énergie. Sur le pétrole par exemple, le pic d’inflation a été atteint et depuis deux mois le prix du baril baisse un peu.

Toute la question est de savoir si les populations occidentales vont avoir les moyens d‘attendre que les sanctions commencent à faire de l’effet douloureux sur le peuple russe. A ce moment-là, Vladimir Poutine sera obligée de réagir. Ou il cherchera à négocier ou il sera démis de ces fonctions.

Mais cette incertitude sur la résilience des Occidentaux à supporter ces difficultés va aussi beaucoup dépendre de la météo de l’hiver prochain.

Si l’hiver prochain est particulièrement froid et rude, les Européens vont évidemment souffrir parce que l’Europe sera en risque de pénurie d’électricité. Mais par ailleurs, si l’hiver est rude, les Russes auront du mal sur le terrain. N’oublions pas que c’est l’hiver russe qui avait obligé Napoléon 1er à se retirer de la Russie. La mobilité et les approvisionnements deviennent impossibles.

Les experts les plus raisonnables de la géopolitique font deux scénarios :

Un premier scénario où les rapports de force sur le terrain et la situation économique seraient tels que la Russie accepterait un round de négociation avant l’hiver.

Un second scénario qui ouvrirait des négociations à la sortie de l’hiver. Dans les deux cas, la planète toute entière échapperait à la récession. 

Quoi qu’il en soit, l’histoire du monde nous enseigne que le mur des réalités économiques s’impose presque toujours aux forces géopolitiques. Et la Russie comme la Chine ont rarement fait des erreurs stratégiques, en opposition avec leur intérêt économique.

Le mur de Berlin est tombé parce que le peuple de l’empire soviétique avait faim et pas seulement de liberté.

La Chine de Xi Jinping est entrée dans l’OMC parce que le peuple de Chine avait soif de travailler et cherchait des clients. Xi Jinping ne refermera pas son pays sur lui-même. Vladimir Poutine veut retrouver la grandeur de la Russie d’antan, en oubliant que son peuple a besoin de l'Occident et que les élites ont été formées dans les universités occidentales. Curieux quand même que Poutine ne se souviennent pas où il a mis ses enfants à l’école. Ce décalage entre cette réalité et l'idéal ou l’idéologie sur laquelle il s’appuie sera très certainement l'erreur qui le mènera à sa perte.

En attendant, il va falloir que les démocrates de l’Occident restent droits dans leur botte pour protéger leur valeur et leur modèle. Ces peuples ont besoin de visibilité. C’est ce qui leur manque le plus cruellement depuis cette semaine.

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