La menace Omicron : que faire pour protéger l’économie française d’un nouveau choc ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le variant Omicron fait planer le doute et l'incertitude sur l'économie mondiale.
Le variant Omicron fait planer le doute et l'incertitude sur l'économie mondiale.
©KAZUHIRO NOGI / AFP

Impact économique

L’OCDE a prévenu ses membres : le nouveau variant Covid pourrait bien accentuer les goulots d’étranglement et l’inflation et peser lourdement sur la croissance 2022.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico :Quelles mesures concrètes, raisonnables sur le plan économique et efficaces pour préserver nos entreprises et notre économie pourraient être mises en place par le gouvernement rapidement en cas de menace d’Omicron ?

Charles Reviens : L’OCDE a publié ses dernières perspectives économiques hier 1er décembre et prévoit pour la France une croissance de +6,8 % sur 2021 après la récession massive de 2020 (-8 %), en lien avec la croissance exceptionnelle constatée par l’INSEE sur le seul 3ème trimestre 2021 (+3 %).

Mais avec la pandémie covid-19 et ses aléas on navigue à vue, avec de multiples signaux contraires depuis quelques semaines : inflation beaucoup plus élevée que d’habitude notamment liée à la flambée des prix de l’énergie, nouveau variant omicron considéré comme « extrêmement préoccupant » par l’OMS et qui « pourrait retarder le retour à la normale de l’économie mondiale » selon l’OCDE : « les derniers développements autour d’Omicron ajoutent au niveau déjà élevé d’incertitudes, et cela pourrait constituer une menace pour la reprise, retarder le retour à la normale, voire pire encore »… explique avec entrain Laurence Boone, chief economist de l’OCDE.

Avant les enjeux stricts de politique économique vis-à-vis des entreprises, l’OCDE met l’accent sur l’importance critique de l’efficacité des politiques de santé publique et notamment le déploiement de la vaccination. L’OCDE développe une vision mondiale de cette question en considérant que les nouveaux variants peuvent beaucoup plus facilement apparaître dans des territoires de forte diffusion du virus et donc les zones où les taux de vaccination sont les plus faibles. Est ainsi mis en regard le cout d’une vaccination mondiale (50 milliards de dollars) et le volume des dépenses engagées par le G20 pour protéger les économies ou compenser la récession (10 000 milliards de dollars).

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Après de la priorité affichée de la vaccination et des aléas à répétition de la pandémie, la politique économique ressort principalement d’un exercice d’équilibre où il faut à la fois éviter les fermetures générales du type de ce qui s’est passé en 2020 dans la plupart des pays occidentaux, particulièrement destructrices sur le plan économique, pallier par l’arme budgétaire et monétaire aux chocs récessifs mais surtout trouver les voies et moyens de débrancher les dispositifs exceptionnels d’aide justifiés et nécessaires à court terme mais ni soutenables ni pertinents dans la perspective du retour à la normale.

Michel Ruimy : Si la nouvelle souche potentiellement plus contagieuse et létale du coronavirus accroît l’incertitude actuelle, elle devrait toutefois, à ce jour, changer a minima notre comportement pendant les semaines à venir. Selon les premières estimations, ce nouveau variant pourrait coûter à la croissance mondiale, l’an prochain, entre 0,25 point de pourcentage s’il s’avère relativement inoffensif, et plus de 2 points, si une large partie de la population mondiale devait à nouveau se confiner.

Pour ce qui concerne la France, si la population est assez confiante en l’avenir c’est-à-dire qu’elle considère comme passagère cette nouvelle vague, il est possible que l’activité ne soit pas trop perturbée surtout à l’approche des fêtes de fin d’année. En cas de forte vague épidémique à laquelle pourrait être associée notamment une vive inflation, les ménages préféreront vraisemblablement passer leurs commandes via l’internet plutôt que faire leurs achats en magasin - à l’instar de l’an passé - en consommant davantage « made in France ». Cette éventualité n’est pas d’ailleurs une mauvaise chose en soi car la crise sanitaire a révélé, aux yeux de tous, la dépendance de notre économie à d’autres du reste du monde. Elle pourrait même compenser une baisse de nos exportations, affectées par un ralentissement du commerce mondial.

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Par ailleurs, après 4 vagues, la plupart des entreprises françaises se sont adaptées à cet environnement. Un quart des industries françaises disent avoir commencé à relocaliser leur production quand d’autres ont relevé le niveau de leurs stocks. Toutefois, ce sont toujours les mêmes secteurs qui pâtiront de la situation (restauration, hôtellerie, aéronautique, événementiel…). Il est alors difficile d’imaginer comment ces secteurs pourraient compenser leurs pertes sans une intervention de l’Eta - à travers des aides massives - devrait permettre une nouvelle fois de les faire tenir.

Au regard des stratégies notamment appliquées en Asie, quelles peuvent être les stratégies pour maintenir l’économie ouverte en se préservant de la menace des variants ?

Charles Reviens : Rappelons d’abord que les écarts massifs de performance sanitaire entre les pays occidentaux et les pays développés d’Asie et d’Océanie dans la gestion de la crise sanitaire sont considérables. Ces écarts se sont essentiellement constitués sur 2020 lors de la phase amont de la pandémie et je renvoie à une contribution de janvier 2021 sur le sujet. Sur 2021 les écarts sont plus limités avec un déploiement plus rapide de la vaccination en Occident.

Ce qu’on voit par exemple à Singapour, c’est la volonté face aux soubresauts de la pandémie (aujourd’hui le variant omicron) de ne pas « appuyer sur le bouton panique » et d’éviter que des mesures généralisées et indifférenciées d’interdiction ou de limitation ou des interactions économiques et sociales ne viennent de nouveau attaquer la substance économique et générer une nouvelle séquence récessive.

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Pour concilier impératifs de santé publique et préservation de son économie dont la prospérité s’appuie sur le commerce et le transport, Singapour a ainsi abandonné cet été sa politique de suppression virale devenue inefficiente avec la variant delta pour assumer le « fait de vivre avec le virus » via une politique de vaccination très volontariste (désormais l’un de plus élevés du monde), éviter la saturation de son système hospitalier. Cette politique tente de concilier préservation de l’économie et impératifs sanitaires, sachant que rien n’est jamais acquis puisque sa performance sanitaire s’est un peu dégradée sur les dernières semaines.

Sur un plan économique et sanitaire, l’État peut-il, à moindre coût, agir pour réduire le risque de choc lié au nouveau variant du Covid ?

Michel Ruimy : Il convient toujours de garder à l’esprit que la situation économique dépend de l’évolution sanitaire et du taux de vaccination. C’est pourquoi, il est encore trop tôt pour modifier les prévisions de croissance tant qu’il n’y aura pas plus de données sur la dangerosité de cette nouvelle souche.

Toutefois, la problématique actuelle demeure l’inflation dont les effets sont incertains et contraires. D’un côté, la diffusion du virus et le retour des infections massives risquent d’aviver les tensions inflationnistes s’ils désorganisent les chaînes de production. De l’autre, un regain des contaminations pourrait aussi ralentir la demande mondiale et ainsi avoir des effets déflationnistes comme la baisse récente des prix du pétrole. Il n’en demeure pas moins que les prix ont augmenté de 2,8% en un an.

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L’inflation affecte, en priorité, les ménages modestes. Or, la bonne croissance économique de 2021 - plus de 6% - doit profiter à tout le monde c’est-à-dire une meilleure rémunération pour ceux dont les revenus sont les plus faibles et cibler, en particulier, les salariés de la « deuxième ligne », qui ont fait fonctionner le pays pendant les confinements.

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Que nous a appris l’expérience des précédentes vagues en France et à l’étranger sur la manière de préserver l’économie sans transiger sur le sanitaire ?

Charles Reviens : La question ratifie implicitement une opposition entre efficacité de la politique sanitaire et préservation de l’économie mais il me semble qu’il faut absolument dépasser cette opposition : en effet une politique sanitaire efficace (mesurée par exemple par la minimisation de décès, du nombre de personnes connaissant des formes graves de la maladie ou la saturation du système hospitalier) permet d’éviter des situations de perte de contrôle ou de panique conduisant à des mesures générales et indifférenciées ayant d’énormes impacts pour certains secteurs économiques.

Il faut ainsi se remémorer la phase amont de la pandémie en 2020. Beaucoup de pays occidentaux, au premier rang desquels la France, ont fermé à tout va avec comme résultat des récessions historiques (-8 % en France, -9 % en Italie, -6.5 % dans la zone euro), tandis que les pays développés d’Asie ont combiné des politiques sanitaires plus ciblées (identification, isolement et traitement des personnes contaminées et contaminantes, quarantaines pour les entrées dans le territoire) ce qui a conduit à des récessions plus faibles alors que les résultats sanitaires étaient très supérieurs. Il faut noter que l’année 2021 voit se diminuer considérablement les écarts de performance sanitaire et un rebond économique inégal mais généralisé (+5.6 % pour la croissance mondiale selon l’OCDE).

Face à la situation conjoncturelle que seraient les décisions à ne surtout pas prendre, tant à Paris qu’à la BCE, au risque de plomber l’économie en voulant la sauver et en matière de politiques publiques et d’économie ?

Charles Reviens : Il y a d’abord le pilotage à vue et l’articulation entre politique sanitaire et politique économique, mais ensuite l’atterrissage et le retour à la normale de l’économie avec le débranchement progressif de tous les mécanismes exceptionnels déployés depuis 2020.

L’étude de l’OCDE rappelle toutefois l’importance des sujets de long terme et l’importance d’un retour d’expérience sur la pandémie covid : la question de la qualité des écosystèmes de santé publique, l’amélioration de la performance scolaire dont l’efficacité en France est régulièrement mentionnée comme perfectible par l’OCDE.

Sur le plan strictement économique, il nous est rappelé les questions de moyen et de long terme non résolues de la compétitivité économique française, alors même que l’OCDE nous rappelle que comme souvent la reprise française est principalement portée par la demande intérieure et nous la demande mondiale de produits français, avec déficit persistant de la balance courante.

Enfin, pour « le monde d’après », l’OCDE rappelle – apparemment sans trop y croire – l’importance de faire levier sur la reprise à venir pour réformer et assainir les finances publiques, avec une position traditionnelle de priorisation sur l’éducation et les infrastructures. Le sujet, de fait peu assumé par les responsables publics français quasiment dans leur ensemble, est pourtant particulièrement d’importance au regard de la situation hexagonale qui n’a pas d’équivalent en Europe continentale et dans la zone euro : la dette brute française passe de 123.5 % à 146.9 % de 2019 à 2023.

Michel Ruimy : Il ne faut pas penser national voire européen mais mondial.

Les profonds déséquilibres, apparus entre les pays développés et ceux émergents et en développement, sont le reflet des inégalités dans les systèmes de santé, les politiques publiques, les pénuries de travailleurs dans certains secteurs… La priorité demeure donc de s’assurer que les vaccins soient produits et distribués le plus rapidement possible à l’ensemble de la population mondiale, y compris les doses de rappel. N’oublions pas que les pays développés du G20 ont ainsi dépensé près de 10 000 milliards de dollars pour protéger leur économie pendant la crise alors que vacciner la planète ne coûterait que 50 milliards. La reprise restera temporaire partout tant que cet objectif ne sera pas atteint.

Dès lors, dans un tel contexte et dans un monde de dettes publiques aujourd’hui insolvables, les banquiers centraux doivent poursuivre un accompagnement / financement mesuré - au risque de jouer un rôle de « pompiers pyromanes » - en espérant qu’une solution vaccinale soit proche. A contrario, nous risquons d’entrer dans une longue période crépusculaire instable avec ses aléas politiques, économiques, financières et sociologiques.

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