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La marque d'un lobby qui a réussi est-elle d'avoir son option au bac ?
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Tous les goûts sont... au bac

Plus de quatre-vingts options proposées, certaines choisies par une poignée d'élèves seulement, viendront agrémenter les épreuves du baccalauréat. Réel intérêt pédagogique ou volonté de plaire à tous les particularismes ?

Julien Pompey

Julien Pompey

Julien Pompey est journaliste spécialiste des formations supérieur. Il est le réacteur en chef de Panthéon-Sorbonne, le magazine de l'université Paris 1.

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Atlantico : 57 langues sont en option au baccalauréat, et 13 d'entre-elles auront moins de 20 candidats qui les présenteront. Au-delà de l'avantage d'un plus vaste choix pour l'élève, quels sont concrètement les justifications de proposer pour ce diplôme national, supposé s'adresser au plus grand nombre, des épreuves de bambara ou de macédonien ?

Julien Pompey : Il y a les langues régionales où l'intérêt est de continuer à faire exister certaines langues qui disparaissent petit à petit. Pour les langues étrangères, il ne faut pas oublier que même si effectivement certaines langues ont très peu de candidats, de nombreuses autres présentent un réel intérêt pour former des spécialistes. L'Éducation nationale n'est donc pas du tout fermée à l'idée de rajouter des épreuves comme on le voit, pour spécialiser avant l'heure les futurs étudiants. Ce n'est certes pas le rôle premier du bac, mais beaucoup trouvent justement que les cursus sont trop généralistes avant l'examen... Si les élèves ont donc la possibilité de se spécialiser avec leurs options facultatives, même si ce n'est pas l'état d'esprit du baccalauréat, c'est plutôt une bonne chose.

Qui décide de ce qui sera ou non une option au bac ? Quels sont le critères qui influencent ce choix ? Pourquoi existe-t-il par exemple une épreuve de langue haoussa et pas d’espéranto ? Pourquoi la nutrition version Dukan est retoquée et la pêche à la ligne acceptée ?

Cela se fait au niveau du ministère de l'Éducation nationale qui choisit quel crédit il faut apporter aux très nombreuses propositions qui lui sont soumises chaque année, et qui émanent en général soit de professeurs, soit d'associations. Il y a certes un aspect de lobbying, mais le sérieux de la proposition est quand même largement pris en compte. Il y a en outre un autre critère fondamental qui influence les décisions : la possibilité de trouver des professeurs capables d'encadrer l'option et le relatif regroupement des candidats qui sont susceptibles de présenter l'option. Une option a plus de chances d'être retenue si elle regroupe un faible nombre de candidats potentiels sur un petit territoire qu'un nombre un peu plus grand d'élèves répartis sur tout le pays. L'exemple typique c'est le surf que l'on ne peut présenter qu'à Biarritz ou Tahiti. C'est vrai que l'on peut voir aussi cela comme une petite discrimination, car c'est sûr que l'option ne sera jamais proposée à Paris...

Alors que le baccalauréat est censé être un diplôme à caractère national et qu'il est parfois considéré comme le "premier diplôme universitaire", cette multiplication d'épreuves optionnelles ne fausse-t-elle pas la cohérence de ce diplôme ?

Il existe environ quatre-vingts options possibles, et une bonne moitié d'entre elles sont pratiquées par moins de cents élèves. Le nombre total de candidats au bac concernés par ces options est donc très faible. De plus, moins 20% des candidats présentent une épreuve facultative lors de l'examen. Il est donc hasardeux de prétendre que les options du bac faussent le sens du diplôme. Mais le bac reste l'un dernier, si ce n'est le dernier, grand rite républicain. Tout ce qui touche à son contenu prend donc de grosses proportions dans l'opinion publique. On a bien vu comment celle-ci a réagi lorsqu'on avait proposé de faire passer le bac par contrôle continu, un choix qui avait pourtant largement la faveur des professeurs.

La multiplicité des épreuves favorise souvent soit les élèves issus de milieux aisés, qui peuvent se déplacer, soit ceux qui vivent dans une région où l'épreuve est couramment pratiquée ou encore ceux dont la langue maternelle n'est pas le Français. N'est-ce pas injuste ? Même s'il ne s'agit que d'options, cela ne constitue-t-il pas un biais dans l'égalité face à l'examen ?

Cela peut-être vu comme un biais par les lycéens ne choisissant aucune épreuve facultative, mais il existe tout de même une quarantaine d'options qui sont présentes dans quasiment tous les établissements. C'est donc à chacun de prendre ses responsabilités pour profiter de ces avantages à un moment ou à un autre. Après, il est vrai que choisir des options peut permettre de pouvoir jouer sur les taux de réussite à l'examen. L'année dernière, j'avais calculé qu'un candidat d'un bac général qui avait légèrement en-dessous de la moyenne (autour de 9,80) mais qui avait choisi quatre options dans lesquelles il obtenait des notes entre 16 et 18 sur 20 (les notes dans ces épreuves facultatives étant souvent très élevées, cette estimation était donc crédible), pouvait décrocher la mention. Donc oui, ça augmente de manière concrète le taux de réussite et le taux de mention. Mais il n'y a jamais eu à ma connaissance de chiffres officiels de l'Éducation national pour quantifier ce phénomène.

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