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La loi travail enfin adoptée va finir par introduire de vrais changements dans la vie de l’entreprise. Mais quelle usine a gaz !!!
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L'édito de Jean-Marc Sylvestre

Après 5 mois de psychodrames politico-syndicaux, la loi travail a donc été considérée comme définitivement adoptée. Quoi qu’on dise, elle ne sera pas complètement inutile, mais quel temps perdu. Inventaire de ce qu’il en reste.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le projet de cette loi travail voulue par Manuel Valls, présentée par Myriam El Khomri restera sans doute dans l’histoire du quinquennat comme l’accouchement législatif le plus douloureux, le plus compliqué et le plus coûteux politiquement. 

Le gouvernement a été obligé de reculer sur de nombreux points pour finir par utiliser les forceps de l’article 49.3 de la constitution à trois reprises. 

Politiquement cette opération est donc un fiasco. Le gouvernement s’y est tellement mal pris qu’il a fracturé en profondeur sa majorité. Les frondeurs ont trouvé l'occasion de s’affirmer et de se muscler. Le président de la République y a perdu ses derniers points de crédibilité et son Premier ministre a fracassé sa popularité de réformateur pour un bon moment. 

Sur le terrain syndical, ce débat a tué l’unité syndicale en soulignant avec violence le fossé qui sépare désormais les syndicats réformistes, comme la CFDT, et ceux qui continuent de fonctionner dans une logique de lutte des classes comme la CGT. Ceux-là privilégient la protection aveugle d’avantages acquis en période de prospérité mais impossibles à financer en période de crise, comme c'est aussi le cas de FO. 

Ce conflit long de 5 mois laissera des traces. Le projet de loi travail avait pour objectif d'améliorer le fonctionnement du marché du travail, de l’adapter aux contraintes de la modernité afin de contribuer à la création d’emplois. Ce projet était construit sur l'idée que la pire des injustices se logeait dans le chômage structurel à long terme. 

La discussion et la violence des manifestations montrent à l'évidence que le gouvernement n'a pas su faire passer ses intentions. Le projet de loi travail a donc été vécu non pas comme un facteur de progrès, mais comme un outil qui organisait le recul des conditions de travail et une régression des conditions sociales. 

Le projet a donc été raboté dans tous les sens, pour calmer l’hostilité de l’extrême gauche et de la CGT. Le gouvernement a reculé gravement et donné le sentiment qu’il avait baissé les armes et fini par accepter un texte complètement vide et inutile. Quant aux chefs d’entreprise, ils vont se retrouver avec une usine a gaz difficile à faire fonctionner. 

Quel gâchis, parce que dans la réalité, le texte de loi adopté n’est pas complètement vide de son sens initial et porte quelques reformes qui seraient importantes si elles sont appliquées sur le terrain.  

Ce qui va changer vraiment : la hiérarchie des normes

La reforme du code du travail, sa simplification, a été remise à plus tard. Le texte prévoit la "création d'une commission chargée de proposer au gouvernement d'ici deux ans une refondation du Code du travail. Le Haut Conseil du dialogue social y sera associé" donc sur ce point passons. 

Sur le temps de travail, en revanche, il faut savoir lire. La durée légale du travail restera de 35 heures. Mais, sur l'aménagement du temps de travail, les accords d'entreprise primeront dans la plupart des cas. Le passage à une moyenne hebdomadaire de travail de 46 heures (au lieu de 44) sur 12 semaines, qui nécessite actuellement un accord de branche et un décret, sera assouplie : un accord d'entreprise suffira. 

Il y a donc bien un début de changement dans la hiérarchie des normes. La loi stipule que l’accord négocié et signé dans une entreprise prime sur l'accord de branche. C’est une victoire des syndicats réformistes et des patrons qui voulaient ramener au niveau de l’entreprise le pouvoir de négocier. Ce à quoi s’opposait la CGT.

Pour la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires, l'accord d'entreprise primera également sur l'accord de branche. Il ne pourra être inférieur à 10%. Les branches, qui pratiquent généralement 25%, perdront leur pouvoir de blocage. 

Par ailleurs, il y aura bien des référendums d'entreprise, là encore contre l’avis de la CGT. 

Un accord d'entreprise devra être "majoritaire" (signé par des syndicats représentant plus de 50% des salariés aux élections professionnelles). Faute de majorité, les syndicats minoritaires (représentant plus de 30%) pourront demander un référendum pour valider l'accord.

Dans deux domaines, égalité professionnelle entre femmes et hommes ainsi que pénibilité, l'entreprise ne pourra pas faire moins bien que la branche. Sous-entendu dans les autres domaines... l’entreprise pourra le faire si ça correspond à ses contraintes.

Sur les congés, la protection et la lutte contre le sexisme, il n'y avait pas de débat. Le congé exceptionnel d'un salarié en cas de décès d'un enfant sera porté de deux à cinq jours. Celui pour la mort des parents et beaux-parents, d'un frère ou d'une sœur, passera d'un à deux jours.

Sur les accords "offensifs", en revanche, l’application de la loi va être compliquée. Les entreprises pourront ajuster leur organisation pour "préserver ou développer l'emploi". L'accord majoritaire signé primera sur le contrat, y compris en matière de rémunération et durée du travail. La rémunération mensuelle du salarié ne pourra être diminuée, mais des primes oui ! Les salariés refusant ces accords s'exposeront à un licenciement pour "motif spécifique", qui suivra la procédure d'un licenciement individuel pour motif économique, mais sans les mesures de reclassement. 

Le cas des PME-PMI qui n‘ont pas de représentants syndicaux va être difficile à traiter. Les branches pourront négocier des accords-types applicables unilatéralement par les employeurs d'entreprises de moins de 50 salariés. Mais les employeurs pourront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat sur tout sujet pouvant faire l'objet d'un accord. Ça va être sportif. 

Le Compte Personnel d'Activité aurait dû représenter un vrai progrès pour les salariés. Aurait dû, parce que dans la réalité, le bénéfice sera mince. 

Le CPA regroupera, à partir de 2017, le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité (C3P) et un nouveau "compte d'engagement citoyen". Pour les jeunes qui n’ont pas d’emploi et qui ne sont pas en formation, la loi va généraliser dès 2017 le "droit" à une allocation mensuelle de 461 euros, pendant un an.

Bref ça se résume à ce qui est apparu comme une simple mesure pour calmer les "Nuit Debout" ou plus largement un cadeau électoral en direction des jeunes pour qu’ils votent bien en 2017. 

Ça ne suffira pas à transformer la loi Travail en une vraie et grande reforme de modernisation de la vie au travail. Une maquette à partir de laquelle on pourrait travailler, tout au plus.

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