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La guerre monétaire a remplacé la guerre froide.
La guerre monétaire a remplacé la guerre froide.
©Reuters

C'est l'heure de changer la monnaie

Par ces temps de crise, les pays sous-évaluent leur monnaie pour rendre les produits nationaux plus attractifs sur les marchés internationaux. Les marchés sont un jeu à somme nulle, d'autres monnaies, mécaniquement, s'apprécient, dont l'euro.

Isabelle  Mouilleseaux

Isabelle Mouilleseaux

Isabelle Mouilleseaux est directrice de publications chez Publications Agora.

Elle a notamment co-écrit Le déclin du Dollar : une aubaine pour vos investissements ? (Valor, 2008).

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Aujourd’hui la guerre monétaire a remplacé la guerre froide - et son terrain est planétaire. La valeur de la monnaie a remplacé l’artillerie lourde et l’arsenal anti-missile est déployé par les banques centrales. Bienvenue dans la guerre des monnaies... Mais qu'est-ce exactement ?

  • C’est l’art de tirer à soi la couverture pour sauver sa peau aux dépens des autres

Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne, Suisse, s’affrontent en dévaluant honteusement leur monnaie-papier à force de baisse de taux, à coups de planche à billets ou d’interventions massives sur le marché des changes.  Les bilans des banques centrales s’envolent dangereusement ? Peu importe les dégâts. Seul l’objectif compte : gagner en compétitivité-prix en rendant les produits nationaux plus attractifs et moins chers sur les marchés internationaux. Comment en est-on arrivé là ? Dans la plupart des pays industrialisés, la consommation intérieure fait l’essentiel de la croissance (deux tiers du PIB). Mais celle-ci vacille et ne suffit plus à assurer un minimum de croissance à même de résorber le chômage. Il faut donc chercher la croissance ailleurs. Bien entendu, tous ces pays ont la même idée au même moment. Allons donc capter la demande sur lesmarchés extérieurs en gagnant des parts de marché "volées à l’arrachée" à nos concurrents. En plus, nous ferons d’une pierre deux coups : la dévalorisation de notre monnaie renchérira automatiquement le coût de nos importations. Ce qui favorisera nos produits locaux au détriment des produits étrangers sur notre marché national. Parfait pour lutter contre le chômage. Et en prime, cela rééquilibrera notre balance commerciale et la balance des paiements. Que du bonheur !

Sauf que les pays concurrents ne se laissent pas faire. A leur tour, ils font entrer leur monnaie dans le jeu de la dévaluation compétitive, exacerbant le mouvement de dépréciation généralisée des monnaies. La Chine, Hong Kong, la Corée, la Malaisie et même le Brésil manipulent eux aussi leur monnaie. Ce sont des pays dont la croissance repose sur les exportations. Maintenir leur monnaie sous-évaluée par rapport aux autres est vital. Nous assistons à une véritable course à la dépréciation des devises. Ce que l’on ne vous dit pas, c’est que le commerce international est un camembert fini, non extensible. Si chaque pays cherche à accroître sa part au détriment des autres avec les mêmes armes et en même temps, ce jeu peut devenir un véritable engrenage et aller très loin. A titre d’exemple : dans les années 1930, il a fini par déboucher sur l’émergence du protectionnisme, l’effondrement du commerce international et la dépression des économies. Autant éviter.

Les marchés sont un jeu à somme nulle. Si certaines grandes monnaies se déprécient, d’autres, mécaniquement, s’apprécient. La plus grande victime collatérale est l’euro, la BCE refusant de déployer son arsenal anti-missiles. Elle ne peut dégainer l’arme monétaire non conventionnelle (ou de change) à coups de centaines de milliards d’injections de cash comme le font la Fed, la Bank of Japan, la Bank of England. Autres victimes collatérales : les monnaies des pays matières premières comme la couronne norvégienne, le dollar canadien ou australien et le réal brésilien dont les monnaies grimpent mécaniquement.

  • La guerre des monnaies est aussi le reflet de l’incapacité des politiques à gérer leurs finances

Quoi de plus inconfortable pour un politique dont le pays est embourbé dans la dette, que d’exiger de ses électeurs qu’ils se serrent la ceinture ? Quoi de plus embarrassant pour un politique que de leur refuser "les petits cadeaux qui vont bien", financés jusqu’ici à coups d’endettement. Ces petits cadeaux qui achètent la paix sociale. Le social-clientélisme est inhérent à la démocratie. Seul un politique à la stature d’homme d’Etat peut y résister ; celui qui fait passer les intérêts long terme de la nation avant ceux de ses électeurs ; un homme capable de faire le "sale boulot" pour redresser son pays embourbé dans la dette et dont la compétitivité se meurt. Il faut être brave, vaillant, hardi, audacieux, infiniment courageux. Il est si "politiquement hasardeux" de faire des réformes structurelles, celles qui font bouger les lignes et remettent en cause les acquis. Il est si "politiquement périlleux" de couper les dépenses qu’on ne peut plus se permettre faute de financement. Il est tellement plus commode de dévaluer sa monnaie pour chercher la croissance à l’extérieur en pillant "sans efforts" des parts de marché aux autres.

Malheureusement, cette solution du moindre effort fait planer sur la planète économie une menace bien plus grande encore. Celle de l’engrenage dans la guerre des monnaies. A ce stade, les scénarios s’assombrissent. Je vous en fais grâce pour aujourd’hui. Retenez simplement que si les politiques avaient su gérer leur pays, les finances et leur niveau d’endettement, nous n’en serions probablement pas là. Nous ne croulerions pas sous les dettes. La guerre des monnaies ne serait qu’un abstrait cauchemar. Les gouvernements n’auraient pas à couper soudainement dans les dépenses ni à vous taxer de tous côtés. Et vous n’auriez pas à craindre pour votre retraite future, ni pour votre patrimoine.  Ce n’est pas le cas... et puisque l’Etat n’a pas été prévoyant, à vous de l’être.

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