La gauche est-elle de taille à résister à l’entrisme trotskiste (y compris si Jean-Luc Mélenchon n’était pas premier ministre) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon et des membres de La France Insoumise lors d'un discours après les élections européennes.
Jean-Luc Mélenchon et des membres de La France Insoumise lors d'un discours après les élections européennes.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Volaille socialiste

François Mitterrand avait étouffé la menace communiste en s’y alliant. Le PS actuel en est-il capable…?

Gaël Brustier

Gaël Brustier

Gaël Brustier est chercheur en sciences humaines (sociologie, science politique, histoire).

Avec son camarade Jean-Philippe Huelin, il s’emploie à saisir et à décrire les transformations politiques actuelles. Tous deux développent depuis plusieurs années des outils conceptuels (gramsciens) qui leur permettent d’analyser le phénomène de droitisation, aujourd’hui majeur en Europe et en France.

Ils sont les auteurs de Recherche le peuple désespérément (Bourrin, 2010) et ont publié Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011).

Gaël Brustier vient de publier Le désordre idéologique, aux Editions du Cerf (2017).

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Atlantico : Les principales forces de gauche, du PS à LFI en passant par le PCF et Les Écologistes ont acté leur alliance de principe pour les législatives anticipées au sein du « Nouveau Front populaire ». Les négociations pour les circonscriptions ont été rudes et marquées par des soupçons de manipulation, notamment du côté des Insoumis rompus aux stratégies trotskistes. À quel point la France Insoumise est-elle imprégnée d’une idéologie trotskiste et notamment lambertiste ?

Gaël Brustier : Une partie des thèmes récurrents et des intérêts communs au sein de La France insoumise sont d’inspiration lambertiste. Cela explique la scission des trotskistes. Il y a notamment des mouvements très actifs comme le Parti des travailleurs (PT), nommé Parti ouvrier indépendant démocratique (POID) jusqu'en 2023, qui a été fondé après la scission avec le Parti ouvrier indépendant (POI). Les militants de gauche sont divisés par rapport à leur soutien à Jean-Luc Mélenchon et au trotskisme. Aujourd’hui, le trotskisme en France est mort. Le trotskisme symbolisait des attitudes devant l'histoire et devant la politique. Le trotskisme est une idéologie qui a durablement marqué l’histoire de la gauche. Au-delà des lambertistes, il y a notamment les pablistes. Pablo, Michalis Raptis, marié à Hélène de Grèce, fille de la famille royale de Grèce, a fourni beaucoup d’argent au mouvement internationaliste. Il y avait beaucoup d’autres chapelles comme la LCR. David Assouline ou Jean-Luc Mélenchon ont été formés à travers ces courants trotskistes. 

Le problème était celui du lambertisme dans les solutions radicales proposées par Jean-Luc de Mélenchon, qui est bien originaire du lambertisme comme Alexis Corbière. 

Il faut garder à l’esprit que ce n‘est pas parce que l'on a été à un moment donné lambertiste que l'on reste toujours lambertiste. 

La France insoumise a fait élire un député en Seine-Saint-Denis qui est lambertiste. En observant les forces de gauche, au sein de La France insoumise, il y a entre une demi-douzaine et une douzaine de cadres actuellement sur les 71 députés qui sont liés au lambertisme.

Qu’en est-il des autres partis de la coalition, notamment le PS ou le PCF ? Comment l’idéologie trotskiste influence-t-elle encore les figures de la gauche actuelle même si elle est ultra minoritaire dans l’opinion ? Avec quels objectifs ?

Au Parti communiste, Christian Picquet, l’un des hommes les plus intelligents à gauche, est un trotskiste dans sa méthode et à travers son idéologie assez enracinée. Chez les socialistes, le recrutement ne se fait plus à travers les trotskistes. L'image compte beaucoup. Le poids local compte énormément. A partir des années 1980, l’entrisme trotskiste au sein du Parti socialiste a diminué. Il n’y a pas vraiment de cadre dominant au PS qui soit engagé dans l'entrisme trotskiste. 

Chez les Verts ou chez LFI, il y a un autre groupe trotskiste, dont Clémentine Autain fait partie, qui est assez démocrate, intellectuel et qui vise pas à prendre le pouvoir par la force. Ses membres sont des personnalités très stables. Il vaut mieux avoir des trotskistes comme eux que des trotskistes lambertistes.

La gauche « classique » est-elle de taille à résister à cet entrisme trotskiste (y compris si Jean-Luc Mélenchon n’était pas premier ministre) ?

Il n'y a plus de gauche. Il n'y a plus vraiment de trotskistes. Le problème réel de la gauche serait de régler enfin les principaux problèmes régaliens pour le pays. Il n’est pas sûr que la gauche soit en mesure d’y répondre et de mener cela à bien. Concernant les trotskistes, leur empreinte était bien visible au sein de la gauche jusque dans les années 1980, c'était encore valable. Beaucoup de personnalités étaient d’anciens trotskistes. Beaucoup se cachent et ne le disent pas. 

En revanche, la violence de l’extrême gauche est l’expression du courant lambertiste. Sa violence intrinsèque s'est manifestée. Elle est incarnée dans les mots par Jean-Luc Mélenchon. Cette question fondamentale et ce cas de conscience doit se poser à gauche vis-à-vis de cette violence du courant lambertiste. La gauche a peur de se confronter à cette réalité. 

Le PS peut-il étouffer cette menace grâce au Nouveau Front Populaire, comme l’avait fait François Mitterrand en s’alliant avec les communistes ?

Le Parti socialiste n'est pas vraiment un parti. Le PS est devenu une coordination d'élus. Ils ne vont pas être en mesure d’étouffer LFI au sein du Nouveau Front populaire. Olivier Faure n’aura pas la même attitude vis-à-vis des mélenchonistes par rapport au rôle de François Mitterrand concernant Georges Marchais et le Parti communiste. Ce sont deux univers radicalement différents. Nous contemplons actuellement la queue de comète du trotskisme français. A l'époque de François Mitterrand et Georges Marchais, le Parti communiste français était au firmament avec  23 - 24 % des suffrages. La situation a drastiquement évolué. 

Le Nouveau Front populaire est un jeu de dupes où chacun est en train d'essayer de duper l'autre. A la fin, tout le monde sera perdant. 

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