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La France des caïds : l’inquiétante porosité du grand banditisme
©BERTRAND LANGLOIS / AFP

Bonnes feuilles

Gérald Pandelon publie "La France des caïds" aux éditions Max Milo. Dans ce récit palpitant, l'auteur met en évidence la toute-puissance des grands bandits sur les milieux économiques, sociaux et politiques en France. Pour la première fois, un avocat nous raconte de l'intérieur la face cachée du crime. Extrait 2/2.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Décrire la France des caïds, c’est évoquer une pieuvre aux tentacules infinies. Le grand banditisme est poreux. Insidieux. Osons le néologisme : insinueux. Il s’insinue partout. Il ne se limite ni aux braquages, ni au narcobanditisme, ni à l’extorsion, ni au business de la mort. Il est souvent multicartes. Certes, les cités recèlent nombre de trafics d’importance, mais ceux-ci s’étendent bien au-delà des zones dites « de non-droit » ou, ce qui revient au même, « de reconquête républicaine ». L’argent sale fait vivre des pans entiers de la société. Les narcotraficants se substituent à l’Etat pour soutenir, non sans arrière-pensées, familles démunies et petits commerçants croulant sous les dettes. Néanmoins, l’argent sert aussi à s’assurer les bonnes grâces des politiques en finançant leurs campagnes, contre de petits ou grands avantages ; de plus, il permet aux entrepreneurs de contracter des prêts en dépit de la sévérité des banques ; et il offre l’occasion à certaines professions libérales de ruser avec l’Etat. 

Le blanchiment de la manne stupéfiante peut aussi bien financer le train de vie des grands truands, la survie d’une « sœur » dans une impasse, le nouveau yacht d’un chirurgien capillaire, des embryons de terrorisme ou les ambitions d’un parti politique susceptible de se montrer reconnaissant à moyen terme. En d’autres termes, il n’y a pas, d’un côté, les voyous patentés, oeuvrant dans les cités tout en risquant de violentes incursions hors de leur territoire, et, de l’autre, de bonnes gens irréprochables. 

Le grand banditisme est spongieux. Il efface les frontières. Il aspire les franges. C’est sa force. Tout le monde grignote son gâteau empoisonné, du manant au grand commis de l’Etat, de la maman célib de cité (ou d’ailleurs) avec quatre enfants à charge au patron de PME cherchant du cash pour baisser ses charges. Chacun trouve son intérêt dans ces crimes et délits ; et, pour le dire rondement, tout se passe comme si l’ensemble des Français vivaient, directement ou indirectement, au crochet des caïds. 

Aussi peut-on se demander si la notion même de « caïd », chargée de représentations comme elle est, a encore un sens. Le caïd, c’est bien sûr l’individu qui s’adonne à tout type de trafics. Le grand voyou qui gère un point de deal et monte à l’occasion au braquo tout en s’occupant de blanchir l’argent ainsi récolté. Cependant, c’est aussi ce même personnage, adulé des hautes sphères de l’Etat, qui est soupçonné de tremper dans des trafics d’une gravité insondable. A plus d’un titre, le caïd est insaisissable. 

Logique que, en conséquence, la France des caïds efface les frontières. Les absorbe. Détrousse l’idée que les citoyens se peuvent faire de la justice. Cette France-là, notre France malgré qu’on en ait, vit dans un autre monde. Un monde où les grands voyous tutoient les représentants de la République quand ils ne sont pas les meilleurs amis de hauts fonctionnaires de la police. 

A lire aussi : Retour de l’Etat de droit : la difficile et délicate mission de la lutte contre le narcobanditisme

Extrait du livre de Gérald Pandelon, "La France des caïds", aux éditions Max Milo

Lien vers la boutique : ICI et ICI

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