La France a longtemps été protégée de l’épidémie mondiale d’obésité. Ça n’est plus le cas<!-- --> | Atlantico.fr
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Le taux d'obésité en France suscite des inquiétudes sur le plan de la santé publique.
Le taux d'obésité en France suscite des inquiétudes sur le plan de la santé publique.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Santé publique

Le taux d'obésité en France est encore inférieur à celui des États-Unis, du Mexique ou de la Grande-Bretagne. Mais la tendance suscite des inquiétudes en France sur le plan de la santé publique, notamment pour le diabète.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Dans quelle mesure l'obésité est-elle un problème en France ?

Antoine Flahault : Seule ce que l’on définit comme l’obésité morbide représente un problème de santé publique, c’est-à-dire celle pour laquelle l’index de masse corporelle (IMC) dépasse la valeur de 35 kg/m2 (formule divisant le poids par la taille au carré). Il y a de nombreuses publications scientifiques qui montrent en effet ce qu’on appelle aujourd’hui le « paradoxe de l’obésité ». Le surpoids (IMC entre 25 et 30) et même l’obésité modérée (IMC inférieur à 35) sont associés à une espérance de vie respectivement meilleure ou équivalente à celle des personnes dites de poids normal. Les véritables problèmes de santé publique concernent donc d’abord les 5% de Français trop maigres, c'est-à-dire celles ayant un poids inférieur à la normale (IMC < 18,5) et ensuite les 5% ayant une obésité morbide (IMC > 35). 

Comment expliquer cette recrudescence ?

Le surpoids (25 < IMC < 30) concerne 30% de la population française et n’augmente pas beaucoup depuis le début des années 2000. L’obésité modérée (30 < IMC < 35), avec 10% des Français et l’obésité morbide (IMC > 35) qui concerne 5% des Français, ont un peu augmenté ces dernières années. La recrudescence de l’obésité en France concerne essentiellement les classes sociales défavorisées, chez qui les produits de l’industrie agroalimentaire de faible qualité diététique sont meilleur marché et mieux promus que les produits frais, les fruits et les légumes. La consommation d’alcool accentue le phénomène. Les habitudes alimentaires des jeunes issus des milieux défavorisés se dégradent, avec moins de repas pris à table, en famille et davantage de grignotage de produits de faible valeur diététique. La tradition culinaire française, si elle n’est pas exempte de défauts sur le plan diététique (la cuisine française étant assez grasse, salée et sucrée), en revanche avec trois repas par jour et un « jeûne » culturellement prescrit entre les repas, ne favorise pas la prise excessive de poids et devrait être mieux promue.

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Par rapport à d'autres pays, le phénomène est-il plus important ?

Au contraire, la France a longtemps été assez épargnée par une tendance assez globale affectant les pays occidentaux et les États du Pacifique et conduisant à une augmentation générale du surpoids et de l’obésité. L’obésité (modérée et morbide) affecte 17% des Français aujourd’hui, 44% des nord-américains, 32% des Mexicains, 23% des Britanniques. On a évoqué les inégalités sociales devant l’obésité. Elle est en effet deux fois plus fréquente chez les ouvriers et les employés que chez les cadres supérieurs en France. Il y a aussi des disparités géographiques, les départements et territoires d’outre-mer étant plus affectés que ceux de la métropole, la Polynésie française (40%), Wallis et Futuna (60%) étant les plus atteints par le phénomène.

Les pouvoirs publics ont-ils pris conscience du problème ?

Déjà il faudrait se mettre d’accord sur ce qui pose problème et pourquoi. Si l’on explique que sur le plan médical, ce qui obère l’espérance de vie c’est surtout la maigreur (le sous-poids, IMC < 18,5) et l’obésité morbide, alors il n’y a pas de raison médicale de chercher à lutter contre le surpoids et même l’obésité modérée. Il faudrait plutôt, au contraire lutter contre la discrimination vis-à-vis du surpoids et de l’obésité. Des études montrent que cette discrimination, ce véritable « racisme » anti-gros, encore appelée « grossophobie » est présente à tous les étages de la société française, et plus largement des sociétés occidentales. On n’aime pas les gros au travail, où ils trouvent moins facilement un emploi, et notamment certains emplois où ce critère est clairement discriminant. Les personnes obèses sont moins bien soignées et prises en charge par les médecins et les infirmières, alors que le surpoids est un facteur de risque de diabète et d’hypertension artérielle et nécessite justement une bonne prise en charge. La discrimination des personnes obèses dans les transports publics souvent mal adaptés à leur morphologie, les salles de spectacle, et d’autres très nombreuses situations de la vie, y compris chez les enfants, à l’école notamment, posent un réel problème, souvent beaucoup plus important que le problème de santé publique. C’est au moins autant l’apologie de la minceur, outre le caractère détestable que ce calibrage morphologique que nos sociétés modernes (car ce n’était pas le cas au temps de Renoir) voudrait nous imposer, qui pose un vrai problème de santé publique. Celui de l’anorexie que cette apologie de la maigreur favorise, notamment auprès des jeunes femmes, plus fréquemment atteintes de l’une des plus sévères maladies psychiatriques, puisqu’elle est l’une de celle qui tue le plus en France aujourd’hui. Il convient donc de ne pas se tromper de combat. Il faut mieux lutter contre la discrimination contre les personnes obèses, prévenir le passage à l’obésité morbide en particulier en s’attachant à rendre plus accessibles et abordables les produits aux meilleures valeurs diététiques, les véritables repas pris à table en famille, l’activité physique régulière. Il faut aussi prendre en charge et traiter les personnes atteintes d’obésité morbide, et lutter efficacement contre l’anorexie mentale.

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