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Le président du conseil d'administration de la FED, Jerome Powell, prononce un discours lors d'une conférence de presse en novembre 2022, à Washington.
Le président du conseil d'administration de la FED, Jerome Powell, prononce un discours lors d'une conférence de presse en novembre 2022, à Washington.
© CHIP SOMODEVILLA / Getty Images via AFP

Effets secondaires de la mondialisation

Des économistes américains ont mesuré l’impact qu’ont sur leurs partenaires commerciaux les resserrements monétaires décidés aux États-Unis.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Des économistes américains ont mesuré l’impact de la hausse récente des taux de la Federal Reserve sur leurs partenaires commerciaux. Quelles sont les informations importantes qui en ressortent ?

Michel Ruimy : Les effets des taux d’intérêt sur certaines grandeurs économiques, comme l’inflation, la croissance économique… sont fréquemment abordés dans les études réalisées par les économistes. Les liaisons entre ces différents indicateurs sont relativement robustes. Toutefois, les modèles macroéconomiques standards développés se concentrent, en général, sur les impacts au sein d’une économie.

Or, la participation à la mondialisation tend à accroître l’interdépendance des économies et leur interconnexion. Les perturbations économiques ne se limitent pas au pays d’où elles émanent.

C’est l’objet d’un récent document de travail produit par Paul Ho, Pierre-Daniel Sarte et Felipe Schwartzman, économistes à la Federal Reserve de Richmond. Ils y montrent que des « effets de réseau » du commerce peuvent expliquer, pour une grande part, les fluctuations de l’inflation et celles de la croissance économique entre un ou plusieurs pays, même si le commerce extérieur ne représente qu’une infime partie de leur économie.

Quelles conclusions peut-on en tirer ? Quels sont les impacts des resserrements monétaires sur la zone euro et plus particulièrement sur la France ?

Cette étude montre que les perturbations / chocs économiques touchant un pays / région se propagent à d’autres zones géographiques par l’intermédiaire des relations commerciales. Elles se diffusent, comme un phénomène d’ondes à la surface de l’eau, non seulement aux proches partenaires commerciaux mais aussi à leurs clients, qui réagissent à l’évolution de l’environnement. Dès lors, les causes des fluctuations du taux d’inflation d’un pays seraient, outre la situation économique domestique, les variations du produit intérieur brut (PIB), de la consommation… de pays tiers et des différents taux de change concernés.

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L’importance de ces impacts dépend de l’étroitesse et de l’intensité des relations commerciales ainsi que de l’insertion du pays dans le commerce mondial. Les nations, qui ont d’importants échanges commerciaux croisés, sont davantage affectées par le canal du commerce.

De plus, la mondialisation économique dans laquelle s’insèrent l’Union européenne, et plus particulièrement la France, participe à cette diffusion. L’ouverture commerciale des économies rend moins efficace la politique budgétaire. Les relances traditionnelles échouent car elles profitent de plus en plus aux importations qui, dans le cas de la France, représentent plus de 25% du PIB.

Dans ce sens, comment définir les marges de manœuvre de nos dirigeants dans de telles circonstances ?

Les effets des chocs conjoncturels sont modulés par l’aptitude relative de nos dirigeants à répondre aux variations de la demande tant externe qu’interne, en maîtrisant l’évolution des facteurs de la compétitivité...

En outre, interviennent également le degré d’ouverture des différents pays et leur situation initiale en matière de solde extérieur et de niveau de compétitivité. Ainsi, plus un taux de couverture est dégradé, plus le différentiel négatif de croissance de la demande intérieure doit être élevé pour que se résorbe le déséquilibre, sauf à effectuer des gains accélérés de compétitivité.

Ainsi, le contexte actuel réduit les marges de manœuvre des États dans la conduite de leur politique économique. L’intégration financière impose également des contraintes au plan de la politique monétaire et du change.

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Pour autant, l’existence de contraintes ne signifie ni le manque de choix, ni la paralysie de la gouvernance, qui doit s’appuyer sur des institutions internationales fortes dont la légitimité reste à reconstruire.

Selon le rapport, une augmentation de 0,25 point de pourcentage du taux des fonds fédéraux entraînerait une baisse de la production dans d’autres pays de près de 70%. Comment expliquer cette conclusion ?

Cette interrogation vise à répondre à un autre questionnement : comment le choc inflationniste en Europe causé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie a-t-il affecté l’inflation aux États-Unis ?

L’impact du conflit armé a été à l’origine des trois quarts de l’inflation observée en Union européenne (4,4%) sur la période allant du 4ème trimestre 2021 au 1er trimestre 2022. L’étude de Ho, Sarte et Schwartzman conclut que le choc inflationniste européen a contribué pour près de 50% à celui touchant les États-Unis au cours de la même période. De surcroît, ils ont constaté qu’une augmentation de 0,25% des taux directeurs de la banque centrale américaine (taux des fonds fédéraux) entraîne une diminution de la production dans d’autres pays à hauteur d’environ 70% de la réaction intérieure des États-Unis.

En fait, tout ceci tient à la place des Etats-Unis dans la mondialisation. Ils sont à l’origine, en gros, de 25% de la production mondiale, leur économie reste compétitive et ils sont leaders dans de nombreux domaines (industrie des hautes technologies, finance…). Ils sont, par ailleurs, le carrefour des échanges internationaux (premier importateur et troisième exportateur mondial) et, en ce sens, ils jouent un rôle moteur dans le processus de mondialisation i.e. d’accélération des échanges mondiaux. Ils exercent donc une influence importante sur la planète. C’est pourquoi, tout impact sur leur économie se répercute sur les autres économies avec plus ou moins d’intensité.

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