La e-cigarette, ce piège qui touche aussi les non-fumeurs<!-- --> | Atlantico.fr
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6% des jeunes de 12 - 14 ans ont testé la e-cigarette.
6% des jeunes de 12 - 14 ans ont testé la e-cigarette.
©Reuters

Il manquait plus que ça !

Connue pour ne pas contenir de tabac, pour permettre de varier les goûts et les saveurs ou encore pour aider les fumeurs de tabac à décrocher, la e-cigarette séduit. Jusqu'à attirer les adolescents qui n'avaient jamais testé la cigarette.

Gérard  Audureau

Gérard Audureau

Gérard Audureau est président de l'association DNF (les Droits des non-fumeurs) depuis 2002

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Atlantico : Selon Bertrand Dautzenberg, professeur de pneumologie et président de l'Office français du tabagisme, 6% des jeunes de 12 - 14 ans ont testé la e-cigarette. Parmi eux, 2/3 (soit 4%) n'avaient pas fumé auparavant. Ces chiffres sont-ils simplement révélateurs d'un phénomène de mode ?

Gérard Audureau Il est impossible de prédire si ce qui ressemble aujourd’hui à un phénomène de mode ne va pas finir par devenir un comportement banal. Des études menées aux USA confirment cette tendance. A la sortie des collèges, il n’est pas rare de voir "fanfaronner" quelques adolescents tirant sur leur cigarette électronique agrémentée du goût exotique d’un autre interdit, l’alcool (Pina colada, mojito, Rhum coca, sont autant d'arômes disponibles).

Cette cigarette revient moins chère, et est moins détectable par les parents que la cigarette manufacturée. Mais elle a un potentiel addictif non négligeable dû à la présence de nicotine. Un parfait produit pour ancrer un peu plus l’idée d’un produit banal mais "à la mode". Les études manquent, mais il est facile de supposer que ces enfants qui commencent à fumer avec la cigarette électronique finiront par devenir dépendants à la nicotine. C’est potentiellement une porte d’entrée vers le tabagisme classique.  

Dans quelle mesure ces expérimentations de la cigarette électronique mènent à un usage régulier de celle-ci ? Et mènent au tabagisme ?

La nicotine inhalée, majoritairement proposée désormais dans les ingrédients qui composent la cigarette électronique, ne constitue pas, en elle-même, un réel danger pour la santé mais possède un potentiel addictif d’autant plus grand qu’elle est associée à des arômes sucrés. A la différence des patchs et des gommes à mâcher, l’inhalation de la nicotine produit le fameux "hit" recherché par les fumeurs et qui participe grandement au phénomène de dépendance.

Cette dépendance physique est doublée d’une attirance gustative et comportementale induite par la présence d’arômes et par la simulation parfaite de l’acte de fumer. Il est donc raisonnable de craindre le passage de l’e-cigarette à la cigarette en raison de la recherche de sensations de plus en plus fortes, signe de la dépendance.

Quels sont les travers et les dangers pour les non-fumeurs de tester la e-cigarette ?

La nicotine est un poison violent qui est toxique par ingestion ou par voie transcutanée. Une dose bien tolérée par un fumeur régulier peut s’avérer fatale pour un jeune enfant. On ne doit pas laisser les flacons d’e-liquide à leur portée. Il faut éviter le contact avec la peau ou les yeux, il convient de se laver les mains après avoir rempli la cartouche et de tenir la cigarette horizontalement pour éviter des brûlures de la langue si la cartouche se déverse malencontreusement.

Depuis plus d’un siècle et dans l’inconscient collectif, le marketing des multinationales a réussi à associer la consommation d’alcool et de tabac au symbole de l’émancipation jusqu’à en faire les éléments essentiels du  rite de passage à l’âge adulte. La volonté acharnée de proposer des arômes d’e-cigarettes qui allient les symboles mêmes du franchissement de l’interdit pour un adolescent relève de cette même stratégie et confirme l’objectif inavoué de convertir les plus jeunes à l’e-fumage.

Quel impact peut avoir la e-cigarette sur les anciens fumeurs ? En quoi est-ce grave de tomber dans la cigarette électronique quand on n'est plus fumeur puisqu'elle ne contient pas de tabac ?

Le sevrage tabagique est une épreuve extrêmement difficile qui n’est réellement réussie qu’après une dizaine d’années de lutte acharnée contre la dépendance. Toute personne passée récemment par ces épreuves sera tentée de recourir à la cigarette électronique si ses fabricants persistent à la présenter comme un produit inoffensif produisant des plaisirs comparables à ce que l’on pouvait, confusément éprouver avec la cigarette mais qui, pour une bonne part, n’était qu’un soulagement après une période de manque.

L’e-cigarette entre cependant dans le cadre de la réduction des risques. Beaucoup considèrent qu’elle est un moindre mal, voire une avancée ou un tournant dans l’histoire du tabagisme. Nombreux tabacologues ou addictologues de renom, ne nient pas les incertitudes qui existent et le défaut d’encadrement de ce produit, mais estiment que son intérêt ne doit pas être minimisé face à la pandémie mondiale que constitue le tabagisme. DNF partage cet analyse mais met en garde contre la volonté mercantile de diffuser ces produits en omettant de considérer que leur commercialisation ne doit pas constituer une promotion pour l’acte de fumer et que leur consommation doit respecter le droit légitime à ne pas être importuné par une pratique polluante et incommodante dans les lieux où il est interdit de fumer.

Propos recueillis par Marianne Murat

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