La droite fait-elle plus de bruit qu'un véritable travail d'opposition ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'UMP prend la défense de Nicolas Sarkozy.
L'UMP prend la défense de Nicolas Sarkozy.
©Reuters

Faire feu de tout bois

S'ils peinent à se faire entendre sur les questions économiques, les responsables de l'UMP ont su lever le ton pour défendre Nicolas Sarkozy ces derniers jours. Cette stratégie bruyante peut-elle remplacer un vrai travail d'opposition ?

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Ces derniers jours, les responsables de l'UMP se sont fait plus entendre que jamais... pour commenter la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Cette approche peut-elle faire office de travail d'opposition ou l'UMP est-elle condamnée à ne guère faire autre chose que du bruit médiatique ?

David Valence :Les élus de droite "sentent", sur le terrain, qu'une importante frange de leur électorat a vraiment envie d'en découdre. C'était perceptible dans les sondages dès le lendemain du 7 mai 2012 et de l'élection de François Hollande : jamais les électeurs de droite ne se sont démobilisés ni n'ont ployé l'échine sous le coup de la défaite. Beaucoup considèrent que François Hollande doit sa victoire à une forme d'acharnement médiatique contre Nicolas Sarkozy, et qu'il n'a pas "vraiment" gagné l'élection sur le fond. La popularité exceptionnellement basse de François Hollande, dès le début de son mandat, tient à ce qu'il n'a presque jamais bénéficié de "renforts" bienveillants du côté de la droite. 

La grande majorité des électeurs de droite aimeraient "rejouer le match" tout de suite. Ils appellent de leurs voeux une dissolution et sont vraiment en rupture avec le pouvoir actuel. Ils ne sont pas du tout dans le même état d'esprit que l'électorat de Giscard après la défaite de 1981, ou de Chirac après celle de 1988. Sur le terrain, les électeurs de droite interpellent leurs élus et les cadres de la droite, et les poussent à "cogner" dur sur le gouvernement, et la gauche en général. Pour ne pas les décevoir, l'UMP a choisi de les suivre sur la voie d'une certaine radicalité dans la critique, d'une certaine véhémence dans le ton. De peur sans doute de voir cet électorat grignoté peu à peu par le Front national... 

Au delà que quelques éclats médiatiques, quelle est la ligne d'opposition de l'UMP à l'heure actuelle ?  La droite manque-t-elle d'idées et de leadership ? 

Chacun sent bien, confusément, que le "fond de l'air" est à droite dans la France d'aujourd'hui. Les Français sont inquiets de l'affaiblissement de leur pays dans le monde et ont le sentiment, en partie fantasmé, d'être menacés dans leur identité par la mondialisation. Par ailleurs, la nécessité d'une réduction drastique de la dépense publique est reconnue par beaucoup, cependant que tous les économistes s'accordent sur un diagnostic au point : la France a un problème de compétitivité. 

Notre pays semble avoir besoin d'une politique rigoureuse, libérale et peut-être plus explicitement "nationale", ou plutôt patriotique, que par le passé. La gauche est mal à l'aise dans ce cadre-là, elle est mal armée pour répondre aux demandes de Bruxelles et aux aspirations des Français en même temps, pour articuler les unes et les autres dans une politique cohérente. 

La synthèse élaborée autour de Nicolas Sarkozy à partir de son accession à la présidence de l'UMP, en novembre 2004, semble au contraire adaptée à ce contexte. Le seul problème est de tenir cette ligne tout en n'effrayant pas les modérés, que Nicolas Sarkozy a perdu à force de radicalisation du verbe (et non du projet) en 2012. En ce sens, l'existence d'une UDI indépendante, mais alliée, est plutôt une bonne chose pour l'UMP. 

Quant au défaut de leader, c'est un problème qui est lié à ce contexte, et au sentiment qu'ont les électeurs de droite de s'être fait "voler la victoire". La synthèse sarkozyste de libéralisme et d'autorité pourrait sans doute rassembler une majorité de Français, mais la personnalité de Nicolas Sarkozy a été rejetée en mai 2012. Comment faire du sarkozysme sans Sarkozy, et sans effrayer les modérés? Celui qui trouvera la martingale s'imposera à droite, pour 2017.

Comment peut-on expliquer ces difficultés ? 

Il est difficile et même impossible à la droite de faire le bilan critique des années Sarkozy. D'autre part, la droite souffre, comme on l'a vu lors de l'élection législative partielle de dimanche dernier dans l'Oise, d'un vieillissement de ses élites. Beaucoup de parlementaires UMP d'aujourd'hui ont été élus pour la première fois en 1993, il y a près de 20 ans. Or, les citoyens manifestent une vraie lassitude vis-à-vis du cumul des mandats dans le temps, ils expriment une demande très forte de renouvellement des méthodes et du fonctionnement de la vie politique. 

Le défi qui est posé aujourd'hui à l'UMP est moins programmatique que stratégique, et générationnel : comment empêcher la franche la plus "remontée" des électeurs de droite de glisser au Front national, tout en séduisant à nouveau les modérés qui ont fait défaut à Nicolas Sarkozy le 7 mai 2012? Comment renouveler les élites politiques, en commençant par les élites locales, de droite à la faveur des élections de 2014 et 2015? C'est au prix de ce renouvellement seulement que la droite pourra peut-être gagner les présidentielles et les législatives de 2017. 

Le risque n'est-il pas de tomber dans le même piège que le PS lorsque celui-ci était dans l'opposition ? 

Le PS a fini par gagner ! Mais il a gagné sans savoir vraiment ce qu'il pensait sur les grandes questions qui sont posées aujourd'hui à la France : quel place pour notre pays en Europe et dans le monde? Quel modèle de développement économique? Faut-il préférer la mobilité sociale à l'égalité réelle? 

La droite doit se mettre vraiment au clair, UMP et UDI, sur ces questions. Mais elle est mieux armée que la gauche pour le faire car le "fond de l'air" (électorat, contexte international et européen) est à droite aujourd'hui, comme jamais auparavant en France. 

Comment la critique systématique peut-elle laisser place à une véritable force de propositions, une opposition constructive ?

Ce sont aux jeunes personnalités de la droite parlementaire -les NKM, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire ou Laurent Wauquiez- de penser le nouveau visage de la synthèse sarkozyste entre liberté et autorité, en lui donnant un visage moins crispé, moins agressif, mais tout aussi déterminé. Cela passe par une vraie réflexion sur l'éducation, la solidarité intergénérationnelle et la famille, notamment. Surtout, la droite doit réfléchir aux choix économiques qu'elle ferait si elle revenait plus vite que prévu aux affaires : serait-elle fidèle au Sarkozy dépensier de 2007, au Sarkozy keynésien et habile de 2008, ou au Sarkozy rigoureux et monétariste de 2011-2012? Là est la question !

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