La crainte des vaccins : la vraie menace sanitaire<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Une femme reçoit une dose du vaccin Pfizer-BioNtech Covid-19 dans un centre de vaccination, à Garlan, dans l'ouest de la France, le 31 mai 2021.
Une femme reçoit une dose du vaccin Pfizer-BioNtech Covid-19 dans un centre de vaccination, à Garlan, dans l'ouest de la France, le 31 mai 2021.
©Fred TANNEAU / AFP

Bonnes feuilles

Raphaël Chevrier publie « Qu’en dit la science ? Vaccins, 5G, PMA, numérique, génome... pour y voir enfin clair ! » aux éditions Buchet Chastel. Raphaël Chevrier nous donne les arguments afin de peser le pour et le contre sur les grands sujets d'aujourd'hui. 5G, modifications génétiques, fin de vie, intelligence artificielle... grâce à son éclairage scientifique tout devient clair. Extrait 1/2.

Raphaël Chevrier

Raphaël Chevrier

Raphaël Chevrier est docteur en physique et également chroniqueur pour la presse scientifique. Après Ça alors ! (La Librairie Vuibert, 2018), et Comment avoir un avis sans raconter n'importe quoi ?, il a publié Qu’en dit la science ? Vaccins, 5G, PMA, numérique, génome... pour y voir enfin clair ! aux éditions Buchet Chastel.

Voir la bio »

Le 9 mars 2016, la justice rend un non-lieu dans l’enquête sur les vaccins contre l’hépatite B, concluant à l’absence de « causalité certaine » entre cette vaccination et l’apparition de certaines pathologies, notamment neurologiques. Cette décision marque la fin de plus de dix-sept années de rebondissements. En 2002, un premier rapport accuse les pouvoirs publics d’avoir vanté plus que de raison les avantages du vaccin. Un avis contredit par une seconde expertise en 2006, dans laquelle les experts se montrent simplement réservés sur la nécessité de vacciner « les jeunes et des adultes ne présentant pas a priori de facteur de risque ».

En 2010, plusieurs cas de narcolepsie sont signalés en Finlande et en Suède chez des personnes s’étant prémunies contre la grippe H1N1 grâce au vaccin Pandemrix. Confirmée par plusieurs études scientifiques, cette augmentation du risque de narcolepsie chez l’enfant et le jeune adulte est rapidement prise en compte par les autorités de santé européennes, qui engagent une réévaluation du bénéfice/risque du vaccin en question.

Ces deux exemples ont le mérite de rappeler que chaque vaccin est unique et doit être évalué comme tel. L’ennui, c’est que chaque fait divers vaccinal est susceptible de remettre en cause l’efficacité du principe même de la vaccination, qui ne fait pourtant aucun débat. Tétanisées à l’idée d’alimenter la défiance à l’égard des vaccins, les autorités sanitaires ont tendance à adopter une position défensive devant les effets indésirables potentiels d’un vaccin, qui sont pourtant l’apanage de tout nouveau médicament.

Or, ce manque de transparence n’a d’autre effet que d’alimenter toujours un peu plus la défiance du grand public, qui peut, sans information claire, surestimer à son tour les risques induits par la vaccination. « Les autorités communiquent sur un plan, celui du bénéfice collectif, qui n’est pas celui des parents, qui s’intéressent au bénéfice individuel pour leur enfant », estime, dans Le Monde, Anne Chailleul, vice-présidente de Formindep, une association destinée à « favoriser une formation et une information médicales indépendantes » et régulièrement en guerre contre les conflits d’intérêts. « De surcroît, faire aussi bruyamment appel au sens du devoir donne à la vaccination une tonalité bizarrement sacrificielle. »

La myofasciite à macrophage est loin d’être le seul mal dont les vaccins seraient responsables, selon certains mouvements ouvertement hostiles à ce principe de précaution médicale. La vaccination reste la cible idéale pour quiconque cherche à expliquer l’apparition –  y compris des années après l’injection – d’une maladie dont on connaît mal l’origine. Autisme, maladies inflammatoires, lésions au cerveau, sclérose en plaques, asthme ou allergies, syndrome de la mort subite du nourrisson, cancer, diabète, paralysie faciale : il est très tentant de faire de l’injection d’une substance étrangère le bouc émissaire de maux en tous genres…

À ce titre, la vaccination a souvent fait l’objet de rumeurs particulièrement malhonnêtes, l’inconscient collectif étant une cible de choix pour qui veut semer le doute. On se souvient des sorties d’un Donald Trump ouvertement hostile au principe de vaccination chez les enfants, parce qu’il était persuadé qu’il existait un lien entre les vaccins et l’autisme –  une relation fermement rejetée par la science. Devant une extraordinaire recrudescence de la rougeole aux États-Unis, il a cependant changé d’avis de façon spectaculaire en avril 2019 : cette maladie, officiellement éradiquée dans le pays en 2000, a fait un retour fracassant avec sept cents malades rapportés en seulement quatre mois. Sans parler de l’apparition de la COVID-19, contre laquelle Trump, oubliant sa prévention initiale, a rapidement réclamé corps et âme la mise au point d’un vaccin, quitte à court-circuiter les mécanismes standards d’approbation d’un nouveau médicament par la Food and Drugs Administration.

Le coronavirus et les « pox parties »

On pourrait croire que la pandémie de COVID-19 a définitivement plié le débat en faveur des vaccins. Pourtant, certains résistent encore et toujours à l’injection de composés exogènes dans leur chair. Les théories les plus extravagantes circulent sur la toile : les vaccins contre le coronavirus propageraient d’autres maladies ; ils seraient utilisés pour implanter des puces électroniques dans l’organisme ; Bill Gates se servirait du continent africain pour tester un vaccin en toute impunité, des essais qui auraient déjà entraîné la mort de sept enfants sénégalais. En avril  2020, en pleine première vague du coronavirus, une vidéo affirmant qu’un vaccin anti-COVID entraînerait la mort de millions d’individus a rapidement dépassé les huit millions de vues.

Comme moyen de lutte parallèle, on a vu apparaître des « fêtes COVID », dans l’État de Washington, sur la côte ouest américaine. Elles sont destinées à mettre en contact des victimes du virus avec des personnes non infectées, dans l’espoir que ces dernières développent une forme d’immunité. Cette pratique s’inspire des pox parties, courantes dans les États-Unis des années 1950 : parce que l’on considère que le virus est moins dangereux lorsqu’il est contracté pendant l’enfance qu’à l’âge adulte (ce qui est le cas des oreillons, de la rougeole, de la rubéole ou encore de la varicelle), on réunit des enfants sains et des enfants malades. Ces pox parties sont toujours très prisées dans les cercles anti-vaccins, qui y voient une méthode 100 % naturelle d’acquérir une immunité. En avril 2019, elles ont provoqué une recrudescence des cas de rougeole dans la communauté juive de New York.

Ne pas baisser la garde

Ce manque de vigilance vaccinale vis-à-vis de maladies que l’on croit disparues est sans doute l’aspect le plus dangereux des discours anti-vaccins, dont les répercussions peuvent être fulgurantes. Au Japon, par exemple, la couverture vaccinale contre la coqueluche est tombée de 80 % à 10 % des enfants entre 1974 et 1979. Malheureusement, le nombre de malades a quant à lui bondi de 393 à 13000 cas, entraînant la mort de 41 personnes.

Alors qu’on espérait pouvoir éliminer la rougeole en France, une réapparition de la maladie a été observée depuis 2008, avec plus de 23 300 cas déclarés en sept ans, la grande majorité des malades ayant été insuffisamment (les rappels ayant été négligés), voire pas du tout vaccinée. Près de 1500 personnes ont présenté des complications pulmonaires justifiant une hospitalisation, 34 ont été victimes d’une complication neurologique et 10 sont décédées. Au premier semestre 2019, ce sont près de 90000 Européens qui ont été touchés par la recrudescence de l’épidémie, 37 n’ont pu en réchapper.

Il est d’ailleurs intéressant de constater l’écart flagrant entre la méfiance vaccinale de la population française et celles du Bangladesh ou du Rwanda, où la quasi-totalité de la population dit avoir confiance dans la sûreté et l’efficacité des vaccins. Dans ces pays où les maladies contagieuses sont plus nombreuses et ont souvent des conséquences autrement dramatiques qu’en Europe, les effets de la politique de vaccination sont concrets et immédiats.

En France, le risque de contracter une maladie, puis d’en développer des complications fatales, est limité grâce à une couverture vaccinale plus large des populations et à la prise en charge par un système de santé compétent. Paradoxalement, ne pas se faire vacciner n’apparaît plus comme un acte risqué ou irresponsable aux yeux de la population.

C’est l’effet de « laisser-aller », exacerbé par l’idée selon laquelle nous nous ferions vacciner contre des maladies qui n’existeraient plus. C’est en effet le cas de la variole éradiquée grâce aux différentes campagnes de vaccination – le dernier cas de variole contracté de manière naturelle fut diagnostiqué à Merka en Somalie, le 26 octobre 1997. Il n’y a donc plus besoin de se faire vacciner contre ce virus disparu. En revanche, le vaccin contre la diphtérie est toujours préconisé, non pas pour éliminer la maladie, mais pour en limiter les effets nocifs. La bactérie responsable de la maladie circule toujours, mais de manière silencieuse et bénigne, grâce à la vaccination.

À cette amnésie collective du rôle essentiel de la vaccination dans l’histoire de l’humanité, s’ajoute l’image désastreuse de l’industrie pharmaceutique aux yeux du grand public. Cette dernière est en effet régulièrement empêtrée dans des scandales sanitaires et accusée de privilégier ses intérêts au détriment de l’intérêt public. Enfin, la défiance à l’égard de la classe politique en général, seule à même d’imposer légalement les vaccins obligatoires, complète un cocktail explosif visant à rejeter en masse des actes médicaux qui nous veulent pourtant du bien.

La puissance du web

En mai 2020, des physiciens de l’université George-Washington, dans la capitale américaine, ont analysé plus de mille trois cents pages Facebook traitant de la question des vaccins et rassemblant quatre-vingt-cinq millions de followers. Les chercheurs ont ainsi produit une carte qui n’est pas pour rassurer les professionnels de santé.

Les pages anti-vaccins ont certes moins d’adeptes déclarés (4,2  millions) que celles pro-vaccins (6,9  millions), mais elles sont entre deux et trois fois plus nombreuses et leur nombre croît plus rapidement. De plus, elles sont bien davantage reliées à des pages intéressées par la question, mais sans avis tranché, telles que celles des associations de parents d’élèves. Des lieux de débat, des « champs de bataille », délaissés par les pages pro-vaccins destinées à expliquer les avantages et les arguments scientifiques de la vaccination à un public déjà acquis à leur cause.

Lors d’une épidémie de rougeole en 2019, les pages anti-vaccination ont ainsi généré plus de liens que les pages pro-vaccination sur Facebook. Si cette tendance continue, préviennent les chercheurs, les pages anti-vaccins domineront les discussions en ligne d’ici une dizaine d’années.

Dans ce contexte, chaque prise de parole publique, en particulier de la part de scientifiques ou d’experts plus ou moins autoproclamés, au sujet des vaccins peut avoir des conséquences immédiates sur notre santé collective. Il est par conséquent d’autant plus difficile d’écouter sereinement les propos de Luc Montagnier, colauréat du prix Nobel de médecine en 2008 pour la découverte du VIH vingt-cinq ans plus tôt.

Anti-vaccins notoire et régulièrement pointé du doigt pour certains propos relevant de la pseudoscience, le biologiste français déclarait, le 7 novembre 2017 au théâtre des Mathurins, aux côtés d’Henri Joyeux : « Nous sommes ici non pas pour créer des polémiques, mais […] pour lancer une alerte à la France, à tout le pays, et aussi même au monde, parce que c’est un problème général. L’alerte, c’est que nous risquons, avec des bonnes volontés au départ de vaccins, d’empoisonner petit à petit toute la population qui va nous succéder. »

Des propos irresponsables qui ont poussé cent six académiciens des sciences et de médecine à s’opposer publiquement aux dérives des deux médecins : « Nous, académiciens des sciences et/ou académiciens de médecine, ne pouvons accepter d’un de nos confrères qu’il utilise son prix Nobel pour diffuser, hors du champ de ses compétences, des messages dangereux pour la santé, au mépris de l’éthique qui doit présider à la science et à la médecine. »

La vraie menace sanitaire

En 2019, l’OMS classait la méfiance envers les vaccins parmi les dix plus grandes menaces sanitaires pour le monde, rappelant que l’absence de vaccination peut entraîner des morts évitables. Une mise en garde particulièrement pertinente depuis l’arrivée du coronavirus. Craignant que ces activités de porte-à-porte n’accélèrent la propagation du coronavirus, certains pays ont stoppé net plusieurs dizaines de campagnes massives de vaccination. « Les vaccins représentent l’un des outils les plus puissants de l’histoire de la santé publique, et plus d’enfants sont vaccinés que jamais auparavant, rappelle Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. Toutefois la pandémie a mis ces acquis en danger. Les souffrances et les décès évitables causés par cette situation où les enfants ne bénéficient pas de la vaccination systématique pourraient être beaucoup plus importants que la COVID-19. »

Les nouveaux vaccins à base d’ARN messager

L’annonce de la mise au point de nouveaux vaccins contre la COVID-19 suscite déjà de nombreuses inquiétudes. Si leur principe de base reste inchangé (pousser l’organisme à développer ses propres anticorps afin de se protéger contre une attaque virale ultérieure), la méthode utilisée diffère quelque peu des vaccins que l’on a décrits plus haut. Ces nouveaux vaccins sont élaborés à base d’acide ribonucléique messager (ARNm). L’ARNm est une molécule tout à fait commune des organismes vivants. Copie complémentaire de l’ADN, elle a pour rôle de transporter l’information génétique à l’extérieur du noyau des cellules, dans le cytoplasme, afin d’enclencher la production des protéines.

Le mode de fonctionnement de ces vaccins nouvelle génération consiste à provoquer la production de fragments des agents infectieux par les cellules de l’individu vacciné elles-mêmes. Pour ce faire, des molécules d’ARNm spécifiques sont directement injectées dans les cellules musculaires, elles permettent de coder la production d’une protéine particulière de l’agent pathogène – ici, la protéine Spike, présente à la surface du coronavirus. Ces protéines étrangères (quoique synthétisées dans les cellules) doivent provoquer la réponse immunitaire de l’organisme.

Les avantages sont multiples. S’il est relativement complexe de concevoir une protéine et de la synthétiser en laboratoire, il est facile, rapide et tout à fait courant de synthétiser un ARN. Un coup de pouce bienvenu en période de pandémie, où le monde médical est lancé dans une véritable course contre la montre. De tels vaccins doivent aussi être plus efficaces, puisqu’ils activent plus précisément la réponse immunitaire, ils ne nécessitent donc pas l’ajout des adjuvants tant décriés.

D’où la question : pourquoi de tels vaccins n’ont-ils pas été mis au point avant la pandémie ? En réalité, la technologie à base d’ARNm n’est pas nouvelle. Mais les chercheurs étaient jusqu’ici confrontés à plusieurs problèmes, principalement liés à la grande taille des molécules d’ARN. Dix fois plus grosses que les antigènes généralement injectés dans un vaccin traditionnel, ces molécules peinaient à circuler dans l’organisme.

Les moyens inédits alloués à ces recherches en 2020, ainsi que le nombre impressionnant de personnes ayant contracté le virus, ont eu raison de ces obstacles : les chercheurs sont parvenus en un temps record (même s’il semble beaucoup trop long pour certaines populations confinées pendant des mois et des mois) à passer à la fameuse phase III des essais cliniques (soit comparer l’efficacité du nouveau médicament, ou vaccin, au placebo ou à un médicament/vaccin de référence, s’il existe).

Une dernière inquiétude monte : ne risque-t-on pas, en s’injectant des fragments de code génétique étranger dans le corps, de modifier notre propre génome, voire celui de la lignée humaine ? Ce danger est inexistant : dès qu’il a déclenché la réaction immunitaire, l’ARN étranger est très rapidement éliminé par l’organisme. De surcroît, l’injection est très localisée, principalement dans le tissu musculaire. Il est donc impossible que la molécule d’ARN réussisse à atteindre les cellules des organes reproducteurs. Par conséquent, l’information génétique qu’elle véhicule ne peut être transmise aux générations suivantes. Enfin, à aucun moment l’ARN ne peut pénétrer dans le noyau des cellules où est conservé l’ADN. Le patrimoine génétique humain reste dans ce cas en parfaite sécurité.

Extrait du livre de Raphaël Chevrier, « Qu’en dit la science ? Vaccins, 5G, PMA, numérique, génome... pour y voir enfin clair ! », publié aux éditions Buchet Chastel.

Lien vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !