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La Confédération proposée par Valéry Giscard d’Estaing pour relancer l’Europe peut-elle rencontrer plus d’adhésion ailleurs dans l’Union que les projets d’Emmanuel Macron ?
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Nouvelle Europe

Dans les colonnes de L'Opinion, l'ancien président, Valéry Giscard d'Estaing, plaide en faveur d'une Confédération européenne, organisée autour du noyau dur européen. L'objectif : retrouver du leadership en Europe, notamment par le biais d'une convergence fiscale et et sociale.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Dans une interview à L'Opinion, Valéry Giscard d'Estaing évoque "un groupe d'États qui accepteront de se dessaisir d'un certain nombre de compétences pour les confier à des organisations communes qui agiront pour leur compte". Il plaide pour que les pays qui intègrent la confédération soient les nations fondatrices de la Communauté européenne : l'Allemagne et la France, rejoints par l'Italie et le Benelux, l'Espagne et le Portugal. Est-ce une idée, dans son ensemble, qui vous paraît réaliste ?

Florent Parmentier : Le terme de « confédération européenne » n’est pas nouveau dans les débats européens en France : on se souvient notamment de la proposition de François Mitterrand lors de sa cérémonie de vœux du 31 décembre 1989. A l’époque, l’idée est d’assurer la stabilité du continent, afin de permettre les échanges, la paix et la sécurité sur le continent européen. Mal ficelé, le projet était mort-né suite aux pressions américaines, au recul allemand et aux réticences centre-européennes, la Mitteleuropa craignant que cette opération ne serve qu’à retarder un élargissement qu’elle souhaitait rapide.

Naturellement, les débats ont depuis grandement évolué, puisque l’élargissement a été l’horizon indépassable des années 1990 et 2000, concentrant une bonne partie de l’attention des observateurs. La tension mainte fois relevée entre les dynamiques d’élargissement et d’approfondissement de l’Europe, autre débat en vogue jusqu’aux années 2000, est également derrière nous. Au-delà de la fin de l’élargissement, la question est également celle du reflux de l’Etat de droit en Europe Centrale, avec l’érosion des institutions en Pologne et en Hongrie, mais également au-delà. Cette nouvelle géographie politique interne, couplée au reflux de l’Europe au niveau international, amènent les Européens à douter de leur modèle.

Telle que présentée par VGE, la confédération est un mélange d’Europe carolingienne autour d’une vision française : elle revient à conserver les six fondateurs, auxquels s’ajoutent deux Etats méditerranéens, l’Espagne et le Portugal. Quid des pays d’Europe du Nord, dont certains respectent mieux les directives européennes que la France ? Tous les Etats font partie de la zone euro, mais que faire des Etats utilisant l’euro et qui ne seraient pas membre de la confédération – la Slovaquie, la Grèce… ? Comment couper l’Allemagne de deux de ses proches voisins, l’Autriche et la Pologne ?

Et enfin, demeure une question de fond : pour faire avancer l’Europe, doit-on s’appuyer sur un noyau dur – le même – ou une Europe à géométrie variable, en fonction des sujets – ce qui peut faire perdre en cohérence. Le débat en Europe est loin d’être tranché…

VGE propose de débuter cette confédération par un "système appliqué en commun" en ce qui concerne la fiscalité, à la fois des entreprises et de l’impôt sur le revenu. Quelles sont les limites actuelles à ce principe d'une fiscalité commune aux pays de cette confédération ?

L’idée d’une convergence fiscale n’est pas nouvelle, mais elle ne peut vraisemblablement pas de se réaliser selon le modèle français. Un certain nombre d’Etats vont s’estimer plus avantagé dans une compétition fiscale, quitte à distordre des règles de concurrences et à accueillir des géants du net américain dont la capacité à contourner la fiscalité européenne est forte.

Comme avant le projet de confédération européenne de Mitterrand, Emmanuel Macron a lancé, lors de son discours de la Sorbonne, sa proposition de créer un budget pour une zone euro renforcée et davantage de convergence sociale et fiscale. Hélas, ces propositions, faites sans consulter préalablement ses collègues européens, n’a que peu de chances d’aboutir notamment du fait des pays d’Europe du Nord, plus intransigeant que l’Allemagne en la matière.

VGE a également expliqué que face aux turbulences actuelles dans le monde, l'UE doit devenir une puissance économique capable de protéger ses citoyens et ses États membres, et les représenter dans le monde au même niveau que la Chine et les États-Unis. Sur ce point, la proposition de l'ancien président pourrait-elle constituer une vraie solution au "manque total de leadership" qu'il dénonce dans l'UE d'aujourd'hui ?

Le Président Giscard d’Estaing a raison de souligner les turbulences actuelles qui entourent l’Europe, aussi bien dans son voisinage géographique immédiat (Syrie, Libye) que dans ses relations avec les grandes puissances. Région plus âgée et moins dynamique, ayant du mal à conserver ses champions technologiques, l’Europe souffre de retards dans les technologies cruciales d’avenir (intelligence artificielle, biotechnologies, etc.) et doute d’elle-même, comme en témoigne le repli du consensus politique modéré et pro-européen dans de nombreux pays.

Pour autant, l’idée d’une Europe qui protège peut s’avérer populaire ; ce qui est sûr, c’est que l’Europe, qui était en pointe dans la lutte contre le dérèglement climatique, n’incarne plus la même forme de leadership. Elle doit s’imposer dans la lutte pour une intelligence artificielle responsable, un modèle de développement économique alternatif et répondant aux attentes populaires, mais elle ne peut rester sans leadership et cause à porter autre que son propre maintien. Si le leadership franco-allemand ne suffit plus, cela implique que la France doit prendre davantage en compte les positions de ses partenaires si elle veut convaincre du bienfondé de ses positions, sans quoi le leadership français ressenti ces derniers mois ne serait que de courte durée.

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