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La Commission de Bruxelles connaît les trois raisons qui font que Paris ne pourra jamais prétendre au rang de grande place financière...
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Atlantico Business

Face aux incantations politiques, le monde des affaires a sorti ses calculettes pour voir s’il sera possible que Paris remplace Londres dans le rôle de capitale financière. Dans les mentalités comme dans les politiques fiscales, la France a encore beaucoup de retard. La Commission de Bruxelles le sait.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quand Manuel Valls, ou Emmanuel Macron annoncent qu'ils feront tout pour attirer les investisseurs à Paris, ils rêvent debout. Même à la Commission de Bruxelles, les ministres des Finances réunis hier soir ont en aparté parlé de cette question pour conclure que le Brexit ne provoquera pas un déménagement des activités vers l’Europe continentale. 

Qui pour remplacer Londres ? La question s’est maintes fois posée après la décision des Britanniques de vouloir quitter l’Europe. Des classements nous ont déjà relégués au 4ème ou 5ème rang des potentielles prétendants à la succession de la City. Mais les raisons qui font que les financiers n’iront pas à Paris sont pourtant directement imputables aux Français et à leurs politiques. Les mêmes de la Commission de la zone euro résument cette impossibilité par trois raisons. 

En premier lieu, encore et toujours, une histoire de fiscalité : trop aléatoire, trop imprévisible.

45% du PIB français, c’est la pression fiscale dans notre pays. C’est à dire que les recettes fiscales représentent 45% de notre valeur ajoutée nationale. 

D’une part, c’est énorme, 10 points au dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, 20 points au dessus des Etats-Unis. D’autre part, c’est inquiétant : personne n’est capable de prédire quelle sera la fiscalité de demain. 

Hollande, dans sa liste de cadeaux fiscaux, a annoncé une baisse de l’impôt sur le revenu. Mais par derrière, on a assisté le 27 juin dernier à la naissance d’une nouvelle taxe pour financer les équipements régionaux, une taxe directement jumelle de la taxe foncière, qui concernera donc les ménages et les entreprises.

Et ça continue d’aller dans toutes les directions, puisque le Premier Ministre a fait cette semaine une déclaration tonitruante sur son intention de vouloir baisser l’impôt des sociétés à 28% au lieu de 33%. Ce serait un pas en avant pour rendre la France attrayante aux yeux des investisseurs si effectivement, la stratégie était claire et écrite à l’avance.

Le deuxième obstacle se trouve dans la tête des Français : il s‘agit de la mentalité anti-finance, que Hollande a d’ailleurs mise à son compte pour se faire élire.

Le dernier exemple criant date d’il n’y a pas deux jours, avec l’arrivée de José Manuel Barroso, ancien Président de la Commission européenne, chez Goldman Sachs. Un ancien fonctionnaire européen chez des banquiers d’affaire, et tout le monde s’insurge. 

Dans les médias, dans la bouche des politiques, on crie à la trahison. Sauf qu’on oublie de dire ce que l’intéressé vient faire chez Goldman Sachs. Il rejoint la filiale de Londres dans un poste de président non exécutif, qui lui permettra en fait de jouer le rôle de conseiller, afin de prévoir et gérer au mieux les conséquences du Brexit. En ces temps d’incertitude, on peut au moins reconnaître que ce soit une chose rassurante qu’un homme d’expérience, connaissant l’Europe comme sa poche, aide à gérer un dossier aussi délicat que laborieux.

Et à ceux qui l’accusent d’aller dans le privé pour raison financière, il se défend : "si l’on reste dans la vie politique, on est critiqué pour vivre aux crochets de l’Etat, si l’on va dans le privé, on est critiqué pour tirer profit de l’expérience acquise dans la politique". 

Sans aller jusqu’à l’excès suisse, qui admire ses banquiers jusqu’à installer la statue du fondateur de Crédit Suisse, Alfred Escher, à l’entrée de la gare de Zurich, il faudrait cesser d’ériger les financiers comme les ennemis des temps modernes.

Enfin, nous avons un Etat qui aime mettre son nez partout. Comme s’en plaignait Carlos Ghosn, le PDG de Renault, dans sa bataille d’ego avec Emmanuel Macron. Le ministre qui s’est battu becs et ongles pour que l’Etat gagne une minorité de contrôle chez Renault, c’est à dire 33% des votes du constructeur lors des assemblées. On est bien loin de la philosophie libérale des Anglais !

Dans les entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation, c’est bien simple, on assiste à un racket. Les dividendes versés à l’Etat sont bien plus élevés que partout ailleurs dans le privé, qui voit en général moins de 50% du résultat d’une entreprise versé aux actionnaire. Du côté des entreprises publiques, le taux de dividendes monte à 50% parfois 60%, en dépit même de la santé de l’entreprise.

Vorace, certes, mais aussi incohérent. L’Etat détient une part dans 77 entreprises, pas toutes relevant d’un domaine industriel qui doit rester du domaine de l’Etat. On ne comprend pas la main mise sur les transports par exemple. Aux Rencontres Economiques d’Aix en Provence, Patrick Pouyanné, PDG de Total, à capital totalement privé, déplore ainsi que "l’Etat actionnaire n’a plus de vision de long terme pour ses entreprises. Qu’il vende ses participations !". La valeur de cet actionnariat public compte pour 110 milliards d’euros. Si on veut de l’argent, on sait où en trouver.

Ces entreprises trop soutenues par l’Etat sont pourtant néfastes à l’économie car elles empêchent l’éclosion de nouveaux talents, la bonne marche de la concurrence et entérinent la prédominance des grosses entreprises sur les petites.

Voilà les trois raisons – sans dire que ce sont des maux - qui rendent Paris tout de suite moins sexy, vu de l’étranger. Il ne peut y avoir qu’un pas pour que cela devienne des qualités. Car les atouts de l’Hexagone devraient plaider en notre faveur, comme cette épargne super abondante (15,7% du revenu) ou cet art de vie à la française inimitable (enquête Aude Burel). 

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