La Chine détient de moins en moins de dette américaine et voilà pourquoi ça ne changera pas grand chose pour les Etats-Unis <!-- --> | Atlantico.fr
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A-t-on exagéré le danger que pouvait représenter la détention de titres de dette publique par la Chine ?
A-t-on exagéré le danger que pouvait représenter la détention de titres de dette publique par la Chine ?
©STR / AFP

Perspectives économiques

La Chine a réduit ses avoirs en bons du Trésor américain, selon les données du département du Trésor. Quelles peuvent être les conséquences économiques pour les Etats-Unis ?

Denis Ferrand

Denis Ferrand

Docteur en économie internationale de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, Denis FERRAND est Directeur Général de Rexecode où il est notamment en charge de l’analyse de la conjoncture de la France et des prévisions macroéconomiques globales. Il est également vice-Président de la Société d’Economie Politique. Il est membre du Conseil National de l’Industrie et du Conseil d’Orientation pour l’Emploi au titre de personnalité qualifiée. Chroniqueur pour Les Echos, il est chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et pour le Master APE de l’université Paris-Panthéon Assas.

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Atlantico : La détention de la dette publique américaine par la Chine diminue et passe sous la barre des 1 000 milliards de dollars. Pourquoi la Chine réduit-elle ses avoirs en bons du Trésor américain ?

Denis Ferrand : Plusieurs éléments entrent probablement en ligne de compte. C’est d’abord un moyen de limiter la dépréciation du Yuan qui intervient depuis quelque temps. Cela peut aussi être lié à des besoins de financements internes à la Chine : dégager du cash pour soutenir certains secteurs, comme l’immobilier par exemple, actuellement en situation de détresse. Par ailleurs, la banque de Chine à des détentions très importantes, elle peut aussi avoir des envies de diversification de ses actifs. Elle a détenu jusqu’à 7% des bons du Trésor américains. Donc plusieurs paramètres coexistent, mais c’est aux Chinois d’expliquer leur choix. C’est un choix très clair et relativement continu. Le point haut de détention de la dette publique américaine par la Chine a été atteint en 2011. Depuis, il y a une diminution à bas bruit. Et il y a sans doute des raisons géopolitiques à cela.

Quelles peuvent être les conséquences économiques pour les États-Unis ?

Tout dépend si les Etats-Unis arrivent à trouver d’autres financeurs. Ce que l’on voit depuis 5 ou 6 ans, c’est la mise en place d’une rotation. A mesure que la Chine se retirait, d'autres pays se substituaient. Et en particulier des pays européens. Les Européens ont augmenté depuis maintenant cinq ans leur détention de titres du Trésor US de manière assez importante. Ce serait un problème pour les Etats-Unis si la Chine entraînait avec elle d’autres pays dans une vente forcenée de titres du Trésor. La détention par l’extérieur de titres du Trésor américain représente presque un tiers de l'encours de titres du Trésor. Et la Chine a détenu jusqu’à 25% des titres du Trésor détenus par des non-résidents. Aujourd’hui, c’est environ 13%.

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A-t-on exagéré le danger que pouvait représenter la détention de titres de dette publique par la Chine ?

La question qui se posait était celle de l’intérêt de la Chine à agir de la sorte. Elle l’a fait dans le cadre du système popularisé sous le nom de Chimerica, dans les années 2000. Les Etats-Unis constataient le creusement de leur déficit courant, avec pour contrepartie l’augmentation de l’excédent courant de la Chine. Le creusement de la dette se traduit normalement par une multiplication des reconnaissances de dettes vis-à-vis de créanciers étrangers, ce qui normalement se traduit par une hausse des taux. Or les taux ne remontaient pas car les excédents dégagés par la Chine étaient recyclés en achat de bons du Trésor américain afin que les Etats-Unis continuent à fournir de la demande à la Chine. C’est ce qui a permis le maintien de taux d’intérêts bas aux Etats-Unis et contribué à déclencher des phénomènes de surendettement u compris des agents les moins solvables au travers des subprimes.

Le concept de Chimerica a été élaboré il y a quelques années par Niall Ferguson pour décrire l’interpénétration des économies américaine et chinoise. Ce concept s’effrite-t-il au regard de la situation géopolitique et de la volonté de la Chine et de la Russie de créer un nouvel ordre mondial ?

Oui, et effritement est le bon terme pour le dire. C’est une évolution graduelle. La Chine demeure très dépendante des Etats-Unis mais elle veut limiter son exposition au dollar. La Russie, en 2018, a vendu l’intégralité de ses titres du Trésor américain (environ 100 milliards). Mais elle a sans doute trouvé d’autres canaux. Chimerica a encore du sens car la Chine a encore besoin des Etats-Unis comme marché, les Etats-Unis ont encore besoin de la Chine comme espace de production à faible prix. De ce point de vue, l’appréciation du dollar contre le Yuan est un bon moyen de renforcer la position américaine. L’imbrication économique est toujours là.  

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