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La CEDH valide le refus de PMA pour un couple de lesbiennes françaises mais le piège politico-juridique demeure
©Flickr/genue.luben

Dura Lex...

Ou du lobbying, considéré comme un des beaux-arts...

François Martin

François Martin

François Martin est haut-fonctionnaire, ancien élève de l'Ena. Soumis au devoir de réserve, il s'exprime ici sous pseudonyme.

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Quand on appartient au camp du Bien, et qu’un débat législatif se prépare, tous les moyens sont bons pour préparer l’opinion à ne pas se tromper, sur les sujets sociétaux où s’affrontent progressistes et réactionnaires. En voici un excellent exemple avec cet excellent article de vos excellents confrères de l’Obs, sur un non-évènement, auquel une habile présentation peut donner du sens, le sens de l’Histoire bien entendu. Le décryptage n’étant pas réservé à vos excellents confrères du Monde ou de France Info, essayons de voir ce que dit et ne dit pas cet article. 

Un couple de femmes, mariées en application de la loi Taubira, a demandé en 2014 à un hôpital une procréation médicalement assistée (PMA) qui lui a été refusée par l’hôpital au motif que  "La loi bioéthique actuellement en vigueur en France n'autorise pas la prise en charge des couples homosexuels".  

Et aujourd’hui, selon le titre de l’article de l’Obs : « La Cour européenne des droits de l'homme valide un refus de PMA pour un couple de lesbiennes » ! 

Qu’est-il arrivé à la CEDH ? une infiltration par des éléments réactionnaires ? un revirement contraire au sens de l’Histoire ? ne faut-il pas, puisque même les juges européens renoncent au progrès, alerter l’opinion sur l’urgence d’un sursaut, à la veille d’un important débat législatif sur la bioéthique ? 

Pour mieux comprendre, il faut lire l’article, dont le contenu dément le titre. La CEDH n’a rien validé du tout. Elle ne s’est pas prononcée sur le fond. Pourquoi ? elle ne pouvait pas : en vertu de l’article 35 de la convention européenne des droits de l’homme, pour faire un recours devant la CEDH, il faut avoir épuisé les voies de recours internes. Ce qui n’était pas le cas des plaignantes, qui auraient dû saisir le tribunal administratif contre la décision de l’hôpital. Puis le Conseil d’Etat , en cas de jugement défavorable du tribunal administratif. Des années de procédure, alors que le débat législatif est dans quelques mois. 

Saisir le juge administratif ?  comme le dit l’avocate des plaignantes : « Il n'y avait aucune chance que cela aboutisse ». Eh oui, le juge administratif a un gros travers, il applique la loi, qui interdit en effet le recours à la PMA pour les couples de femmes. 

L’avocate des plaignantes ne pouvait ignorer les règles de saisine de la CEDH. Son argumentaire est curieux : « La Cour a botté en touche, elle a choisi la voie du milieu pour ne pas être taxée de gouvernement des juges. " Ces termes traduisent un singulier mépris du droit. Si la CEDH avait violé ses propres règles de saisine, ce n’est pas de gouvernement, mais de dictature des juges qu’il eût fallu parler.  

Le recours devant la CEDH, qui était donc perdu d’avance, n’avait en réalité pour but que de faire parler maintenant du sujet, pour influencer l’opinion en vue du prochain débat législatif. 

Il est d’ailleurs hautement probable que le législateur, inquiet de passer pour conservateur, fera bientôt évoluer la loi. Et s’il ne le faisait pas, la CEDH, quand elle aura à se prononcer sur le fond, lui enjoindra de s’exécuter au nom du principe d’égalité entre couples mariés, conséquence directe  de la loi Taubira. Le droit et le bonheur des couples sont les seuls critères de choix ; les enfants s’adapteront. Ou pas, mais ce n’est pas le problème. 

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