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cancel culture woke
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©DR / SOPA Images - Getty

Culture du bâillon

H16 revient sur la cancel culture et sur son impact au sein de nos sociétés.

Hash H16

Hash H16

H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Étrange période que nous vivons : alors que l’ensemble de la société devrait aspirer à un retour à l’ordre habituel, à un apaisement des tensions, l’avalanche de n’importe quoi continue. L’absurde, l’idiot et l’incongru persistent à s’inviter un peu plus chaque jour dans notre actualité et, pire encore, le rythme avec lequel ils s’insèrent partout s’accélère.

J’en veux pour preuve les dernières polémiques navrantes de nos progressistes de combat, ceux pour qui on n’est jamais autant égal qu’une fois consciencieusement détruit, disparu ou mort.

Pour ceux-là, l’antiracisme consiste, à l’exact opposé du rêve de Martin Luther King qui souhaitait que ses enfants ne soient plus jugés à la couleur de leur peau, à juger les capacités d’une traductrice à la couleur de sa peau : elle serait décidément trop blanche pour traduire une poétesse noire.

Cette polémique ignoble et parfaitement raciste s’incrit dans le même mouvement d’ensemble qui imprime toute la société occidentale, américaine en premier et rapidement suivie de l’européenne, jamais en reste d’une hypocrisie collectiviste : sous prétexte de faire la chasse aux dérives, dangers et autres oppressions de la société moderne, nos lutteurs intersectionnels (parce que de toutes les luttes anti-tout) s’en prennent maintenant à tout ce qui passe, surtout si c’est blanc (ou « trop blanc », comme l’explique sérieusement Coca-Cola).

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Et le spectre devient si large qu’on se demande si tout ceci n’est pas une (mauvaise) blague intersectionnable et à vite déconstruire : après le Muppet Show jugé suffisamment sulfureux par les carpettes de Disney au point d’y coller un avertissement et de supprimer quelques épisodes trop choquants, après les messages de précautions et de contextualisation de certains chef-d’oeuvres animés, voilà que la meute « woke » s’en prend aux dessins animés trop déjantés de notre enfance, depuis Pepe le Putois accusé de favoriser la culture du viol jusqu’à Speedy Gonzalez, apparemment jugé raciste envers les Mexicains.

Manifestement, les oppressions des petits cœurs tendres – dont les pleurs emplissent maintenant des piscines entières sur les plateaux télé et radios, et fournissent d’abondantes excuses pour des articles de presse lacrymaux – ont sans nul doute pour origine ces cohortes d’enfants ayant regardé ces dessins animés sans recevoir l’indispensable contextualisation intellectuelle leur permettant d’apprécier toute l’horreur des caricatures dépeintes.

Horreur ! Pendant des années, le Club Dorothée, la Warner Bros. et Jim Henson n’ont fait qu’entretenir le patriarcat cis blanc colonialiste capitalite hétéronormatif androcentré, provoquant la plus grande production de petits vicieux, de gros violeurs, d’oppresseurs à poils drus et autres trigger-warriors à muscles turgescents !

Devant ce tsunamis de testostérone de blancs oppresseurs, qui peut encore s’étonner que nos militants élèvent bruyamment leurs voix contre J.K. Rowling, l’auteur de Harry Potter, coupable en plus d’avoir pondu une série pas assez diverse (Ron Wisley, en plus d’être roux, aurait sans doute dû être polyhandicapé et trans, probablement) d’avoir aussi – affront insoutenable – osé prétendre que les femmes avaient un vagin et les hommes un pénis ? Qui peut être encore surpris de la courageuse campagne visant à dégenrer Mr. Patate ?

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Il faut bien cela pour enfin nettoyer la planète de toute cette oppression insupportable ! Et si cela doit passer par une bonne grosse censure, qu’il en soit ainsi : tout le monde sait bien que, dans l’Histoire de l’Humanité, ceux qui ont intimé l’ordre aux individus de se taire, qui ont brûlé les livres et pourchassé leurs opposants intellectuels ont toujours été du bon côté, évidemment dans le camp du Bien.

Censure qui – comme l’islamogauchisme – n’existe pas, bien sûr, comme en atteste une certainepresse qui fera fort de rappeler, dès qu’elle le peut, que non non non, il n’y a pas de « cancel culture », non non non, ça n’existe pas.

Quant aux aventures de Gina Carano, virée de la série Mandalorian pour ses prises de positions pourtant assez classiques, cela n’a rien à voir : même si l’actrice est une femme, forte, indépendante et qui exprime sans peur ses opinions, bref, exactement ce que les féministes prétendent rechercher en chaque femme, ce n’est pas un blanc-seing pour être conservatrice voire républicaine (l’horreur, vous dis-je, quasiment du fascime !)… Donc ouste.

À la fin et grâce aux incessants couinements de ces hordes d’activistes bruyants, on se retrouve avec une société réellement inclusive où le moindre écart à une norme remplie de contradictions provoque une désinclusion à vitesse orbitale, une société où la différence est toujours louangée et portées aux nues tant qu’elle ne s’exprime en rien au sein du groupe (ce qui vaudrait satellisation à coups d’anathèmes).

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Il faut pourtant se rendre à l’évidence : ces cris, ces agitations et ces mouvements, aux moyens purements médiatiques et aux buts politiques bassement collectivistes, ne sont en pratique que des préoccupation de riches aux ventres trop pleins et aux nombrils trop regardés.

Manipulés par (un peu) plus malins qu’eux, ces trop-sachants pleurnicheurs multiplient les combats incohérents dans une société où l’égalité est en réalité largement acquise, sauf pour ceux qui n’existent qu’au travers de leurs souffrances surmédiatisées. Et pour ces derniers, il convient afin de n’être point oppresseur, d’être clairement oppressé, forçant ainsi chacun à jouer le rôle de victime (de tout, de rien, de son contraire et du temps qui passe).

Et lorsque les groupes de victimes se rassemblent, cela ne peut aboutir qu’à une lutte violente à celui qui sera le plus victime (avec un exemple récent lors de la Journée de la Femme pendant laquelle des Antifas et des Féministes se sont intersectionnés virilement).

En réalité, au-delà de ces quelques nombrils et de ces quelques bruyants oppressés, ces questions n’intéressent à peu près personne : certes, on en parle beaucoup dans les petits milieux élitistes, sur les bancs de ces facs qui forment les futurs retourneurs professionnels de steaks hachés et – bien sûr – dans les vibrantes rédactions des magazines socioculturels de gauche, mais finalement, personne d’autre comme en atteste une récente enquête sur le sujet

On dit que Constantinople chuta parce que ses élites discutaient du sexe des anges pendant le siège. C’est une légende ou une caricature, sans doute, mais la situation actuelle illustre bien le problème de nos sociétés trop certaines de leur futur d’abondance, forcément aussi bon voire meilleur que notre présent, alors que rien n’est jamais acquis, surtout pas le progrès, l’intelligence ou la civilisation, et qui accordent trop à des oisifs (ou de futurs oisifs) pour discuter du sexe des autres.

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Alors que la société française est maintenant en proie à une profonde crise politique et sociale, alors que l’Europe toute entière va devoir affronter les factures d’une crise centenaire, certains, très minoritaires mais très (trop) bruyants, refusent de comprendre que la situation a beaucoup changé ces vingt, dix et trois dernières années, de plus en plus vite, refusent de voir que leurs revendications sont de plus en plus lunaires.

Pour ceux-là, les mois qui viennent pourraient être fort cruels. Cette société égalitariste au point d’en être totalitaire arrive, et bien que l’appelant de leurs vœux les plus bruyants, ils seront les premiers à en souffrir violemment.

Cet article a été publié initialement sur le site de H16 : cliquez ICI

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