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L'UE doit renoncer à ses travers idéologiques
©JOHN THYS / POOL / AFP

Europe

La pandémie aura révélé les failles de l'Union européenne. Il est temps de protéger les citoyens européens et de retrouver une éthique de l’analyse technique qui lui permette d’affronter le réel dans toute sa complexité.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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L’année 2020, sans préjuger de ce que sera 2021, restera sans doute celle de l’épidémie de Covid 19. Si cette pandémie a durement heurté les populations et les économies (emplois supprimés, entreprises mettant la clef sous la porte), elle a également été une cruelle épreuve de vérité, et peut être un chant du cygne pour l’Union européenne (UE). Dès ses débuts en février 2020, l’UE, en dépit des moyens d’expertise dont elle dispose, a été incapable de réagir et s’est empêtrée dans ses contradictions : alors que le 13 mars la Présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, critiquait sévèrement les fermetures de frontières décidées par plusieurs États-membres de l’UE, le lendemain, l’Allemagne, son pays d’origine, opérait un spectaculaire revirement et décidait unilatéralement de fermer ses frontières. Depuis, l’UE multiplie les grandes déclarations, les envolées lyriques, les projets pas toujours dénués de qualités (Recovery Plan). A l’évidence, tout ceci ne change rien à la réalité de l’UE : elle est incapable de donner corps à l’autonomie stratégique qu’elle esquisse du bout des lèvres, et ses moyens sont dérisoires pour lutter contre la divergence délétère des économies de la zone euro.

L’incapacité de l’UE à s’adapter au monde qui change n’est guère surprenante. A l’image du scorpion de la fable de la Fontaine, qui pique la grenouille et se noie avec elle dans la rivière, l’UE, particulièrement en période de crise, se comporte conformément à son ADN. Celui-ci est aveuglément libre-échangiste et hostile à la notion même de frontière. Il est méfiant à l’égard de toute forme d’autorité qui blesserait les sacro saints droits de l’individu. En clair, l’Europe ne protège plus ceux pour qui elle a été créée.

Qu’il soit cependant permis de juger que si l’art de gouverner, c’est prévoir et s’adapter aux circonstances, il faut bien constater que l’UE – mais elle n’est pas la seule, loin de là - a encore échoué.

Comme expliquer un tel échec ?  Quand on pense aux grands effondrements, relire L’Étrange défaite de Marc Bloch est toujours nécessaire.  Or, que nous dit l’historien ? Que les malheurs du monde nous viennent toujours d’une crise intellectuelle, c’est à dire d’analyses partielles, biaisées et incomplètes.

Que voit-on depuis trop d’années ? Une UE, initialement pensée par ses Pères comme garante de l’intérêt général européen, devenue prisonnière des idéologies, au mépris des faits. Si de nombreux exemples l’attestent, dans les domaines militaire, migratoire, numérique, et tant d’autres, celui de la production d’électricité d’origine nucléaire est édifiant. A l’évidence, ce type de production d’énergie est l’une des solutions dont nous ne saurions nous passer pour résoudre le problème du réchauffement climatique. Même le GIEC, pourtant peu suspect de sympathie à l’égard de ce type d’énergie, a fini par l’admettre.

Comment en est-on arrivé là ? L’UE, et le cœur de son réacteur, la Commission, dont Jean Monnet avait rêvé qu’elle soit un lieu d’expertise à froid et un lieu d’excellence, n’est désormais ni plus ni moins qu’une structure bureaucratique incapable d’anticipation. La raison en est simple : en privilégiant une vision tronquée du monde, elle se prive d’une partie majeure du réel. A titre d’exemple, concernant le Pacte Vert pour l’Europe, et de ces questions énergétiques et climatiques, on peut se demander si la publicité excessive accordée par la Présidente de la Commission à l’accueil de l’activiste Greta Thunberg, à la veille du confinement, était raisonnable, alors que l’UE n’hésite pas à disqualifier de manière permanente l’opinion et l’analyse technicienne de la plupart des grands opérateurs énergétiques comme Orano, ou Total. Et si la Commission, contre toute raison et tout fait, nous explique qu’elle est « structurellement biaisé » (sic) n’est-ce pas parce qu’elle n’entend que certaines minorités agissantes ? Croit-elle qu’il suffise de stigmatiser un panthéon d’entreprises réunissant, pêle-mêle, entreprises présentent dans les énergies fossiles, géants extra européens du numérique etc ? On pourrait continuer.

Les résultats d’une telle approche sont évidents : l’Europe perd de vue la complexité des politiques publiques pour se satisfaire de coups médiatiques. Parmi eux, en matière énergétique comme dans tant d’autres, la réalité est plus complexe que ce que des adolescents et ceux qui les manipulent peuvent croire. Qu’il soit permis ici de rappeler que traiter du Pacte Vert, de ces questions énergétiques, c’est certes traiter de réchauffement climatique, mais c’est aussi répondre à d’autres questions essentielles parmi lesquelles : quelle croissance économique ? Quels emplois ? Quelle autonomie d’approvisionnement énergétique ? Quelle indépendance géopolitique ? La Commission, le 17 septembre 2020, a publié un document analysant différents scénarii d’impact des objectifs européens en matière d’environnement concernant le Pacte Vert pour L’Europe. Ces analyses et données, qui ont le courage de montrer que dans certains cas l’effet sur la croissance pourrait être négatif (PIB en baisse) et qui ne déguisent pas les difficultés dans certains secteurs en matière d’emplois ne mériteraient-elles pas des débats de fond avec toutes les parties prenantes ?

Il n’est que temps que l’UE cesse de céder à la facilité des « coups de communication », renonce à ses lubies politiques, protège les citoyens européens et retrouve une éthique de l’analyse technique qui lui permette, en prenant en compte l’ensemble des parties prenantes (États, ONG, entreprises, experts de tous bords) d’affronter le réel dans toute sa complexité.

Nous en sommes loin pour le moment, mais la crise du coronavirus ne manquera de rebattre les cartes d’un jeu usé et contraire à nos intérêts les plus stratégiques.

Les Arvernes est un groupe français de hauts fonctionnaires, d'enseignants, d’essayistes et d’entrepreneurs

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