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L’intervention au Mali se jouera-t-elle comme un classique de la Françafrique ou comme un conflit d’un nouveau genre ?
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Au fait ?

Après des appels répétés du président Diocounda Traoré face à l'avancée des rebelles touaregs, une force composée principalement de soldats français assiste actuellement l'armée malienne dans la reprise de Konna, au centre du pays.

André  Bourgeot

André Bourgeot

Professeur et directeur de recherche émérite à l'EHESS, chercheur au CNRS, André Bourgeot est un spécialiste de l'Afrique où il a fait la majeure partie de sa carrière.

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Atlantico : Comment expliquer que malgré un fort engagement de l'ONU et de Washington, les autorités maliennes accordent une place privilégié à la France dans ce dossier ?

André Bourgeot : Le président Hollande en harmonie avec le président du Niger Mahamadou Issoufou, tous les deux socialistes par ailleurs, on tenu des propos interventionnistes très appuyés relatifs à l'intervention de militaires de la CEDEAO (Conseil économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) visant à la reconquête du septentrion malien actuellement sous la tutelle des groupes armés djihadistes, composés de quatre mouvements à l'heure actuelle. :

  • AQMI, branche désormais connue d'Al Qaeda, qui évolue sous la direction de l'Algérien Abou Zeid.
  • Le MUJAO (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest), dirigé par un mauritanien
  • Ansar Eddin commandé par Iyad ag Ghali, un touareg Ifoghas, leader de la rébellion arme des années 90.
  • Boko Haram (littéralement « L'enseignement occidental est un péché ») fondé onze ans plus tôt au Nigéria

Le président Hollande avait initialement déclaré que la France interviendrait exclusivement dans le domaine logistique, la formation des militaires maliens ainsi que dans le recueil et l'échange de renseignement, soulignant explicitement qu'il ne s'agissait pas d'engagements de militaires français sur le terrain. et qu'il appartenait aux organisations régionales africaines (en l'occurence la CEDEAO) d'intervenir militairement.

La France est donc apparu comme le fer de lance de l'intervention, en tout cas, la plus déterminée, contrairement aux positions de l'Algérie, des USA, de la Mauritanie et , pour l'heure,de la CEDEAO, plutôt partisans d'une poursuite des négociations. En conséquence il était logique que le Président Malien sollicite avant tout l'ancienne puissance coloniale, à savoir la France. Par ailleurs il se peut que la qualité des relations franco-maliennes aient contribué à favoriser cette sollicitation. 

Face à l'urgence le président Hollande a déclaré qu'une intervention se ferait strictement dans le cadre de la communauté internationale, sous entendant que la France ne devait pas être prédominante dans cette affaire. N'est-ce pourtant pas le cas de fait ?

Tout autre est actuellement la situation. L'intervention et la présence de militaires français sur le sol malien s'inscrit dans la continuité de la décision 2085 du conseil de sécurité qui autorise une intervention, le cas échéant, sur la demande des autorités maliennes, ce qui est le cas. En revanche ce qui est surprenant c'est la rapidité avec laquelle la décision d'une intervention a été prise et immédiatement mise en œuvre. En tant que président, M. Hollande est aussi chef des armées ce qui lui permet de prendre rapidement une décision suivie d'effet et qui sera débattue à l'Assemblée nationale lundi prochain car toute intervention de militaires français sur un territoire étranger doit faire l'objet de débats dans l'hémicycle. Il est vrai qu'une intervention devrait se faire dans le cadre de la communauté internationale, mais ce n'est pas pour autant qu'il y aurait un sous entendu relatif au fait que la France ne devrait pas être prédominante dans cette affaire d'autant que la demande d'intervention émane du président malien. Il ne me semble donc pas qu'il y ait eu transgression des règles et des décisions issues de la nébuleuse communauté internationale.

Cela sous-entend-il que la Françafrique continue d'exister, malgré l'évolution de la scène internationale et le souhait du président Hollande d'y mettre fin ?

La Françafrique ne pourra pas disparaître d'un coup de verbe ou de déclarations d'intentions aussi bonnes soient-elles. Ce qui me paraît dérisoire et déroutant est qu'après avoir commémoré ses 50 ans d'indépendance, le Mali fait aujourd'hui appel  la France pour  lui venir à la rescousse et stopper l'offensive des groupes armés djihadistes. Bien que les troupes françaises aient été appelées par le pouvoir en place les maliens peuvent éventuellement percevoir cette intervention d'un mauvais oeil : S'agit-il d'une nouvelle forme de recolonisation?... ou de nouvelles formes de domination? Comment une partie du peuple malien jaloux de son indépendance et de la reconquête des régions du nord par son armée, va-t-elle prendre cette intervention ?

Sans doute va-t-on assister au renforcement du clivage entre ceux partisans d'une intervention militaire étrangère et ceux qui, coûte que coûte, veulent que ce soit l'armée malienne bafouée par sa cuisante défaite des mois de mars et avril 2012, qui soit à l'oeuvre dans la reconquête du Septentrion.  S'agit-il d'une" France Afrique malienne" qui va en préfigurer d'autres?...

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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