L'impression 3D grand public est-elle vraiment pour demain ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les imprimantes 3D pourraient bien être la nouvelle technologie que tout le monde s'arrachera dans quelques années.
Les imprimantes 3D pourraient bien être la nouvelle technologie que tout le monde s'arrachera dans quelques années.
©Reuters

Do it yourself

Barack Obama a parlé dans son discours sur l'état de l'Union de l'impression 3D comme de la "prochaine révolution industrielle". Depuis quelques mois, on vend les premières imprimantes personnelles en 3D. Futur objet "mainstream" ou curiosité de geeks ?

Alain Bernard

Alain Bernard

Alain Bernard est l'un des pionniers du Prototypage Rapide au plan national. Depuis 1994, il est vice-Président de l'Association Française du Prototypage Rapide. Il est également le co-auteur du seul ouvrage en français du domaine, intitulé Le prototypage Rapide, publié en 1998 chez Hermès Lavoisier. 

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Atlantico : Jusqu’ici, l’impression 3D à domicile était un phénomène marginal. Depuis le lancement des premières imprimantes 3D pour les particuliers l’année dernière, comment ce marché a-t-il évolué ?

Alain Bernard : Répondre à une telle question est délicat à plusieurs titres, en particulier du fait que les ventes sont globalisées au plan international et que la raison de l’achat n’est pas connue : il y a des passionnés de modélisme qui achètent ce type de machine, mais aussi des curieux qui veulent tester le concept, en passant par des artistes et créateurs. Il ne faut pas croire que ce soit un raz-de-marée.

Cette évolution se fait de manière conjointe à celle des capacités de création de modèles numériques grâce à des logiciels interactifs et intuitifs, en complément des logiciels de CAO traditionnels. Il s’agit du développement d’une chaîne numérique complète (du concept, de l’idée à l’objet) et pas seulement la vente de machines. Certes, le fait que certains brevets « historiques » (comme la fusion de fil ABS dans une buse chauffante) soient passés dans le domaine public a permis de voir se développer des petites machines intégrées ou en kit. D’autres machines plus chères et plus imposantes en terme de taille, mais aussi en terme de mise en œuvre (comme les machines de projection de liant sur une poudre ou de projection de matière plastique) existent et sont assimilées à l’impression 3D mais ne sont pas très abordables pour un particulier. 

Par contre, rien n’empêche de voir se développer leur utilisation au travers de boutiques spécialisées, comme on le fait pour des photos, boutiques qui pourraient apporter l’assistance à la création en 3D d’objets numériques et bien sûr à leur réalisation sur diverses machines en fonction des besoins du consommateur.

Quels sont les freins actuels à la démocratisation de l’impression 3D à domicile ?

Déjà, il y a le coût, même si les plus petites imprimantes ne coûtent pas plus qu’un home cinéma ou qu’un appareil photo numérique sophistiqué. 

Ensuite, le fonctionnement, avec l’achat de matière par un processus qui n’est pas aussi démocratisé que celui des cartouches d’imprimantes. Il faut passer par le constructeur ou le revendeur de la machine. Ensuite, si la machine ne fonctionne plus correctement, il faut pouvoir intervenir sur des aspects relevant de la connaissance du procédé, et cela n’est pas inné. 

Il y a également la nécessité de créer des objets numériques tridimensionnels, grâce à des logiciels de création, des systèmes de numérisation et de traitement de ces numérisation, des systèmes de sculpture numérique (mais les périphériques ont un coût non négligeable). Bien sûr, on peut aussi échanger des fichiers de formes comme on échange des images, mais dans tous les cas, il faut générer un fichier numérique que l’on utilise avec un logiciel spécialisé pour préparer les instructions à transmettre à la machine. Tout ceci est pragmatique mais si toute la chaîne numérique n’est pas présente aucune fabrication n’est possible.

Il y a aussi un autre frein qui est l’envie, tout simplement. Qu’est-ce qui peut donner envie à quelqu’un d’acheter ce type d’équipement, au-delà d’une vision gadget ? Cela va évoluer du fait que ces machines entrent de plus en plus comme outils dans les formations initiales des jeunes. Cela devrait se démystifier, comme l’informatique en son temps.

Le développement de l'impression 3D grand public va-t-il avoir un impact sur notre manière de produire et de consommer ?

Les machines d’impression 3D relèvent de ce qu’on appelle la fabrication additive pour laquelle des machines industrielles existent depuis plus de vingt ans. Ce qui a changé depuis quelques années, c’est la robustesse des technologies, la variété des matériaux mis en œuvre, les caractéristiques des pièces fabriquées. 

Aujourd’hui, de grands projets sont en route que ce soit aux Etats-Unis, en Europe (et en France en particulier), en Chine, etc… En parallèle se développent des standards pour les formats de données, pour les matériaux, pour les machines, pour le process complet. Donc, déjà au niveau industriel, on voit une évolution certaine vers une utilisation plus intensive de ces technologies de fabrication additive. 

Et compte-tenu du principe même de construction des pièces couche par couche, les objets que l’on peut fabriquer sont de formes et de caractéristiques très variées, ce qui donne des possibilités uniques pour ce type de technologies, repoussant ainsi les limites imposées au concepteur de ces objets. Il est donc essentiel de repenser les modes et méthodes de conception pour les ouvrir aux capacités de la fabrication additive. 

Si on rajoute les capacités des logiciels de conception et de numérisation, qui permettent de concevoir, de personnaliser, de décliner des objets, on dispose de moyens qui laissent augurer une évolution importante des moyens de conception et de production, y compris pour le grand public. 

Reste le problème des matériaux et de leur réutilisabilité, ce qui apporterait une maîtrise complète en cycle court de la fabrication, par le fait qu’on pourrait détruire un objet pour en réutiliser la matière pour fabriquer un autre objet. Ceci n’est en général pas le cas aujourd’hui.

Peut-on envisager les applications possibles de l’impression 3D pour les particuliers dans le futur ?

Ceci relève déjà de l’imagination des consommateurs. Les applications potentielles sont très importantes, de la réparation de pièces plastiques, à la création d’objets décoratifs (comme des bougeoirs, des pieds de lampes, des vases, etc…) ou d’utilisation courante (comme des tasses, des couverts à salade, des poignées de placards, des chaussures plastiques, des jouets, des branches de lunettes, des caches de prises, etc…). Il ne faut pas oublier la partie « aval » (finition des pièces fabriquées). 

Pour certaines technologies et dans certains cas, l’objet est utilisable dès la sortie de la machine. Pour d’autres, il faudra faire quelques finitions, voire des opérations complémentaires pour peindre, vernir, etc… les objets et leur donner un aspect différent. Là encore, cela dépend des capacités et des goûts de chacun.

L’étape essentielle qui pourrait favoriser le développement de l’utilisation de ces technologies à domicile, c’est la présence de boutiques ouvertes au consommateur, des fabriques d’objets dans lesquelles les consommateurs puissent être en contact avec les technologies et que les besoins naissent. Il y aura une complémentarité entre une utilisation domestique pour quelques objets particuliers, et le recours à des services externes pour des objets spécifiques de matériaux ou de caractéristiques non maîtrisables à domicile. 

On a vu se développer le e-commerce dans ce domaine, cela permet de développer le concept d’objets personnalisés et de caler le business modèle pour consolider le marché. Je crois beaucoup au contact avec la matière et la machine. Certains n’y attachent pas d’importance et se suffiront de pouvoir utiliser des logiciels de création et de personnalisation, d’autres voudront savoir comment sont fabriqués les objets qu’ils achètent. 

Un équilibre devrait pouvoir se créer, comme pour les photos ou les impressions de qualité que l’on fait faire à l’extérieur et ce qu’on peut faire avec une imprimante évoluée chez soi.

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