L’impôt mondial, un fantasme qui pourrait être réalisable et très vite, mais à six conditions<!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet d'un impôt mondial ressort des archives de l’OCDE et du FMI.
Le projet d'un impôt mondial ressort des archives de l’OCDE et du FMI.
©MANDEL NGAN / AFP

Atlantico Business

L’impôt mondial n’est pas absurde et curieusement, il met désormais tout le monde d’accord ou presque. Les mondialistes, parce que ça permettrait de protéger le système. Les antimondialistes, parce que ça pourrait réguler le capitalisme international.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ce projet de créer un impôt mondial est vieux comme le monde lui-même mais il est resté à l’état de fantasme, et s’est toujours perdu dans les réunions internationales fumeuses pour une multitude de raisons techniques, mais surtout économiques et politiques.

Aujourd’hui, le projet ressort des archives de l’OCDE et du FMI, et avec lui, un certain nombre d’arguments qui ont déjà tué les initiatives précédentes, mais cette fois, les circonstances internationales font que les conditions techniques, politiques et économiques pourraient être réunies pour que les membres du G20, les 20 pays les plus riches du monde, réussissent à s’entendre et à appliquer un système d’imposition minimal et mondial. Les administrations des différents pays ont mis au point un agenda de discussions lors du G20 des ministres des Finances qui s’était tenu fin février, et désormais, on sait qu’on pourrait parvenir à signer un accord international dès la fin du mois de juin.

Toutes les conditions paraissent réunies pour aboutir à fixer un taux minimum d’imposition des bénéfices des entreprises dans le monde entier aux environs de 21%. Alors les modalités techniques de calcul et de perception sont évidemment nombreuses, mais on estime au sein du G20 qu’elles ne seront pas insurmontables. Parce que les conditions politiques et économiques sont pour la plupart réunies.

1er point, les conditions politiques. Sur l’ensemble de la planète, on constate que la pandémie de coronavirus qui aurait pu exacerber les antagonismes a, au contraire, justifié des solidarités, notamment au niveau de la recherche médicale. Mais cette épidémie a évidemment creusé les inégalités socio-économiques, non seulement à l’intérieur des Etats-nations, mais entre les pays eux-mêmes. Il existe donc une volonté internationale d’amortir les chocs liées à ces inégalités. Notamment en direction des pays émergents (l’Afrique ou l’Amérique du Sud).

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2e point, les conditions économiques se sont beaucoup détériorées mais elles ne sont pas catastrophiques, comme elles l’ont été au lendemain des deux grandes guerres mondiales. La mondialisation, qui a pu être accusée de tous les maux par des courants politiques populistes, a souvent servi de bouc-émissaire, mais on s’aperçoit aujourd’hui, alors que le monde se prépare à sortir de la crise, que les phénomènes de mondialisation sont incontournables. Même en Amérique où Donald Trump avait usé d’un discours sur le protectionnisme, la politique américaine n’a pas fondamentalement changé, notamment avec la Chine que l’ancien président vouait aux gémonies de l’histoire.

Avec la perspective de sortie de crise grâce à la vaccination, les antimondialistes ont changé de ton et nuancent leur discours. Quant aux mondialistes purs et durs, ils reconnaissent que la planète aurait besoin d’un peu plus de régulation.

3e point, les conditions financières. Le financement de la dette Covid a déclenché dans le monde entier une fièvre spéculative qui commence à inquiéter les acteurs de la finance mondiale. Tout se passe comme si les marchés financiers et boursiers avaient totalement ignoré la crise, et notamment son impact structurel sur les économies. La plupart des pays se sont endettés, soit pour soutenir les systèmes de production (c’est le cas des Européens), soit pour relancer les systèmes au moment de la sortie (c’est le cas des États-Unis avec Joe Biden). Il faudra rembourser cette dette, soit par l’inflation, ce qui reviendrait à ruiner les épargnants, soit par les impôts ce qui reviendrait à hypothéquer la reprise de croissance.

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Il faut donc trouver un rythme de croissance mondiale générateur de richesses, sur lesquelles on pourrait amortir à long terme la dette Covid. La seule solution est de passer par cet impôt mondial sur les bénéfices des entreprises.

4e point, le projet, tel qu‘il est présenté par Joe Biden, correspond aux esquisses qui avaient été faites par l’OCDE, et reprises par le FMI. Il a toutes les chances d’être accepté, à partir du moment où les États Unis le veulent et l’appliquent. Et les Etats-Unis peuvent l’appliquer sans soulever l’opposition des entrepreneurs. L’objectif du président américain serait de relever l’impôt sur les sociétés américaines de 21 % à 28 % mais ce relèvement s’appliquerait aussi aux entreprises américaines installées à l’étranger. En tenant compte de ce que les entreprises américaines paient déjà dans le monde. Une entreprise américaine, un Gafam, par exemple, installé en Irlande ou au Luxembourg, qui paie 10 ou 12% d’impôts sur son activité en Europe, serait obligé de verser un impôt supplémentaire aux USA, pour payer au total l’équivalent de ce qu’elle paierait aux USA, soit 28 %.

5e point, le projet américain ne peut qu’être accueilli favorablement par les autres pays membres parce que le taux proposé est encore inférieur à ce qui se pratique dans beaucoup de pays du monde, où les bénéfices des entreprises locales sont imposés au moins à 30 %. Donc elles ne seront pas touchées. Les principaux contributeurs seront donc américains et a priori, les gros contributeurs américains ont donné leur accord. Ils étaient même demandeurs, si on se souvient de ce que déclarait Jeff Bezos (Amazon) ou Bill Gates (Microsoft).

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6e point, l’application d’un tel impôt minimum mondial va rendre caduque la concurrence fiscale qui existe entre les pays. Une entreprise américaine n’aura aucun intérêt à céder aux sirènes de la fiscalité light d’un pays qui veut attirer des investisseurs. Aucune raison, aucun avantage à s’installer en Irlande ou au Luxembourg pour échapper à l’impôt américain.

Donc si la concurrence fiscale disparaît, les paradis fiscaux n’ont plus aucun intérêt.

Toutes ces conditions font que les antimondialistes ne peuvent qu’être favorables à l’impôt mondial, lequel ne peut que favoriser le fonctionnement d’une mondialisation un peu mieux régulée. Les acteurs de la mondialisation sont eux aussi sur la même longueur d’onde.

Reste à s’assurer les modalités techniques de l’application et elles sont nombreuses. Problème de transparence, problème de comptabilité, de recueil de données etc… qui ne sont pas évidents à régler, notamment dans des pays qui ont déjà du mal à respecter les règles de l’économie de marché. Ce problème étant le problème clef, qui fait de la Chine un pays très à part du reste du monde alors qu’il utilise l’économie de marché comme outil de développement et de progrès et qu‘il est au cœur de la mondialisation. L’initiative américaine est nécessaire. Elle ne sera évidemment pas suffisante.

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