Il en faut peu...
L’étude internationale qui montre que visiblement chez les enfants, l’argent ne fait pas le bonheur
Roumanie, Colombie et Algérie occupent respectivement les première, deuxième et quatrième place d'un classement des enfants les plus heureux du monde, selon la nouvelle étude de la Jacobs Foundation, menée sur 53 000 enfants de 15 différents pays.
Yves-Alexandre Thalmann
Yves-Alexandre Thalmann anime des ateliers centrés sur le développement de la communication interpersonnelle, la gestion des émotions et l'affirmation de soi. Auteur d'une douzaine de livres de développement personnel dont Le Décodeur psy (First, 2009), il exerce actuellement en Suisse et en France comme formateur, professeur et psychologue clinicien.
Florence Servan-Schreiber
Florence Servan-Schreiber est journaliste. Formée à la psychologie transpersonnelle en Californie, elle a été l'animatrice d'une chronique dans Psychologies, un moment pour soi sur France 5 - la déclinaison télévisuelle de Psychologies magazine- en 2004 et 2005.
Elle est notamment l'auteure de "Trois kifs par jours et autres rituels recommandés par la science pour cultiver le bonheur" publié aux éditions Marabout.
Atlantico: Une grande étude de la Jacobs Foundation a récemment montré que les enfants du monde entier, entre 10 et 12 ans (étude sur 53 000 enfants de 15 pays différents), sont relativement heureux, quelle que soit leur situation matérielle. Le bonheur serait relatif à l'enfance ?
Florence Servan-Schreiber : Au cours de notre développement, l’enfance est une période tout à fait particulière. Les enfants vivent dans le présent et dans le lieu dans lequel ils se trouvent. Ils sont ancrés dans leur réalité avant de réaliser qu’il y en a d’autres. Tout n’est pas encore histoire de comparaison, de projections ou de regrets. Ce qui, adulte, nous crée du tourment, vient de l’accumulation de nos expériences et situations qui nous empêchent, de profiter pleinement de ce que nous traversons à un moment donné. Nos interprétations nous poussent à redouter l’avenir ou regretter le passé. Les enfants se satisfont de leur environnement et l’imitent.
Yves-Alexandre Thalmann: La définition même du bonheur dépend des personnes interrogées, donc aussi de l’âge. La notion de plaisir est centrale dans la définition du bonheur enfantin (dimension hédonique du bonheur).
Cette étude laisse penser que, pour les enfants, l'argent ne fait pas le bonheur. Peut-il en aller ainsi également à l'âge adulte ?
Yves-Alexandre Thalmann:Pour être très précis, la psychologie positive a montré que l’argent ne fait pas autant le bonheur que l’on croit. Les revenus jouent un rôle important pour couvrir les besoins de base. Une fois ce seuil franchi, les augmentations de revenus ne se traduisent plus que modérément en augmentation de bien-être.
Dans cette étude, les enfants roumains sont à la première place du classement du bonheur, alors que les adultes roumains ne sont qu'à la douzième place. L'optimisme est-il une caractéristique de l'enfance qui tendrait à disparaître avec l'âge ?
Yves-Alexandre Thalmann:C’est la définition du bonheur qui change. Notamment, pour les adultes, la dimension eudémonique du bonheur importe : l’engagement dans une activité qui fait sens et le contentement des choses accomplies. Là où le chômage et les difficultés économiques sévissent, il est plus difficile de trouver le bonheur.
Cette étude montre également que les enfants coréens, à la dernière place du classement du bonheur, arrivent à la 7ème place à l'âge adulte. Sachant que le système scolaire coréen est très exigeant, le bonheur est-il plus lié à la notion de performance de la société plutôt qu'à l'accumulation de biens matériels ?
Yves-Alexandre Thalmann: L’accumulation de biens matériels n’intervient pas dans l’équation du bonheur, comme l’a montré le croisement des données du PNB des Etats-Unis d’Amérique et le niveau de satisfaction des Américains sur les 50 dernières années : le niveau de bonheur n’a pas évolué, il stagne vers 7.2 sur une échelle allant jusqu’à 10.
Ceci-ci, les écoliers coréens sont soumis à des pressions terribles qui fragilisent leur santé psychique…
Le bonheur est une notion floue à évaluer. Quels critères peut-on prendre en compte pour le mesurer ?
Yves-Alexandre Thalmann:On peut par exemple prendre les critères utilisées par l’étude récemment publiée qui place les Suisses sur la première place du podium : pour dresser leur palmarès, les chercheurs ont utilisé les critères suivants : l'espérance de vie en bonne santé, le PIB (produit intérieur brut) par habitant, le soutien social, la confiance (mesurée par la perception d'une absence de corruption politique ou dans les affaires), la perception de liberté dans ses choix de vie, ainsi que la générosité.
Finalement, doit-on être pauvre pour être heureux ?
Yves-Alexandre Thalmann:Bien sûr que non ! Pour être heureux, il faut travailler à son bonheur : l’un des secrets consiste à savoir apprécier tous les bienfaits dont nous jouissons déjà, mais que nous avons tendance à oublier.
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