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L'éternelle remise en question de l'efficacité de Nicolas Hulot au gouvernement
©JEAN-FRANCOIS MONIER / POOL / AFP

Bonnes feuilles

La mission du ministre de la Transition écologique s'avérait de plus en plus impossible auprès de l'Elysée. Extrait du livre "Les Paradoxes de Monsieur Hulot" de Jean-Luc Bennahmias avec Emmanuelle Raimondi, publié aux éditions de L'Archipel (2/2).

Emmanuelle Raimondi

Emmanuelle Raimondi

Emmanuelle Raimondi, journaliste, a travaillé plusieurs années à l’Assemblée nationale et au Sénat.

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Jean-Luc Bennahmias

Jean-Luc Bennahmias

Jean-Luc Bennahmias a été député européen (2004-2014). il fut le secrétaire national des Verts de 1997 à 2001. Il a appelé sans succès à une candidature de Nicolas Hulot à la présidentielle de 2007. Actuel coprésident de l’Union des démocrates et des écologistes, il a été candidat à la primaire de la gauche de janvier 2017. Après les Verts et le Modem qu'il a quitté à l'occasion des municipales de 2014, il cultive l'aletrnative d'une "démocratie social-libertaire".

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« Vous êtes un ministre du symbole ou de l’efficacité ? » À cette question d’une lectrice du Parisien, Nicolas Hulot répondait par cette phrase particulièrement sincère, lorsqu’on connaît un peu le personnage : « Tant que j’aurai le sentiment de construire des choses durables, irréversibles, je serai au rendez-vous. Mon efficacité, c’est la seule condition de ma présence au gouvernement. Si ce n’est pas le cas, je ne vois pas de raison de rester » (interview du Parisien, 22 septembre 2017). C’est précisément son efficacité qui est perpétuellement remise en question.

En mai 2017, la nomination de Nicolas Hulot avait suscité un immense espoir parmi les ONG et les citoyens préoccupés par l’urgence écologique. Il promettait d’utiliser sa nouvelle fonction et sa popularité pour « verdir » un Emmanuel Macron trop libéral. Mais les vœux pieux ont persisté au détriment de l’action. L’objectif de baisser de 75 à 50 % le taux d’électricité d’origine nucléaire d’ici à 2025, la diminution de la pollution de l’air, le soutien à l’agriculture bio, l’amélioration du bien-être animal, la lutte contre les pesticides tueurs d’abeilles, toutes ces attentes du grand public sont pour l’instant… en « stand-by ». Le ministre réclame du temps. Mais on sait pertinemment que les réformes qui ne sont pas adoptées la première année du mandat ont de fortes chances de ne jamais l’être. On peut dès lors faire preuve de pessimiste quant au développement des énergies renouvelables, même si Nicolas Hulot en a fait un autre cheval de bataille et veut lutter contre les réglementations trop contraignantes.

Avec l’opinion publique ou les ONG qui l’accusent de renier ses convictions et les combats qu’il défendait par le passé, Nicolas Hulot, un peu tartuffe sur les bords, botte toujours en touche, arguant qu’il ne peut pas substituer sa conscience personnelle à une conscience collective.

Auprès des écologistes qui trouvent qu’il ne va pas assez vite, ou qu’il trahit la cause, Nicolas Hulot en appelle à « la République des communs » :

— Pour être vraiment écologiste à leurs yeux, il faut être antinucléaire, antimilitaire, anti-ceci ou cela. Je caricature, mais il faut être capable aussi de se mettre à la place de ceux auxquels on s’adresse. Il faut se retrouver sur l’essentiel. On peut toujours taper sur les défauts de l’un, de l’autre… mais il faut se retrouver sur des communs, sur l’essentiel. On n’est pas là pour s’embrasser sur la bouche, mais parce qu’on a des convictions. Et les petites querelles… même Jadot qui n’a pas été sympa avec moi, l’autre jour à Strasbourg je lui ai tapé sur l’épaule. Mais je ne suis pas amnésique. Je ne somatise pas, mais je n’oublie rien, ça, il faut que chacun le sache (entretien avec Nicolas Hulot, 12 février 2018.)

Nicolas Hulot reste dans le paysage politique et écologique français un personnage à part. Une vedette qui suscite la sympathie par ses incroyables aventures. Un homme qui a sans doute permis, à sa façon, d’éveiller les consciences. Mais il n’est fondamentalement pas un homme politique. Emmanuelle Cosse ne s’y est pas trompée :

— Nicolas a plusieurs atouts pour lui, hormis sa popularité. Ce n’est pas un politique, donc il a une certaine liberté. Il a un bon niveau de vie. S’il s’arrête demain, il peut donner des conférences grâce auxquelles il gagnera très bien sa vie. Il n’a pas d’enjeux électoraux, de circonscription à défendre, il n’a donc aucune obligation d’aller au charbon. Le week-end, il se repose. Il fait ses trucs à lui, c’est une très grande chance. Il peut utiliser tout son temps à son ministère et s’il échoue, il s’en fiche, sauf pour son amour-propre. Je ne suis pas sûre qu’il se rende compte de cette chance (entretien avec Emmanuelle Cosse, 13 octobre 2017)

Ni sauveur ni leader, Nicolas Hulot n’est que lui-même : un homme avec ses forces et ses faiblesses. Et d’ailleurs, il n’a jamais tellement prétendu être autre chose. À sa décharge, le modèle étatique de la Ve République favorise plutôt le ministre gestionnaire. En plus de quarante ans, on ne peut guère retenir que Simone Veil, avec la légalisation de l’IVG, Robert Badinter, avec l’abolition de la peine de mort, Michel Rocard, avec la création du RMI, et Christiane Taubira, avec le mariage pour tous, comme ministres « activistes » ayant contribué à changer profondément la société. On ne retiendra sans doute pas Nicolas Hulot comme l’auteur du changement irréversible en faveur de l’environnement. Mais on peut se tromper…

La question mérite d’être posée : le macronisme est-il, dans son essence, compatible avec l’écologie ? Plusieurs indicateurs laissent penser que non : croissance à tout prix, business avant tout… La notion de croissance verte ne semble pas du tout centrale. Mais une fois sorti du discours qui sied à sa fonction de ministre, il est surprenant de constater où va la préférence de Nicolas Hulot :

— La France insoumise est un aiguillon qui n’est pas toujours dénué de fondements, avec une vision plus intégrale. Ils ont une analyse du modèle économique, marchand, de la mondialisation, qui est une question que beaucoup occultent. Car la question fondamentale, elle, n’a pas été traitée ! On n’en est pas encore au point de remettre en cause le modèle dominant, qui est quand même la cause de tous les désordres. C’est l’étape d’après, cela vient petit à petit.

Extrait du livre "Les Paradoxes de Monsieur Hulot" de Jean-Luc Bennahmias avec Emmanuelle Raimondi, publié aux éditions de L'Archipel 

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