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L’été meurtrier d’Emmanuel Macron : la hollandisation est-elle en marche ?
©ERIC FEFERBERG / AFP

Déception

Le discours du Congrès d'Emmanuel Macron et du discours de politique générale d'Edouard Philippe ont créé les premiers déçus du macronisme, notamment en raison du report de certaines promesses.

Alexis Massart

Alexis Massart

Alexis Massart  est directeur d'Espol, école européenne de sciences politiques et sociales de l'Université catholique de Lille.

 

 

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Atlantico : La séquence de cette semaine du 3 juillet, entre le discours du Congrès d'Emmanuel Macron et du discours de politique générale d'Edouard Philippe a été à la source des premiers déçus du macronisme, notamment en raison du report de certaines promesses, sur des questions aussi diverses que la taxe d'habitation, de l'ISF, ou de la transformation du CICE en une baisse de charges. Au regard de ce contexte, dans quelle mesure Emmanuel Macron prend-il le risque d'un été dangereux, dans un enchaînement qui est passé d'une victoire construite sur une base sociologique faible, à un forme d'état de grâce ou les Français ont souhaité lui "donner sa chance", à cette séquence de renoncement et de reports ? La déception d'une incapacité à répondre rapidement à la demande de "renouveau" pourrait elle se construire aussi rapidement que la popularité d'Emmanuel Macron durant la campagne électorale ? 

Alexis Massart : Le premier été suivant l’élection des deux derniers présidents ne leur a pas spécialement réussi. Inévitablement Emmanuel Macron va aborder cette période avec une certaine prudence. La séquence de la semaine, entre le discours devant le congrès et la déclaration de politique générale du premier Ministre a un bilan assez paradoxal. Autant les responsables politiques et commentateurs ont pointé du doigt une forme d’indélicatesse du Président vis à vis du locataire de Matignon, autant les français semblaient assez favorable au rétablissement d’un ordre institutionnel que les deux précédents Présidents avaient quelque peu écorné. De ce point de vue, la complémentarité d’un Emmanuel Macron qui fixe le cap et un Edouard Philippe qui détaille les mesures a été plutôt réussie. C’est en tout cas ce qu’indiquaient les enquêtes d’opinion. Où cela a commencé à coincé un peu c’est au niveau des mesures annoncées. Si une bonne partie d’entre elles sont plutôt acceptées (vaccination obligatoire, réforme de l’éducation…) une vient par contre très clairement perturber l’ensemble, c’est celle de la hausse de la CSG. La pilule, pourtant annoncée, semble avoir du mal à passer dans une grosse majorité de la population. A coté de ces annonces, il y a effectivement quelques reports qui risquent du coup de donner une image plus mitigée d’un véritable esprit de reforme et de rénovation. A ce stade la messe n’est pas dite mais la vigilance est nécessaire tout de même pour le Président.

Dans quelle mesure ces différents reports des promesses faites pourraient elle faire courir le risque à Emmanuel Macron de faire rimer le début de son quinquennat avec celui de François Hollande ? La hollandisation d'Emmanuel Macron est-elle un risque sous estimé par le Président lui même, et ce, dans un climat de rentrée qui pourrait raviver les tensions du pays autour de la loi travail ? 

Les ordonnances devant réformer le code du travail vont être un moment stratégique pour Emmanuel Macron. Si le dialogue social de cet été est bien géré, il pourra en bénéficier directement. En cas inverse, le climat social risque de se durcir et une opposition dans la rue pourrait très bien voir le jour. Ceci étant, cette séquence est volontairement programmée dès le début du quinquennat, ce qui laissera le temps de se relever si la situation se dégrade. C’est très certainement également le pari fait sur les reports annoncés, habillés de façon assez habile par le rapport de la Cour des comptes et les 8 Milliards manquants pour boucler le budget. Là encore, pas de mise en accusation directe du précédent gouvernement, simplement un rappel des chiffres qui justifient les reports.

Quant à la hollandisation d’Emmanuel Macron, c’est tout de même fort peu probable. Les signes donnés depuis l’élection présidentielle, quelque soit le sujet, montrent bien qu’il y a une maitrise de la communication et des actes présidentiels. Eviter de reproduire ce qui a tout de même plombé le quinquennat précédent est au centre de la stratégie.

Emmanuel Macron semble suivre de près l'évolution de sa courbe de popularité, ce qui a pu être révélé par des discours peu clivant, et une formule répétitive du "en même temps" afin de séduire le plus grand nombre. Dans quelle mesure la leçon tirée du quinquennat Hollande, Président qui n'a pas su conserver une côte de popularité auprès des Français, pourrait elle être immobiliser l'action du nouveau locataire de l'Elysée ? Une course à la popularité pourrait elle conduire l’exécutif à l'impuissance ? 

Le suivi de la côte de popularité est un grand classique des responsables politiques. N’oublions pas les fameux sondages de nicolas Sarkozy qui en avait fait sa boussole. Dans le cas d’Emmanuel Macron, cette volonté d’être peu clivant n’est que la suite logique de sa campagne présidentielle. Il a cherché à incarner un vaste rassemblement de citoyens issus tant de la droite que de la gauche. Logique donc aujourd’hui de le voir poursuivre dans ce sens. L’enjeu est de transformer au fil du temps cette adhésion à une posture en une adhésion à un projet. Un tel bouleversement ne peut se faire du jour au lendemain. C’est l’évolution des réformes promises pendant la campagne, leur acceptation, qui permettront de juger sa capacité à transformer l’essai des présidentielles. A ce stade, dans le cadre d’un système politique en profonde mutation, il est trop tôt pour anticiper la réussite de l’opération. De nombreuses questions se posent encore. La plus actuelle, en dehors de la sphère gouvernementale, est liée à l’organisation de LREM. Le lancement du mouvement En Marche, très participatif et faisant appel à de nombreuses personnes en dehors de la sphère politique traditionnelle, a certainement fait naitre de multiples attentes, parfois contradictoires, de ceux qui s’y sont engagés. Si les attentes ne sont pas satisfaites, le retour peut être violent. Des « Marcheurs" en colère semblent déjà se manifester. Si le phénomène est endigué par des réponses satisfaisantes cela n’ira pas plus loin, si ce n’est pas le cas par contre...

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