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Étudiants, notre monde digital ne remplacera jamais la socialisation dont nous manquons tous.
©Reuters

Claire obscure

Pour une partie de la communauté étudiante, l'annonce du confinement au tout début à cause de la pandémie de nouveau virus Covid-19 est l’occasion d’une profonde réflexion sur leur place dans la société.

Anas El Baye

Anas El Baye

Anas El baye, étudiant à l’IHECS en communication appliquée

 
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L’annonce du confinement au tout début à cause de la pandémie de nouveau virus Covid-19 a engendré différentes formes de réactions au sein de la communauté étudiante. 

Pour beaucoup d’entre nous, c’était un sentiment de soulagement un peu immature comme lorsque l’on était écolier à l’arrivée des vacances, où ces fameux jours où les transports publics ont décidé de faire la grève. Ou bien encore quand le professeur était malade et que l’on se retrouvait libre pour la journée. On avait alors le droit de rentrer chez nous, nous affaler pour regarder nos dessins animés préférés ou encore jouer aux jeux vidéo. Pour ceux-là, c’était un sentiment de libération d’une responsabilité : la présence quotidienne à l’établissement, l’assiduité pour nos professeurs et nos parents, la recherche du confort et la chaleur de la maison retrouvés. Pour d’autres, l’occasion d’une profonde réflexion sur notre place dans la société, et sur notre vie d’étudiant au quotidien jusque-là. 

Une épreuve qui génère du stress

Or cela fut presque un mois que l’on est confinés tous étudiants que nous sommes. Tout change du jour au lendemain : la digitalisation de l’enseignement est devenue un quotidien à apprivoiser tant pour nous que pour le corps professoral. Désormais, nous pouvons suivre les leçons du canapé, revoir celles qui étaient déjà en ligne auparavant, faire nos devoirs de notre propre gré et au moment où on le décide. C’est pratique certes. Mais en revanche, le manque de socialisation nous a conduit d’un coup d’un seul à rentrer en profondeur sur notre nuage intérieur, celui qui se bagarre chaque jour avec le smart cloud où nous sommes connectés en permanence. Finalement poussés à une certaine productivité scolaire intense malgré la distance physique, cela nous rappelle aussi les périodes de blocus: le stress supplémentaire souvent inutile, inadéquat en ces moments de grande panique mondiale, dans l’optique de pousser les étudiants à se motiver. Et ce, souvent sans tenir compte des différentes situations qu’ils vivent avec d’autres membres de la famille, ou même sans leur famille. Beaucoup, en prise avec l’urgence quotidienne, pratique et matérielle, sont loin d’être tranquilles ou sereins pour se concentrer. Et cela a un effet contreproductif trop important, plongeant certains à décupler encore plus de moments d’angoisse, de stress, voire de dépression pour les plus fragiles.

La nécessité de socialiser difficile à canaliser

Il est évident que rester chez soi en ce moment est une responsabilité fondamentale et une obligation renforcée par la loi. C’est un devoir civique, même comme étudiant. Surtout comme étudiant. Or, plus de 27 000 PV ont été dressés par la police pour des infractions liées au confinement depuis le début de la quarantaine : la moitié des réfractaires sont pourtant des personnes de moins de 30 ans. Ce chiffre nous montre, que pour une catégorie de population plutôt d’étudiants ou de jeunes travailleurs, socialiser n’est pas juste un loisir, mais une nécessité. Le partage des mots, des énergies, des aventures, des corps est presque devenu une habitude qui aveugle beaucoup de ces jeunes du danger actuel de l’épidémie. Cela n’est certainement pas une excuse, mais un appel pour prendre en compte le besoin primordial de la socialisation et l’équilibre qu’elle apporte à la santé morale d’un étudiant. Il y a un risque que certains s’enferment encore plus dans le virtuel au-delà de la pandémie. Les papotages et soirées en ligne, les visioconférences, ne semblent pas être à la hauteur de ce besoin quotidien de faire face à la société : il faut réfléchir d’autant plus en ce moment à un apprentissage conscient de ce qu’est être un individu dans un groupe social de nos jours. De ses droits mais aussi de ses devoirs. 

La dépendance sur le digital

Aujourd’hui, nous sommes tous dépendants du digital. Nous avons tous créé cette e-identité qui souvent est différente de notre vraie personnalité et dont nous pouvons avoir du mal à sortir: certains plus timides dans la vraie vie sont les plus audacieux et les plus blagueurs derrière leur écran, d’autres plus à l’aise dans la réalité sont les plus discrets et réservés sur les réseaux sociaux. On ose aborder quelqu’un et s’informer facilement, tout semble possible. Mais le danger de cette dépendance est silencieux et pernicieux : il s’agit dès lors pour le jeune individu isolé d’une immersion totale dans une réalité fabriquée parallèle à ce manque de socialisation. A l’image de ceux qui regardent des films érotiques, cela devient vite une habitude voire une addiction. Le flux de dopamine et d’autres hormones secrétées naturellement par l’Homme quand il échange avec de vraies personnes en chair et en os est remplacé par un flux artificiel, une confiance en soi manufacturée et une estime de soi bien éphémère. Ce vent digital nous mène vers n’importe quelle direction, une vidéo nous rend heureux, une image nous énerve : tout cela génère une soupe d’émotions farouches et le cerveau devient de plus en plus confus et distrait ; sans la moindre possibilité de concentration, et donc, de productivité au final. 

Un temps cadeau pour se mettre en question :

Nous sommes noyés dans un temps infini en ce moment. Mais le temps libre a de la valeur avant tout quand on ne le possède pas. Le principe de la rareté. C’est le moment pour se remettre en question et ceci ne demande pas une réflexion épistémologique ni un effort inouï surhumain. Mais dans cette absence de réalité habituelle, et quelque part protégé, il faut en profiter pour songer à corriger certaines habitudes sociales nocives dont on pourra se passer à l’avenir : des fréquentations toxiques, des attirances pour des situations de danger, un tropisme à se faire manipuler ou l’inverse, etc. En outre, c’est ainsi le temps pour nous de reprendre les activités physiques, l’apprentissage de nouvelles langues ou de nouveaux instruments, se concentrer sur ce qu’on sait avoir, redevenir curieux, apprendre à jouer avec l’ennui, lâcher les écrans, dresser ses propres mesures barrières contre le stress qui reviendra. Se reconnecter avec son vrai soi. Une fois la levée du confinement effectuée, ce sera le grand retour tant espéré de cette socialisation, un partage et un équilibre à retrouver avec les Autres. Sachons déjà préparer ce moment, et préparer à cet effet la meilleure version de nous-même qui n’est pas si loin que cela. Et qui soyons en sûrs est bien loin des écrans de la virtualité. 

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