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L’autre procès du siècle : l’État attaqué pour inaction sécuritaire
©LOIC VENANCE / AFP

Justice pour tous

L'Institut pour la Justice est en train de déposer un recours pour « inaction sécuritaire » à l'encontre de l’État après du tribunal administratif de Paris.

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève est délégué général de l'Institut pour la Justice. 

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Atlantico : L'Institut pour la Justice a décidé d’attaquer l'État pour « inaction sécuritaire » qu’est-ce que vous reprochez concrètement à l’Etat ? 

Pierre-Marie Sève : L’Institut pour la Justice plaide pour une Justice plus ferme depuis 15 ans. Cela fait 15 ans que nous faisons voter des lois et des amendements… sans succès. 15 ans que nous alertons les médias, les milieux judiciaires, policiers etc… également sans succès.

Nous reprochons donc à l’Etat d’utiliser les mêmes remèdes contre l’insécurité depuis 30 ans, alors que la situation continue d’empirer, année après année. Nous lui reprochons de ne pas écouter les lanceurs d’alerte et de ne pas utiliser la fermeté contre la délinquance. Nous lui reprochons également de minimiser l’insécurité et la délinquance, au-delà même des limites du jeu politique. Non, les statistiques ne s’améliorent pas. Non, le sentiment d’insécurité n’est pas un fantasme. 

C’est également une plainte qui est le fruit d’une accumulation : les déclarations des ministres, les scandales judiciaires et les promesses non-tenues s’accumulent, et pendant ce temps-là, les faits divers continuent de faire des victimes. Tout cela témoigne d’un dédain pour le sujet et d’une totale absence de prise de conscience du problème. Il fallait frapper un grand coup.

Quels sont, selon vous, les éléments qui témoignent de « l’inaction sécuritaire » de l’Etat et qui motivent juridiquement votre action en justice ?

Sur le dernier quinquennat précédent, un seul fait pourrait illustrer l’inaction de l’Etat : la promesse non-tenue d’Emmanuel Macron quant au nombre de places de prison. Candidat en 2017, il avait promis la construction de 15 000 places de prison. Aujourd’hui, il n’a pas atteint les 3000.

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Le manque chronique de places de prison est, pour moi, la preuve que l’Etat ne souhaite pas régler le problème de l’insécurité. On estime qu’il faudrait environ 100 000 places de prison pour ne serait-ce que répondre aux besoins actuels. Or, nous atteignons à peine les 65 000.

Mais plus largement, l’inaction de l’Etat français remonte à plus loin. Depuis le début des années 2000, l’Etat a organisé sciemment l’impunité. Avec l’instauration des aménagements ab initio, les délinquants condamnés à jusqu’à 2 ans de prison ferme étaient quasi-automatiquement renvoyés chez eux en « détention à domicile », ce qui n’a strictement aucun sens. Ces aménagements ab initio sont un véritable mensonge institutionnalisé et bien peu de gens connaissent l’existence de ce scandale.

Pourtant, sur le fond, chaque citoyen français possède, en vertu de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789, un droit à la sûreté, inscrit à l’article 2 de cette déclaration. Ce droit est donc un droit constitutionnel, puisque la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen a été inscrite dans le préambule de la Constitution par le conseil constitutionnel.

Qu’attendez-vous comme résultats d’une telle procédure judiciaire ? L’Etat a été condamné pour inaction climatique. Pensez-vous qu’il est possible d’obtenir le même résultat pour les enjeux de sécurité ? 

Je pense que c’est tout à fait possible, voire probable, que l’Etat soit condamné pour « inaction sécuritaire » car tous les éléments sont réunis. Naturellement, je doute que cette condamnation n’ait un effet coercitif immense, elle serait certainement symbolique. Mais dans cette affaire, il y a deux procès : le procès judiciaire et le procès public. Ce procès public est le débat que suscite et que suscitera notre plainte. Je pense que, dans tous les cas, l’Etat français ne peut pas gagner ce second procès. L’Etat est fautif et la majorité des Français le sait déjà.

Que faudrait-il que l’Etat fasse, selon vous, pour mettre fin ou tout du moins pallier cette inaction sécuritaire que vous dénoncez ? 

Il faudrait tout d’abord une prise de conscience, au plus haut niveau de l’Etat. Le président de la République doit prendre conscience du danger qui guette chaque Français, tous les jours. Ensuite, il faut naturellement que le Président de la République et ses ministres agissent et s’expriment en conséquence. 

La fermeté, à tous les niveaux, doit être mise en place : la fin des aménagements de peine à l’audience et la réduction des autres aménagements de peine en cours de peine. Pour cela, il faudra construire des dizaines de milliers de places de prison. Une autre urgence est le rétablissement des peines planchers, qui existent chez tous nos voisins européens, sauf en France. Il faut également que les moyens des magistrats soient augmentés et que l’Etat investisse vraiment pour sa Justice. Il faut enfin mettre fin au chaos migratoire. L’immigration, légale et illégale, nourrit en partie l’insécurité et il faut y remédier : instaurer l’expulsion des délinquants étrangers, ou a minima les criminels étrangers, me semble être une mesure de bon sens, qui existe d’ailleurs déjà chez certains de nos voisins.

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