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Des députés Nupes brandissent le règlement de l'Assemblée nationale, le 6 février.
Des députés Nupes brandissent le règlement de l'Assemblée nationale, le 6 février.
©LUDOVIC MARIN AFP

Ambiance délétère

Derrière les frasques et polémiques incessantes générées par la NUPES, les autres partis présents dans l’hémicycle ont eux aussi des comportements toxiques, bien que plus discrets

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Le député Nupes Thomas Portes a été exclu 15 jours de l'Assemblée nationale après avoir posé avec un ballon à l'image d'Olivier Dussopt sous le pied. A quel point est-ce symptomatique de l'ambiance globale à l'Assemblée nationale ?

Maxime Tandonnet : En effet, l’Assemblée nationale est en ébullition et les députés Nupes se manifestent par des comportements d’une rare agressivité qui se multiplient : ballon à l’effigie de M. Dussopt, mais aussi diffusion sur twitter d’une liste de députés à raison de leur vote, déclarations intempestive de Mme Rousseau sur la retraite de Mbappé, claquements de pupitre, chahut pour empêcher un orateur de s’exprimer, grossièretés (« ta gueule », « casse-toi »)… On peut voir ces choses à deux niveaux : tout d’abord, une ambiance de cour de récréation, qui mine l’image de l’Assemblée nationale et risque de pousser les électeurs à toujours plus d’abstentionnisme. Mais aussi, au second niveau, on peut voir cela comme le reflet du chaos dans le pays, la banalisation de la violence et de l’irrespect, la montée de l’anomie (affaiblissement des valeurs de la vie en société). Les deux sont vrais. Personnellement, à choisir entre deux maux, je préfère une Assemblée nationale où il se passe quelque chose, même chaotique ou violent, qu’une Assemblée nationale éteinte et aseptisée, simple chambre d’enregistrement comme celle du premier quinquennat Macron.

Comment en sommes-nous arrivés à ce chaos de l'Assemblée nationale, notamment incarnée par la Nupes ?

Le chahut et le chaos viennent en apparence de la Nupes mais il faut voir que ce déchaînement trouve ses sources ailleurs. C’est devenu une habitude au plus haut niveau de la politique française de pratiquer la grossièreté mépris et l’injure au nom de la transgression. Ce ne sont pas des parlementaires qui ont traité les personnes défavorisées de « sans-dents » ou certains Français de « fainéants », « ceux qui ne sont rien » et ne « peuvent même pas se payer un costume », « Gaulois réfractaires ». Ce ne sont pas des parlementaires qui ont eu « très envie d’emmerder les non vaccinés » c’est-à-dire une catégorie de compatriotes. Ce ne sont pas des parlementaires qui ont utilisé en premier des mots grossiers comme « bordel, bordeliser, bordelisation »… Le chaos à l’Assemblée nationale est une conséquence directe du mépris de la classe dirigeante qui s’exprime depuis fort longtemps. Bien sûr les chahuteurs ne respectent pas les normes de la correction parlementaire. Mais ce n’est que la conséquence d’une banalisation du mépris de la classe dirigeante envers la Nation. Et ne parlons même pas des problèmes de corruption, des mises en examen non suivies d’une démission, dont l’effet est encore pire pour l’image de la politique que les bagarres de cour des récréation dans l’hémicycle.

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Qui sont les responsables de la situation ? 

Les responsables directs, visibles, désignés par les médias sont certes les députés Nupes. Mais ils ne sont pas les seuls loin de là. Quand les députés de la majorité quittent massivement l’hémicycle furibonds d’être mis en minorité sur un texte, ils ne se comportent pas mieux… Même si les médias mettent moins l’accent sur leur attitude qui est tout aussi invraisemblable. Quand certains responsables LR se mettent à vilipender voire insulter des députés LR en raison de leur position divergente de celle du parti sur la réforme des retraites, ils ne se comportent pas mieux non plus… Et quand l’exécutif annonce son intention d’abréger les débats sur la réforme des retraites en recourant aux artifices de la Constitution (article 47-1), après avoir utilisé à plus de dix reprises l’article 49-3, un record absolu en si peu de temps, il contribue évidemment à attiser les tensions. Le chaos et la violence parlementaires sont aussi une réponse à des attitudes de l’exécutif ressenties comme des provocations.

Comment sortir de cette situation de blocage politique aux conséquences si délétères ?

Le problème, c’est que la France a perdu sa culture démocratique. Elle élit un chef de l’Etat par défaut sur la base de promesses sorties de son chapeau lors d’une campagne électorale, sans discussion, sans réflexion collective. Ce scrutin présidentiel, largement manipulé par le pouvoir médiatique (qui met en valeur tel ou tel candidat) est censé désigner un demi-dieu tout puissant. Ensuite, les élections législatives se déroulent dans l’indifférence du pays, avec un taux d’abstention gigantesque de plus de 54% en 2022.  Il résulte de ce désintéressement une Assemblée déchirée, chaotique, dominée par des passions violentes. Une Assemblée élue avec moins de 50% des électeurs n’a pas la même légitimité pour incarner la Nation qu’une Assemblée élue comme jadis avec 70 ou 80% des électeurs. D’où sa fuite en avant dans le grand-Guignol pour attirer l’attention des médias et du public. Il faut tout repenser dans la démocratie française, par exemple découpler les présidentielles et les législatives, faire un usage fréquent du référendum comme mode d’exercice de la souveraineté, par exemple sur un sujet aussi sensible que celui des retraites en cessant de croire que la nation est moins intelligente ou moins responsable que ses prétendues élites dirigeantes.

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