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L'agriculture est essentielle à la France
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Terroir et économie

Le salon de l'agriculture se termine. A l'heure du bilan, la France a des raisons de protéger de protéger cette activité à part.

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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L’agriculture est essentielle à la France. Pendant des siècles, la paysannerie a été une condition subie, elle est aujourd’hui revendiquée comme un statut par beaucoup d’agriculteurs français. Le monde paysan français est encore loin d’avoir fait sa révolution. Pourtant, certaines des valeurs qu’il porte méritent d’être sauvées, comme par exemple, l’attachement aux territoires.

La géographie de la France est exigeante. Elle alterne zones de montagnes et de plaines, élevage et grandes cultures. La France produit de tout, à des prix souvent plus élevés que ses concurrents, mais ces productions garantissent l’emploi dans des territoires menacés de désertification. L’activité agricole est une des dernières activités économiques dans une partie du Massif central, dans le Jura, les Vosges, une partie du Sud Ouest. Avec elle, l’agro industrie a pu se développer, alimenter nos exportations et offrir des emplois qualifiés à des jeunes qui auraient été contraints de rejoindre les villes.

Des vérités bonnes à dire

En déclarant la guerre à la spéculation sur les matières premières agricoles, le président de la République réaffirme que l’alimentation du monde est un actif stratégique pour l’humanité. On peut jouer en bourse, prendre des risques, des paris, sur des choix d’entreprises, sur de nouveaux produits, sur des technologies innovantes, mais la production alimentaire est une activité à part qu’il faut protéger. La spéculation radicalise le jeu de l’offre et de la demande. Quand l’offre est insuffisante, les spéculateurs font artificiellement monter les prix. Ces spéculateurs sont des personnes privées, des fonds souverains, souvent des fonds asiatiques. Faut-il rappeler que grâce à ses immenses réserves en dollars, la Chine est à la tête d’un fonds colossal de plus de 2000 milliards de dollars ? Cet argent travaille, il écume les places financières et notamment le marché de Chicago où sont cotées les productions agricoles.

Réduire le poids de la spéculation dans le secteur des matières premières agricoles reviendra à utiliser les vieilles recettes du mouvement coopératif. Des recettes qui ont fait leur preuve et assurent la durabilité de l’activité agricole et des marchés de l’alimentation : il faudra constituer des stocks et relâcher des volumes quand la demande du marché l’exigera. Il faudra aussi, comme le demande Monsieur Sarkozy dans le cadre du G20, mieux utiliser l’information et mieux la partager pour éviter les émeutes de la faim pour les plus pauvres, et l’inflation alimentaire pour les autres. La France est bien décidée à garder ses « paysans », mais la communauté nationale attend aussi un changement de cap de leur part.

Refonder le compromis entre les agriculteurs et la nation

Le monde agricole français a raté tous ses rendez vous au cours des trente dernières années : les paysans ont accepté la réforme de 1992 qui modifiait les modalités de soutien de leurs productions ; nous sommes passés de subventions à la production à des subventions aux revenus des producteurs. Trop préoccupés par leurs propres problèmes, les agriculteurs ont laissé la chaine de valeur se construire sans eux. Ils ont laissé les mains libres aux industriels et aux distributeurs qui ont bien fait leur travail. Les agriculteurs ont ignoré qu’ils étaient d’abord des chefs d’entreprises. Du coup, les prix ont augmenté, sauf pour eux. Au même moment, les distributeurs ont pris la parole pour s’adresser aux consommateurs.

Les agriculteurs devraient être furieux de voir de grands distributeurs communiquer aujourd’hui, à leur place, sur les terroirs ou sur  le talent des régions. La GD contrôle leurs marges et s’est appropriée leur savoir faire pour le transformer en valeur ajoutée. Le salon de l’agriculture s’achève. Il reste très populaire avec plus de 650 000 visiteurs par an, presque 1% de la population française. Les Français aiment l’agriculture, mais ils se méfient des agriculteurs. Les écologistes les plus radicaux ont même réussi le tour de force de faire passer les agriculteurs pour les principaux pollueurs du pays : paysans pollueurs et chasseurs de primes, voila l’image dominante qui s’impose à l’opinion publique.

Le nouveau président du syndicat majoritaire la FNSEA n’a certainement pas manqué de s’interroger sur les dégâts collatéraux des stratégies mises en œuvre par ses prédécesseurs. Le monde agricole français et à travers lui, le syndicalisme ne s’adressent plus à l’opinion depuis trop longtemps. « Les paysans », pour reprendre une expression qu’il faudrait absolument bannir, se parlent à eux-mêmes ou parlent aux politiques. Ils ont oublié de parler au public, bref à leurs clients. Il est temps pour eux d’entreprendre la reconquête de l’opinion ! Les Français attendent un geste de leur part.

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