Kamel Daoud n'a pas tout dit<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas annonçait, dès le 6 janvier, sur la chaîne télévisée ZDF que "Le tout semble avoir été coordonné" et que, selon lui, il est peu probable que ces événements se soient produits "par hasard".
Le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas annonçait, dès le 6 janvier, sur la chaîne télévisée ZDF que "Le tout semble avoir été coordonné" et que, selon lui, il est peu probable que ces événements se soient produits "par hasard".
©Reuters

Pratique ancestrale

En pointant le rapport à la femme chez les musulmans au lendemain des agressions de Cologne, l'écrivain algérien n'a abordé qu'une dimension de l'explication. Les viols ont certainement été ordonnés pour bien marquer que, au moment où la vague migratoire battait son plein, les soldats de l'islam avaient gagné une bataille contre l'Europe.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Une polémique grotesque a opposé, il y a quelques jours, le journaliste-écrivain algérien Kamel Daoud, auteur d'une chronique dans le Monde du 31 janvier intitulée "Cologne, lieu de fantasmes " et 19 prétendus intellectuels peu connus, qui l'ont accusé, lui l'intellectuel de gauche algérien, de rien moins que d'islamophobie et de racisme, "recyclant, disaient-ils, les clichés orientalistes les plus éculés", sans nous dire d'ailleurs si ces clichés sont ou ne sont pas fondés, ce qui est tout de même le plus important. 

Selon une habitude qui se répand dans notre pays, on agonit d'injures l'adversaire, on l'amalgame, on en fait un raciste (que veut dire au demeurant l'appellation de raciste, inexacte s'agissant d'une religion dont la plus grande majorité des adeptes appartiennent à la race dite  "caucasienne" ?), on le réduit ad hitlerum.

L’ignominie dans cette attaque est que, vivant en Algérie et faisant l'objet d'une fatwa des fondamentalistes (à laquelle s'ajoute désormais une fatwa des progressistes !), sur le point d'être jugé par un tribunal algérien, Daoud risque sa vie, alors que ceux qui l'injurient, confortablement installés dans l'université française, eux, ne la risquent pas. 

La réaction des pétitionnaires nous rappelle le lynchage tout aussi grotesque en 2008 de l'historien Sylvain Gouguenheim, coupable d'avoir découvert que la connaissance d'Aristote dans l'Occident médiéval ne venait pas que des Arabes. 

Heureusement, Daoud a trouvé beaucoup de défenseurs, notamment Manuel Valls, pour une fois bien inspiré. 

Mais la question n'est pas épuisée quand on a dit que l'écrivain algérien a fait preuve de liberté en dénonçant  "Le rapport à la femme (...) nœud gordien de la névrose musulmane qui pourrait expliquer les viols de Cologne (...) La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée. Cela dénote un rapport trouble à l’imaginaire, au désir de vivre, à la création et à la liberté". Il conseille aux Occidentaux : "Il faut offrir l’asile au corps mais aussi convaincre l’âme de changer". Et pour la changer, l'éduquer.

Le même Daoud avait cru d'ailleurs bon de donner en introduction quelques gages en disant d'entrée que le " fait " des viols de Cologne en lui-même correspond on ne peut mieux "au jeu d’images que l’Occidental se fait de l’ "autre", le réfugié-immigré : angélisme, terreur, réactivation des peurs d’invasions barbares anciennes et base du binôme barbare-civilisé (...) Cela correspond à l’idée que la droite et l’extrême droite ont toujours construite dans les discours contre l’accueil des réfugiés".

Mais les  "faits", le journaliste qu'il est le sait, ne se mettent pas entre guillemets. Dans l'espèce, les viols de Cologne et d'ailleurs sont un fait incontestable. Il n'est pas sûr cependant qu'ils viennent, comme beaucoup le suggèrent (le propos de Daoud est plus nuancé), de la libido déchaînée de musulmans que leur civilisation a bridée.  

D'abord, le contrôle des pulsions est une nécessité dans le monde musulman comme ailleurs : dans la société traditionnelle, la polygamie et le mariage précoce assortis des menaces terribles qui pesaient sur l'adultère féminin, mais aussi masculin, multipliaient les jeunes gens privés de vie sexuelle, notamment tous ceux qui n'avaient pas assez d'argent pour s'acheter une épouse. Certains spécialistes disent que Mahomet le voulait ainsi pour rendre ces jeunes plus ardents à la guerre, mais la guerre (le djihad) n'a duré qu'un siècle. Ensuite, pendant près de dix-sept siècles, les occasions de la faire n'étaient pas si fréquentes ; on ne voit donc pas pourquoi des jeunes gens habitués à se contenir ne l'auraient pas fait aussi en Europe, surtout s'il s'agit de Syriens, un pays où le statut de la femme est supérieur au reste du monde arabe (c'est la raison pour laquelle beaucoup de femmes sunnites préfèrent Bachar el-Assad à Daech !). 

Un signe de victoire 

Pour analyser les faits, il faut plutôt écouter le ministre allemand de la Justice Heiko Maas qui, dès le 6 janvier, annonçait sur la chaîne télévisée ZDF que  "Le tout semble avoir été coordonné" et que, selon lui, il est peu probable que ces événements se soient produits "par hasard". 

Le viol des femmes par les vainqueurs après la bataille est une vieille pratique liée de manière ancestrale à la guerre à peu près sous toutes les latitudes. Il peut s’expliquer par l'extraordinaire dépense d'adrénaline qui, comme le rappelle le théoricien Ardant du Picq (1), accompagne la bataille, spécialement à l'arme blanche. La chose était jadis si habituelle que Montaigne cite ce trait : "Dieu soit loué, dit une femme passée par les mains de quelques soldats, qu'au moins une fois dans ma vie, je m'en sois soûlée sans péché ! " (2). 

Il est faux cependant de dire que les femmes aient été les principales victimes des guerres car si elles couraient le risque d’être violées, les hommes et les jeunes gens étaient, eux, en cas de sac, le plus souvent tués .

Dès le Moyen-Âge, l'idéal de la chevalerie avait tenté de brider les instincts des guerriers, au moins de certains. 

Mais le passage à l'arme à feu, qui a changé la nature du combat, a sans doute contribué, lui aussi, à ce que cette pratique ait reculé, ce qui n'empêche pas que, rare sous la première guerre mondiale, elle soit réapparue de manière très large au cours de la seconde et pas seulement de la part des Russes. 

Si les chefs ont le plus souvent laissé faire, ce n'est pas forcément parce que la troupe était incontrôlable, c'est aussi parce que le viol avait une valeur symbolique : il était un signe de victoire et d'humiliation de l'adversaire.

Si la vague de viols qui a eu lieu en Allemagne et dans quelques autres pays (Suède, Autriche) à la veille du Nouvel An parait coordonnée, c'est que fort probablement nous nous situons dans cette logique (3). Quelqu'un a donné l'ordre pour bien marquer que, au moment où la vague migratoire battait son plein, les soldats de l'Islam avaient gagné une bataille contre l'Europe décadente et dépravée. 

Et ce symbole n'est pas gratuit, il est opératoire. Célébrer une victoire, c'est donner le moral aux vainqueurs et humilier les vaincus. Or, comme on le sait, les idées ne se répandent pas toujours parce qu'elles sont plus intelligentes ou plus aimables, elles ont aussi le prestige de la force qui les porte. Nous ne savons si les hommes sont des veaux, mais beaucoup d'entre eux se laissent convaincre davantage par elle que par le raisonnement. C'est ce qui se passa aux premiers jours de l'Hégire où l'islam se répandit comme une trainée de poudre grâce à ses victoires. Et si elle n'amène pas forcément de nouveaux adeptes, la victoire conforte au moins le camp qui se reconnaît en elle. Le message de Cologne s'adressait non seulement aux Syriens et autres immigrés mais aussi aux musulmans déjà installés : "Vous êtes peut-être complexés par votre religion, peu crédible dans un environnement rationaliste, ou par votre position sociale humble dans une société riche, mais hauts les cœurs, vous êtes du côté des forts". Même chez les musulmans, la raison, surtout s'il s'agit de celle du plus fort, commande aux instincts. 

(1) Charles Ardant du Picq, Etudes sur le combat, 1872

(2) Montaigne, Essais, Livre second, chapitre III

(3) Si les donneurs d'ordre en étaient conscients, les "exécutants" pas forcément.

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