Médaillés aux JO : qui est bankable et qui ne l'est pas ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Quelques jours seulement après avoir battu le nombre de médailles obtenues aux JO (22), Michael Phelps, jeune retraité de 27 ans, est devenu l'égérie de la nouvelle campagne de publicité de Louis Vuitton.
Quelques jours seulement après avoir battu le nombre de médailles obtenues aux JO (22), Michael Phelps, jeune retraité de 27 ans, est devenu l'égérie de la nouvelle campagne de publicité de Louis Vuitton.
©Reuters

De l'Or aux Euros

Les athlètes français reviennent des Jeux olympiques avec 34 médailles plaçant la France à la 7e place du classement des nations. Mais tous ne tireront pas les mêmes avantages de la breloque obtenue. N'est pas Phelps ou Manaudou qui veut...

Laurent Acharian

Laurent Acharian

Laurent Acharian est senior manager chez PricewaterhouseCoopers (PWC), cabinet d'audit et de conseil.

Spécialiste du sport, il a auparavant exercé comme journaliste au sein de l'Equipe magazine.

Il est l'auteur de Les cents jours des dirigeants : l'Etat de grâce existe t-il dans l'entreprise ? (Manitoba / Octobre 2011).

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Atlantico : Sur le plan financier financier, qu'apporte la médaille olympique dans la carrière d’un sportif ?

Laurent Acharian : Ça change tout ! Notamment en terme de visibilité : ce sont des athlètes qui ont profité de la lumière des Jeux pendant quinze jours.

Mais tout l’enjeu réside dans l’après-JO : il s’agit désormais de capitaliser sur cette médaille. Pour un athlète comme Michael Phelps, qui était déjà très médiatisé, il ne s’agit que de gérer sa sortie en restant visible le plus longtemps possible. Il avait déjà multiplié les records et gagné huit médailles d’or lors des Jeux précédents. On ne le verra plus en compétition : il a mis un joli point final à sa carrière.

Au contraire, pour les nouveaux médaillés et les succès inattendus, il s’agit de s’entourer : c’est tout un métier que de capitaliser une médaille.

Les médailles sont-elles plus ou moins importantes selon les sports pratiqués ?

En effet, la phase de capitalisation de la médaille dépend énormément du sport concerné. Parmi les médaillés, il y en a beaucoup que nous oublierons bien vite, comme à chaque Jeux olympiques. Vous souvenez-vous des médaillés de tirs à l’arc des JO de 2000 ? De même pour un sport comme l’aviron par exemple, alors que souvent les sportifs français sont performants. Cela tient non seulement à leur personnalité - certains athlètes ne recherchent tout simplement pas la notoriété -mais aussi à leur sport.

Le rôle des fédérations est, à cet égard, capital : si elles entendent valoriser leur sport, elles s’appuieront sur des têtes de gondole. C’est l’essence même de la mission des fédérations. Mais celles-ci ont plus ou moins de moyens selon les sports, ce qui leur donne une certaine marge de manœuvre ; et certaines valorisent leur sport plus ou moins bien. En 2000, alors que la France était vice-championne olympique de basket, l’action de la fédération française de basket avait été insuffisante pour exploiter ce succès. Mais aujourd’hui, elles sont de plus en plus professionnalisées dans cette optique.

Dans tous les petits sports, les fédérations doivent s’appuyer sur des grands champions, pour stimuler les adhésions notamment. On verra si le nombre de licenciés en judo ou en handball va augmenter suite aux JO, mais il est difficile de faire croître ce nombre sans la vitrine d’un grand champion. On entend parler une fois tous les quatre ans d’un sport comme le taekwondo. Sans athlètes performants au moment des Jeux Olympiques comme ce fut le cas cette année, difficile de chercher des adhérents ! Les petits sports en ont parfaitement conscience.

Ainsi, l’enjeu n’est pas qu’individuel. Une médaille sert à la fois l’athlète sur le plan financier, mais aussi le sport concerné de manière générale.

Gagner une médaille, cela suffit-il pour être « bankable » (rentable) ? N'y a-t-il pas d’autres facteurs – être beau, être un people, … ?

Ce n’est pas parce qu’on est visible que l’on est forcément rentable. Ce n’est pas non plus parce qu’on gagne une médaille d’or olympique qu’on l’est. Il n’y a pas de règle. Evidemment, une médaille est un Graal à la fois sportif et marketing. Mais tout dépend des personnalités. Tout le monde n’a pas le potentiel ni l’envie de Laure Manaudou pour être médiatisé. On peut être sportivement irréprochable sans vouloir se lancer dans le marketing.

Au-delà de ça, on peut valoriser une belle histoire à raconter, comme Florent et Laure Manaudou. Ce récit autour de la médaille est fondamental. S’il en a l’envie, Florent Manaudou n’aura aucune difficulté à valoriser son or olympique.

Pour ce faire, le rôle des agents sportifs va-t-il croissant ?

Lucie Décosse a fait appel à un agent, pour être visible au-delà du judo : elle a choisi Sophie Kamoun, ancienne nageuse. Cette démarche est assez novatrice ! Évidemment, quelques athlètes ont toujours été dans ce cas-là, mais ce mouvement est tout récent, et la tendance est vouée à se renforcer.

La tendance part-elle des athlètes, qui entendent s’enrichir après leur passage aux Jeux ?

Bien sûr, le mouvement part des athlètes, mais tout le monde en profite. C’est le judo en tant que sport qui tire avantage de la popularité de Lucie Décosse. L’enjeu sur un sport olympique est justement de sortir du petit monde de la discipline. Beaucoup de Français n’ont découvert Lucie Décosse que cette année. Pourtant, c’est une athlète exceptionnelle : sept tournois de Paris, trois titres de champion du monde, vice-championne olympique…  Elle existait avant les Jeux. Mais elle va dorénavant capitaliser au-delà de sa discipline.

La limite en France est très certainement le manque de visibilité mondiale. Le nageur américain Michael Phelps est un athlète mondial. Parmi nos athlètes, nous n’en avons encore aucun qui aurait ce rayonnement international. Nos champions olympiques sont très visibles en France, mais pas au-delà. Et je pense que l’enjeu des années à venir est de franchir ce pas. Et là, sur le plan commercial, l’enjeu est énorme.

Pourquoi cette difficulté toute française de rayonner à l’international sur le plan athlétique ?

Parce que nous n’avons pas un Michael Phelps en France en terme de performance ! Parlant de performance, celui qui s’en rapproche le plus est peut-être Teddy Riner, mais il pratique une discipline moins visible.

Propos recueillis par Ania Nussbaum

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