Jens Weidmann quitte la Bundesbank et voilà pourquoi vous devriez vous au moins autant vous y intéresser qu’aux promesses économiques des candidats à la présidentielle <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la Banque centrale allemande Jens Weidmann assiste à une session plénière lors d'une réunion de l'Eurogroupe, à Vienne, le 7 septembre 2018.
Le président de la Banque centrale allemande Jens Weidmann assiste à une session plénière lors d'une réunion de l'Eurogroupe, à Vienne, le 7 septembre 2018.
©HERBERT NEUBAUER / APA / AFP

Bien plus important qu’une joute Schiappa Zemmour

La plupart des Français ignorent tout de celui qui était gouverneur de la banque centrale allemande depuis 10 ans. Il est pourtant l’un des hommes qui pèsent le plus sur le destin économique de l’Europe.

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard est économiste, conseiller de banque centrale. Il exprime ses vues personnelles dans Atlantico.

Twitter : @SebCochard_11

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Atlantico : L’une des personnalités politiques les plus influentes de l’Union européenne a quitté son poste : Jens Weidmann. A quel point a-t-il été influent durant ses deux mandats à la BCE ? Quel est son héritage ?

Sébastien Cochard : Jens Weidmann, francophone et francophile, cultivé et charmant, est un honnête homme. Je ne dirais toutefois pas, justement, qu'il est l'une des personnalités les plus influentes de l'UE -ni même, en l'occurrence, de l'eurozone. Malgré sa fonction de Président de la BundesBank, Weidmann n'a en effet jamais eu l'influence qu'il aurait pu avoir au sein du Conseil des Gouverneurs de la BCE. Il a toujours été mis en minorité dans les décisions de politique monétaire, d'abord par Mario Draghi, avec lequel il avait une relation notoirement très tendue, puis par Christine Lagarde, qui lui a été préférée alors qu'il était lui-même candidat à la succession de Draghi. Il fut une époque, il y a quatre ou cinq ans, où Weidmann sortait ostensiblement fumer pendant les votes du Conseil des Gouverneurs sur le Quantitative Easing. Une manière d'exprimer sa frustration devant, justement, son impuissance à influer sur la politique monétaire de la zone euro. 

Après 10 ans au service de la BCE, il part officiellement pour « raisons personnelles ». Est-ce uniquement cela qui se joue ?

Weidmann a en effet fini un premier mandat de huit ans à la tête de la Bundesbank, et est actuellement seulement dans la deuxième année de son deuxième mandat. Je mentirais si je vous disais que je connais les raisons de son départ, totalement inattendu. L'on peut toutefois noter que c'est presqu'une tradition, chez les représentants allemands au sein du Conseil des Gouverneurs de la BCE, de démissionner en cours de fonctions : son prédécesseur à la tête de la Bundesbank, Axel Weber, ainsi que les deux prédécesseurs de l'allemande Isabelle Schnabel au sein du conseil exécutif de la BCE, Sabine Lautenschläge et Jürgen Stark, ont tous démissionné afin de signifier leur opposition à la politique monétaire de la BCE. Je ne sais pas si le départ de Weidmann est de même nature. Alors que l'inflation est devenu un sujet central de débat économique actuellement, que Weidmann aurait eu plus de munitions pour mettre fin aux politiques de monétisation de la dette publique, je tendrais à penser que son départ est véritablement pour raisons personnelles. 

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Comme souligné, l'ordolibéralisme allemand ne parvenait pas à se faire entendre au sein du Conseil des Gouverneurs de la BCE. Weidmann n'a pas non plus eu le courage, en août 2020, de mettre en oeuvre les injonctions de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, qui demandait à la Bundesbank de se retirer des politiques d'achats de dette publique de la BCE. La mise en oeuvre de la sentence de Karslruhe aurait été le premier pas, majeur, d'une scission de la zone euro entre l'Allemagne et ses affidés d'un côté, la France et l'Italie et leurs alliés de l'autre. Il est impossible à ce jour de pouvoir deviner dans quel sens le successeur de Weidmann va faire peser la balance.

Parmi les noms cités pour le remplacer figurent Claudia Buch, Isabel Schnabel, Volker Wieland ou Marcel Fratzscher, pourquoi cette nomination est-elle l'une des plus importantes dans l’Union européenne ? A quel point devons nous, en France, surveiller attentivement qui sera le successeur de Jens Weidmann ?

Il manque deux noms importants dans votre liste : Jakob von Weizsäcker, que je connais bien de son temps au Parlement européen, que Olaf Scholz a appelé auprès de lui comme son conseiller économique au ministère des finances, et Jörg Kukies, ancien patron de Goldman Sachs en Allemagne et vice-ministre pour les affaires internationales auprès de Scholz. Les deux seraient particulièrement compatibles avec la "BCE française", c'est-à-dire qu'ils ne s'opposeraient pas à la poursuite des politiques ultra-accommodantes et en particulier le rachat et la monétisation de la dette publique des Etats membres de la zone euro.
A l'inverse, des profils "durs", d'ultra-ordolibéraux austéritaires comme Volker Wieland, heurteraient frontalement la politique monétaire actuelle de la zone euro. Ils pourraient chercher à mettre en oeuvre Karslruhe, demanderaient en particulier la remise sur le marché avant échéance des titres de dette acquis par l'eurosystème et susciteraient ainsi une crise de la dette en France et en Italie. Le FDP, au sein de la future coalition allemande, qui pourrait occuper le ministère des finances avec Christian Lindner, chercherait typiquement à imposer ce type de personnalités. Avec une telle succession de Jens Weidmann, le nœud gordien de l'union monétaire serait tranché et une partition de la zone euro entre un euro-Nord et un euro-Sud deviendrait une possibilité plausible à court terme.

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