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Jean Lassalle mérite-t-il un second coup d’œil ?
©AFP

Hors-usinage

L’étrangeté assumée de Jean Lassalle le cantonne médiatiquement au rayon des farces et attrapes de cette présidentielle, avec les farfelus souverainistes et les trotskystes médiévaux. C’est peut-être dommage.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je viens, littéralement, de découvrir Jean Lassalle « pour de bon » et je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. Je voudrais même faire amende honorable auprès des deux ou trois personnes, guère plus en fait, je n’y peux rien, qui m’ont déclaré vouloir voter pour lui et que j’ai plutôt eu tendance à regarder avec des yeux ronds, mi-incrédules mi-condescendants, l’idée qu’on puisse apprécier sérieusement ce farfelu à la voix rocailleuse ne m’ayant jamais traversé l’esprit.

Ce n’est pas une épiphanie, je ne vais certainement pas voter pour lui moi-même, et sa prestation le jour du fameux « grand débat » était trop surréaliste pour qu’on puisse vraiment avoir envie de l’envoyer à l’Élysée, mais il y a chez ce berger du Béarn une dimension de bon sens humaniste qui interpelle – un mélange de naïveté et de rouerie terrienne qui mérite un deuxième coup d’œil.

D’abord, il a quelques propositions intéressantes, une approche plutôt pragmatique et pas si courante de l’apprentissage, un regard décalé sur le développement rural qui tranche à la fois avec l’écologisme sans gluten des clients de Biocoop et le poujadisme hypocrite des serreurs de main du salon de l’agriculture, et surtout une vraie trouvaille : ses « bootcamps » d’été permettant de remettre à niveau des chômeurs jeunes et vieux encadrés par des profs et des professionnels volontaires dans un pays où le fossé entre compétences disponibles et besoins des entreprises n’a jamais été aussi large.

Même son attitude étrange, pour ne pas dire carrément douteuse, sur la Syrie (il a rencontré Assad au cours d’un voyage de parlementaires légitimement controversé et n’est pas « convaincu » que sa culpabilité dans le massacre des populations civiles soit « avérée »), prend une autre tournure lorsqu’on l’écoute en parler : il serait allé, façon Candide voltairien, lui demander si c’était le cas, le boucher de Damas lui aurait répondu que non, il aurait cru lire de la sincérité dans son regard, ça lui aurait suffit. Disons au moins qu’il ne lui en fallait pas beaucoup, sur ce coup, à notre paysan madré…

Mais je regrette tout de même qu’un mouvement général auquel j’ai contribué, plus par suivisme flemmard, goût de la dérision et absence de curiosité, ait permis d’empiler ce type avec les Cheminade, Asselineau et autres trotskystes médiévaux au rayon des petits candidats exotiques sans conséquences, pour ne pas dire au rayon des farces et attrapes.

Il faut dire qu’il est parfois difficile à prendre au sérieux, Lassalle, avec ses envolées lyriques absconses, ses chansons folkloriques sur les bancs de l’Assemblée, ses randonnées à travers la France en costume cravate et sac-à-dos. Mais c’est sans doute que, même avec le plus aiguisé des sens critiques, on finit toujours par se forger une idée formatée de ce à quoi doit ressembler un « homme politique », de la manière dont il est censé s’exprimer. C’est dommage.

Lui, il le répète partout, est persuadé que les électeurs peuvent se montrer plus ouverts à la différence et qu’il créera une surprise que les sondeurs sont incapables de percevoir. J’en doute, mais que mes deux ou trois lassalistes soient en réalité plusieurs centaines de milliers à patienter discrètement dans la coulisse n’est pas totalement absurde. On se prend d’ailleurs à rêver que les déçus, les déboussolés, les renverseurs de tables, le jour J, choisissent un bulletin portant son nom plutôt que celui d’un vendeur de tapis chavézien ou d’une extrémiste xénophobe pour exprimer leur désir de changement avec un poil plus d’optimisme.

Personnellement, je le verrais bien grimper sur le char de Macron, non pas pour lui servir de supplétif, mais plutôt à la manière du plébéien chargé de rappeler le sens de leur victoire et leur propre mortalité aux généraux triomphants de la Rome antique.

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