Jaurès, Mendès et les autres… La gauche française se meurt-elle de ses idoles ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Jaurès.
Jean Jaurès.
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Héros et reliques de jadis

Accompagné, entre autres, de Najat Vallaud-Belkacem et de Kader Arif, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, le président est attendu ce 23 avril dans le Tarn, à Carmaux, pour rendre hommage à Jean Jaurès. Une grande figure politique et socialiste de France, assassinée en 1914. François Hollande fait ici preuve d'un attachement aux symboles d'hier qui pourrait traduire une crise idéologique importante au PS.

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Atlantico : François Hollande doit se rendre ce mercredi à Carmaux pour rendre hommage à Jean Jaurès. Que peuvent apporter les grandes figures de la gauche au débat politique actuel ? Que cherchent les politiques en les convoquant ainsi ?

Olivier Rouquan : La France aime les commémorations. Tous les Présidents successifs ont cultivé la mémoire des figures charismatiques marquant l'identité nationale. Le Panthéon, bien sûr, est le lieu de mémoire orientant un sacré laïque, site de "canonisation" républicaine. François Mitterrand, dès son "intronisation", s'est recueilli devant la tombe de Jaurès, installée à la colline Sainte Geneviève en 1924. Dès la IIIème République, de grandes cérémonies républicaines érigent de telles statues cristallisant les valeurs passées et les projections à venir.

François Hollande entretient une telle symbolique, dans le cadre de la célébration de la guerre 14-18. Jean Jaurès est devenu une figure consensuelle, invoquée par Nicolas Sarkozy en 2007. Mais avant tout socialiste, pacifiste, tribun, mettant la gauche sur la voie de la réforme et de la gestion des affaires, Jean Jaurès incarne un humanisme attaché aux libertés individuelles, ouvert et tolérant, profondément réconciliateur qui participera notamment à l'élaboration de la loi de 1905.

Ceux qui à gauche se réclament de Jaurès, Mendès-France, Blum etc. vont-ils d'ailleurs au bout de la démarche ou est-elle seulement cosmétique ? Que gagneraient-ils à s'inspirer vraiment des actions de ceux dont ils souhaitent faire leurs illustres parrains ?

Concernant Jean Jaurès, je pense que sa mémoire peut être utilement invoquée pour rappeler que la force de l'engagement politique est fondé sur des convictions. À notre époque, ce n'est pas négligeable.

Pour autant, le combat de sa vie à été mis au service d'un socialisme réaliste. La filiation idéologique de ce point de vue concerne nombre de leaders contemporains du PS, par rapport à une gauche plus "ultra", refusant les compromis gestionnaires. Par contre, les mêmes semblent moins tribuns, charismatiques, ancrés dans la proximité. Le laminoir de la technostructure est passé par là...

En quoi ces hommages dénoncent-ils une crise idéologique au sein du PS ?

L'invocation des ancêtres, de la coutume, raconte une histoire. La mode du "storytelling" remonte en fait à la nuit des temps de la politique symbolique. L'invocation des héros est d'autant plus requise, qu'en effet, l'époque est celle de l'accélération, de la revendication de l'instantané. L'époque est aussi celle de la crise identitaire, des doutes sur la grandeur nationale et même parfois, de la volonté de vivre ensemble. Cela dépasse largement les problèmes du Parti socialiste.

La valorisation mémorielle permet de donner du sens, de relativiser, de se situer dans une durée plus longue et à force de signaux, de tracer des perspectives. Le moment l'exige pour le Parti socialiste, certes déboussolé, mais aussi pour la France. Le chef de l'état ne s'y trompe pas.

Plus globalement, les dirigeants politiques français sont-ils prisonniers de schémas de pensée d'un autre âge ? Quels en sont les symptômes ?

Ils ont d'abord pour mission de définir des stratégies, donc d'inscrire le récit social dans la durée. À l'époque des chaînes infos, avoir des schémas de pensée relevant d'un autre âge, revient à avoir une pensée structurée !

Mais votre question veut souligner le mal français multipliant les blocages entravant les réformes. L'enjeu concerne l'ensemble de la population : il faut tout en gardant notre identité, nous adapter et conserver l'aptitude à débattre, comme au temps ou Jean Jaurès créait "L'humanité"...

La référence aux grandes figures du passé fait-elle sens auprès des Français ?

Le risque est en effet, notamment auprès des jeunes que nous devons davantage intégrer à la République au sens littéral, de susciter au mieux de l'indifférence. Mais notre société est aussi vieillissante. Le devoir de mémoire est une nécessité, si le "nous" veut continuer à se constituer autour des valeurs de justice et de liberté. La figure de Jean Jaurès fait sens, celui que l'on peut donner à une vie par le combat politique, avec ses doutes (Dreyfus), ses erreurs, mais son incroyable vitalité.

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